FT-CI

"Qu’ils s’en aillent tous" ?

L’impasse réformiste du Front de Gauche

17/10/2011

Par Romain Lamel et Guillaume Loïc

Le Front de Gauche (FdG) est né à l’occasion de la campagne des élections européennes de 2009, par une alliance du PCF et du Parti de Gauche, rupture sur la gauche du PS emmenée par l’ancien ministre Jean-Luc Mélenchon. Rapidement rejoint par la Gauche Unitaire de Christian Piquet, ce front électoral réformiste s’est encore « agrandi » avec l’arrivée de la Fédération pour une Alternative Sociale et Écologique (FASE), de Convergence & Alternatives et du groupe République et Socialisme.

Plus hétérogène qu’on ne pourrait le croire, le FdG s’est fixé dès le départ pour objectif de réaliser l’unité à la gauche du PS en faisant référence à la campagne contre le Traité Constitutionnel Européen de 2005. Dans un certain sens ce projet pourrait bien, par certains aspects, en rappeler un autre : celui du NPA, que la LCR avait formulé avant que ne se trace la perspective du Front de Gauche et que l’espace à la gauche du PS ne soit rempli par Mélenchon. C’est en partie pour cela que malgré la démarcation des traditions et des pratiques militantes la confusion règne aujourd’hui à l’extrême gauche, et cela alors même que la crise historique du capitalisme rend toujours plus actuelle la perspective révolutionnaire, et nécessaire sa formulation explicite comme sa préparation. Que faire, donc, face au Front de Gauche ? Ce sont quelques pistes de réflexions que nous nous proposons d’exposer à la lumière du tout dernier ouvrage que vient de publier Mélenchon, Qu’ils s’en aillent tous ! : Vite, la révolution citoyenne.

« Guérir la production du cancer de la finance ? »

La dégénérescence définitive du Parti Socialiste en parti bourgeois, promoteur des contre-réformes dans tous les secteurs -et bientôt de l’austérité capitaliste à la Papandréou ?-, corrélée à la crise organique du PCF stalinien a laissé un espace électoral et politique libre en France pour de nouvelles formations réformistes dont le FdG est l’expression la plus structurée ã ce jour. Malgré une rhétorique usant et abusant du terme de « révolution » ou parlant de nationalisations ou d’augmentations des salaires, la stratégie adoptée par le FdG reste strictement dans le cadre des institutions bâties par la bourgeoisie. Mélenchon ne cache d’ailleurs pas que sa révolution sera « par les urnes », « démocratique », « citoyenne » [1] mais en aucun cas « socialiste », « ouvrière » et « anticapitaliste ». C’est pour cela que le programme du FdG est totalement utopique : alors que la crise actuelle du capitalisme rend plus agressives encore les bourgeoisies, prêtes ã partir à la charge toujours plus durement contre les acquis des travailleur-euse-s, Mélenchon nous fait croire en une illusoire « Sixième République », havre de paix entre les classes. Mais il ne s’agit pas là de la principale opposition entre Mélenchon et les révolutionnaires.

Le candidat du FdG ne veut pas être le porte-parole des travailleurs mais celui de « l’intérêt général », niant ainsi le fait que « les intérêts en jeu dans la société entre dominants et dominés sont nécessairement en conflit » (ibid., p.18.) . Mélenchon tente, par ce biais, de nier l’existence même de classes sociales. Lorsqu’il parle par exemple de la répartition de la valeur ajoutée, il ne parle pas de « travailleurs » et de « capitalistes », mais de « producteurs » et de « rentiers » (ibid., p.51.).

Mélenchon nous explique ainsi que l’endettement est normal et peut se poursuivre, alors que la mise ã sac de la Grèce nous prouve ã tous que la dette est un moyen employé par les capitalistes pour s’enrichir toujours plus sur le dos des salarié-e-s et des jeunes et que la seule réponse juste ã apporter est son annulation pure et simple, par la nationalisation du secteur bancaire sous contrôle des travailleurs et de la population ã fin de le placer au service de toutes et tous.

Plus généralement le FdG nous fait croire que la crise est liée ã des causes conjoncturelles, ã des dérives financières (« la dictature de l’actionnariat » -ibid., p.23 et p.137), ce qui laisse la voie ouverte aux discours de moralisation du capitalisme, et donc aux stratégies institutionnelles et électorales. Dans son dernier ouvrage, le docteur Mélenchon dit explicitement qu’il veut simplement « guérir la production du cancer de la finance » (ibid., p.62). Mais la période de crise grave du capitalisme que nous traversons ne laisse aucune marge de manœuvre ã ce genre de réformisme. Le capitalisme n’est pas un système économique ã soigner, ã moraliser ou ã humaniser, il faut le renverser.

Les trois sources du mélenchonisme : Jaurès, Thorez, Chávez

Mais d’où vient ce « nouveau » réformisme ? Mélenchon a tendance ã vouloir le faire passer pour un discours complètement nouveau. Si on l’analyse attentivement pourtant, la phraséologie employée par le FdG n’est pas très innovante. Elle rassemble trois traditions de « gauche » qui ont chacune échoué et n’ont servi qu’a canaliser la juste révolte des classes populaires dans des impasses politiques.

Il y a, d’abord le jauressisme et c’est jusqu’à la caricature que Mélenchon tente de ressembler ã Jean Jaurès, le tribun de la social-démocratie française d’avant 1914. Mélenchon ne se lasse pas d’ailleurs de le mettre en exergue et de le citer ã toutes les sauces (ibid., p.9 et p.63). De cet héritage découle la focalisation sur la « République », présentée comme une forme d’État transcendant les rapports de classe et apte ã assurer « l’égalité des chances » entre les « citoyens ». Mais qui est citoyen ? Les bourreaux qui, comme Auguste Thiers, ont réprimé la Commune et construit la Troisième République ou bien les ouvriers parisiens, qui avaient tenté de s’émanciper de l’emprise du patronat ? Les promoteurs de la colonisation ou bien les travailleur-euse-s et les jeunes exploités par une minorité d’exploiteurs ? Jean-Luc Mélenchon ne brille d’ailleurs pas par sa sensible à l’égard des pays colonisés. Il parle par exemple « des pays de la façade maghrébine » comme de pays avec qui la France a « une histoire liée, des parentèles et l’usage commun d’une langue » (ibid., p.129) sans dire un mot des crimes commis par la France des colonisateurs et des marchands de canon d’hier et d’aujourd’hui. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si dans un de ses derniers tracts le FdG n’hésite pas ã reprendre la phrase raciste de Guéant sur le « sentiment de ne plus être chez soi » et écrit : « Avec ce gouvernement Sarkozy, on a le sentiment de ne plus être en République ». Comme si le racisme d’État n’avait pas cours depuis les débuts de la République, qui fut toujours impérialiste ! Comme si les Compagnies Républicaines de Sécurité n’étaient pas l’outil quotidien de la répression violente et réactionnaire de tout mouvement social ! En faisant incessamment appel au modèle républicain, à la citoyenneté, le FdG sert les intérêts idéologiques de la bourgeoisie en aidant au camouflage des rapports de classe. Au lieu de désigner aux salarié-e-s les capitalistes qui les exploitent il critique une prétendue « oligarchie », ce qui revient ã prôner le retour ã un capitalisme « normal », plus « policé » sans doute...

La deuxième tradition mobilisée par la rhétorique du FdG provient très logiquement du PCF et de ses déformations historiques. Mélenchon est d’ailleurs souvent comparé à l’ancien secrétaire général du PCF, Georges Marchais, celui-là même qui (comme d’autres avant lui, Thorez en tête), voulait « fabriquer français », se moquant bien du sort des travailleurs étrangers. Aujourd’hui Jean-Luc Mélenchon souhaite le rattachement de la Wallonie à la France (ibid., p.120.) et se plaint que « la France a donné à l’Europe 5 milliards d’euros de plus qu’elle n’en a reçu » (ibid., pp. 76-77). La France, cette puissance impérialiste, Mélenchon se félicite qu’elle soit « la cinquième puissance du monde » (ibid., p.11 et p.53.), « la première population de l’Union dans quinze ans, premier territoire par l’étendue, deuxième PIB du Vieux Continent, puissance nucléaire » (ibid., p.121), une « patrie républicaine » (ibid., p.13). Jean-Luc veut avant tout défendre son pays pour qu’il soit « le peuple le plus éduqué du monde » (ibid., p.36) ce qui n’est pas sans rappeler les discours de quelques hommes de « gauche » du passé, ã commencer par Ferry, ancien ministre des Colonies sous la III République. Pour le Front de Gauche il s’agirait aujourd’hui de lutter contre un processus de « dérégulation principalement porté par les États-Unis » et contre le fléau des délocalisations. Cela revient ã tirer un trait d’égalité entre les travailleur-euse-s des autres pays et leurs exploiteurs bourgeois, comme s’ils étaient les responsables de nos souffrances, en lieu et place de notre propre patronat qui est prêt ã toutes les attaques pour augmenter ses profits. Un capitalisme national, en concurrence féroce avec ses voisins, n’amènerait aucune protection supplémentaire et la seule solution réside bien dans la construction de la résistance internationale ã nos oppresseurs de classe. Mais le FdG ne semble pas pressé de s’engager sur cette voie.

La troisième tradition dans laquelle s’inscrit le Front de Gauche est celle des gouvernements de « gauche » latino-américains comme ceux de Chávez au Venezuela, de Morales en Bolivie ou de Correa en Equateur. Jean-Luc Mélenchon les définit comme « des expériences dont on peut s’inspirer, des exemples qu’on peut suivre » (ibid., p.15), « des révolutions qui régénèrent les pays » (ibid., p.13). Que s’est-il passé dans ces pays ? Après deux décennies de thérapies de choc mis en place sous la houlette de Washington et des pays européens le continent a connu une vague de révoltes et de processus insurrectionnels qui ont parfois conduit au renversement des gouvernements d’inspiration néo-libérale (Bolivie, Equateur, Argentine). Portés par des mouvements sociaux puissants, de nouveaux gouvernants de « gauche » se sont installés au pouvoir. Douze ans après l’installation au pouvoir de Chávez, six ans après celle d’Evo Morales, cinq après celle de Rafael Correa, si des réformes sociales ont amélioré à la marge le quotidien des plus pauvres, les structures de la société n’ont pas changé. Après avoir nié l’autonomie du mouvement social pendant plusieurs années, la répression est la seule réponse adoptée par ces gouvernements. Le mois dernier la police d’Evo Morales a brutalement réprimé la révolte indigène du TIPNIS, un peu à l’image de ce que fait le gouvernement de droite chilien avec la résistance mapuche ou vis-à-vis du mouvement étuidiant qui secoue le pays actuellement. Les gouvernements de Chávez et Correa agissent, d’ailleurs, depuis quelques années, de la même manière. En France, Jean-Luc Mélenchon considère, ã juste titre, que Sarkozy « criminalise la contestation sociale » (ibid., p.31). Pourquoi les travailleurs latino-américains n’auraient pas droit à la même sollicitude que les travailleurs français ? La voie stratégique des gouvernements post-néolibéraux latino-américains est une impasse pour les classes populaires qui commencent d’ailleurs ã rompre parfois à la marge avec eux comme on le voit actuellement en Bolivie. Le devoir des militants internationalistes est d’être à leur côté contre les gouvernements. L’action de Jean-Luc Mélenchon est à l’inverse de se solidariser avec les gouvernements et de nouer des relations d’amitié avec certains de ces bureaucrates comme le « jeune chef du bureau diplomatique du président Chávez » (ibid., p.27).

De la surreprésentation idéologique du Front de Gauche

Que signifie alors l’importance prise actuellement par le réformisme radical du FdG alors que la crise s’aggrave tous les jours, que l’Europe s’enfonce dans la perspective de catastrophes financières en chaîne (Grèce, Portugal, Italie, Etat espagnol...) et de faillites bancaires ? Le FdG doit être analysé comme un élément ã part-entière d’une période historique très particulière afin de comprendre son émergence qui n’aurait pas été possible ã un autre moment. Alors que les mécanismes de la crise mettent au jour de plus en plus nettement les ressorts de la lutte des classes et l’irrationalité d’un système bâti pour le seul profit d’une extrême minorité, les discours réformistes peuvent tout ã coup devenir utiles à la bourgeoisie. Ils lui servent en effet ã capter le ressentiment et la radicalité des masses tout en évitant soigneusement de poser la question structurelle qui mettrait en danger leur pouvoir : celle de la propriété des moyens de production. C’est pour cela que l’on voit Mélenchon caracoler sur les plateaux télévisés, à la radio, présentant une image faussement intraitable.

Quitte ã se faire cracher au visage, et même si elle le déteste profondément, la bourgeoisie lui donne une tribune, car il sert d’une certaine manière ses intérêts idéologiques en cette période troublée. Si une mobilisation d’ampleur devait se déclencher le FdG pourrait être le seul allié objectif utilisable par la classe dominante pour ramener la contestation sur le terrain de ses institutions -contre, bien sûr, les intérêts des masses mobilisées. Pour lutter contre la privatisation de La Poste, le Front de Gauche a soutenu l’organisation d’un référendum dont l’action a été tout simplement ignorée par le gouvernement. Même chose à l’automne dernier, lorsqu’il appelait ã un référendum en plein cœur du mouvement de défense des retraites, quand des millions de travailleurs et de travailleuses descendaient dans la rue et que de façon embryonnaire les « interpros » se structuraient et préfiguraient une auto-organisation apte ã poser la nécessité du combat contre la bourgeoisie et la bureaucratie syndicale qui refusait l’affrontement jusqu’au bout avec le gouvernement. Pour mémoire le tract que le FdG diffusait en préparation de la journée du 6 novembre : le recto appelait à l’unité dans les mobilisations, un moyen de défendre l’emprise des directions syndicales qui menaient le mouvement dans le mur (et dont beaucoup sont liées au FdG lui même...) alors que le verso présentait le FdG comme une alternative ã Sarkozy pour les prochaines élections ! Mélenchon faisait donc sa campagne dans le mouvement et tentait de le ramener sur le terrain institutionnel pour le plus grand plaisir de ceux qui voulaient démobiliser.

Pour bien caractériser le FdG et son rôle dans la période actuelle il serait cependant insuffisant d’en parler détaché de la structuration idéologique actuelle et des rapports entre les organisations qui le composent. Un champ idéologique se construit en effet par interactions, et le poids superstructurel que prend une formation politique est directement corrélé aux batailles menées par ses concurrentes. A cet égard, outre le bénéfice idéologique que peut indirectement retirer la bourgeoisie de la croissance du réformisme en temps de crise, le poids du FdG est largement lié à la crise actuelle de l’extrême gauche. C’est pour cela que l’on peut dire que le projet de Mélenchon est aujourd’hui largement surreprésenté idéologiquement, du fait même de la timidité et des oscillations du NPA et de Lutte ouvrière.

Boulevards et perspectives

Pourtant la différentiation d’avec la propagande du FdG est une tâche cruciale pour les anticapitalistes révolutionnaires aujourd’hui. Si nous ne sommes pas ã même de l’assumer alors c’est un boulevard qui s’offre aux réformistes. C’est pour cela que le mot d’ordre « unitaire » porté par la Plateforme B du NPA est plus que jamais absurde. Au contraire, toute stratégie visant ã renverser le capitalisme doit passer par une démarcation claire et quotidienne d’avec Mélenchon, afin de disputer son emprise sur ceux et celles qui sont prêt-e-s à lutter. Pour toutes les raisons mentionnées au fil de cet article, cette démarcation n’est pas difficile ! Nous devons expliquer que l’État actuel n’est autre chose qu’un outil dans les mains de la classe dominante, qu’aucun changement institutionnel ne fera disparaître la lutte des classes et que les causes de la crise sont structurelles et prouvent la nécessité de renverser le capitalisme. Nous devons le faire dans les luttes, au sein des fronts uniques auxquels elles donnent lieu, pendant notre campagne électorale, etc. Or le NPA est jusqu’à ce jour incapable d’assumer cette tâche et notre candidat bien en mal d’expliquer notre absence du FdG.

Le NPA s’est fondé avant la construction du FdG et force est de constater que ce dernier lui a fait beaucoup de mal, un grand nombre de militants étant justement rentré dans le parti à l’époque porté par Besancenot dans l’espoir de réaliser l’« unité du mouvement social ». Incapable de trancher la question antilibéralisme radical, anticapitalisme large et révolution, d’expliquer clairement sa différenciation stratégique avec le PG et le FdG, notre parti a perdu une part importante de ces militants tandis que l’actuelle Position B, qui regroupait 40% des militants à la dernière Conférence Nationale, continue ã regretter le choix d’une candidature autonome. Lorsqu’il s’agit d’expliquer notre différence la direction actuelle esquive systématiquement la question stratégique fondamentale et présente le NPA comme « parti des luttes » présent dans le mouvement social et aux élections.

Cet argument est à la fois discutable et insuffisant. Discutable, d’abord, car depuis sa fondation le Nouveau Parti Anticapitaliste s’est surtout structuré par son rapport aux élections, d’abord autour de la personnalité de Besancenot et de ses 4 % aux présidentielles de 2007 (sous l’étiquette LCR, il faut le rappeler), puis par les débats difficiles au sein de l’organisation ã chaque échéance depuis sa fondation : régionales, européennes, cantonales, posant ã chaque fois la question de notre rapport avec le FdG, et ce jusqu’à nous lier aux mélenchonistes dans le Limousin. Depuis le dernier Congrès le parti est traversé de vives tensions au sujet des présidentielles alors même que la nouvelle étape de la lutte des classes ouverte par les processus révolutionnaires dans le monde arabe -et qui est loin d’être clos- rend plus que jamais nécessaire une réflexion sur l’intervention des révolutionnaires en son sein. La question de notre simple définition comme « parti des luttes » est insuffisante également car même si le terrain privilégié pour les révolutionnaires est celui de la lutte de classes, la question est de savoir comment les marxistes révolutionnaires politisent les luttes des travailleur-euse-s, les popularisent, défendent leur indépendance, les structurent jusqu’à mettre en danger le pouvoir bourgeois, et utilisent d’autre part les élections comme une tribune pour notre classe, sans illusions...

Incapable de se différencier le NPA l’est d’autant plus que le FdG utilise la radicalisation liée à la période actuelle pour avancer périodiquement des mots d’ordre offensifs : SMIC ã 1600 euros, nationalisations, titularisation des précaires de la fonction publique, etc., des revendications qui sont aussi, évidemment, portées par le NPA. Mais sans argumentation claire sur la nécessité d’une stratégie révolutionnaire et d’une démarche transitoire notre parti semble occuper exactement le même espace que les partisans de Mélenchon. D’où le raisonnement de certains : quitte ã se battre pour obtenir un bon score électoral, autant soutenir un vieux ténor du pouvoir, bien inséré dans les médias bourgeois, qu’un ouvrier méconnu comme Philippe Poutou. Au contraire, nous devrions être capables, et c’est le pari que nous faisons ã travers la campagne Poutou, d’utiliser le profil de Philippe pour nous démarquer et populariser les luttes, ã commencer par les bagarres les plus radicales, et faire entendre la voix des exploité-e-s. Mais cela ne pourra pas se faire dans le cadre d’un NPA « orphelin d’hypothèse stratégique » comme le disait Daniel Bensaïd. C’est ce vide même qui produit le désarroi des anticapitalistes et la surreprésentation du FdG.

Sur son site le FDG dit s’inscrire « dans le meilleur des traditions du mouvement ouvrier, des combats républicains, des mouvements sociaux et de l’écologie politique » (souligné par nous). C’est partiellement ce que le NPA dit de lui-même ! De la même manière le FdG développe la thématique de la dialectique entre gouvernement et mobilisations pour expliquer sa stratégie, en parlant d’« un front citoyen destiné ã enclencher une dynamique populaire » : c’est aussi ce que font les partisans de la Plateforme B, malgré la différence de vocable. Dans cette situation le FdG et ses partisans peuvent à loisir critiquer le NPA quant ã sa soi-disant « stratégie d’isolement », ã son ignorance délibérée de « la dynamique enclenchée ã gauche », jusqu’à affirmer : « en se positionnant uniquement comme ’parti des luttes’, le NPA semble préférer une intervention strictement située sur le terrain social, et se servir des élections comme d’une tribune. Il paraît aussi remettre ã plus tard les questions relatives au pouvoir, au rôle des élus, ã ce que devrait faire concrètement une gauche au pouvoir » !

Effectivement le NPA refuse aujourd’hui de poser la question du pouvoir. On l’a vu lors de la dernière mobilisation de masse en France, au sujet de la contre réforme du système des retraites. Le parti y oscillait entre appel à la grève générale et blocage de l’économie, et s’abstenait systématiquement de polémiquer contre le FdG et les directions syndicales qui ont pourtant réussi ã enterrer le mouvement en imposant des grèves ã saute-mouton qui ont laissé isolés les secteurs d’avant-garde et ã fin d’éviter l’affrontement avec le gouvernement. Au delà des mots d’ordre le parti se refuse systématiquement ã avancer ouvertement les arguments théoriques faisant de la perspective de la grève générale et de la nécessité de l’auto-organisation des masses en vue d’une insurrection prolétarienne un axe structurant de notre discours. Cela fait pourtant partie du « meilleur des traditions du mouvement ouvrier » : la capacité ã comprendre que les crises du capitalisme posent la question de la prise du pouvoir et de la nécessité de s’y préparer. Alors que nous vivons ã nouveau une période de crise historique du capitalisme il est tragique que l’extrême gauche française ne soit pas capable de se différencier clairement et ouvertement d’une alliance électorale réformiste comme le FdG, en clamant haut et fort que le type de pouvoir émancipateur que l’on veut instituer ne passe pas par la prise en charge des institutions bourgeoises.

Si le NPA manque ã sa tâche en refusant de polémiquer avec le FdG et de lui disputer la direction des luttes, l’activité -ou plutôt l’absence d’activité- déployée par Lutte Ouvrière ne permet en rien de compenser cette impuissance. Dans ses très rares prises de position ã ce sujet LO explique avec raison mais de manière très insuffisante que le FdG promeut la perspective illusoire d’un anticapitalisme réformiste. LO explique aussi que le FdG n’hésitera pas ã s’allier avec le PS entre les deux tours. Mais, point commun avec le NPA, aucune analyse stratégique ne transparaît dans les rares articles ã ce sujet [2] : rien sur le lien avec la crise, sur la nécessité et les moyens de disputer sa place dans les consciences au FdG.

Si, aujourd’hui, l’espace idéologique occupé par Mélenchon est aussi important ã gauche, c’est que nous ne sommes pas à l’offensive pour le restreindre, dans les luttes et dans les polémiques. Au lieu de reprocher aux masses leur retard et leur manque de conscience, alibi facile auquel a recours l’extrême gauche pour justifier la timidité de ses interventions, les révolutionnaires doivent considérer le rôle que leurs organisations doivent jouer dans la construction de cette conscience. C’est aussi en exposant ouvertement notre programme et sa nécessité que nous ferons avancer la subjectivité des masses. C’est ainsi que l’on sera aussi ã même de fermer le boulevard ouvert au Front de Gauche par le manque de perspectives stratégiques qui caractérise aujourd’hui l’extrême gauche et ses organisations.

04/10/11

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