FT-CI

Sivens : violences et mensonges d’Etat au service de l’ordre et de la croissance

Tribune du "Monde". Menteurs et assassins

14/11/2014

Tribune du

Nous reproduisons ci-dessous la tribune cosignée par parEmmanuel Barot, professeur de philosophie à l’université Toulouse -Jean Jaurès, Aurélien Berlan, membre de la coordination du 25 octobre, et Christophe Goby, faucheur d’OGM condamné ã Nonnette (Puy-de-Dôme), publiée dans l’édition du 15 novembre du Monde.

Dans la nuit du 25 au 26 octobre, un homme tombe ã Sivens. S’ensuit une semaine au cours de laquelle, peu ã peu, la vérité est dévoilée dans un strip-tease macabre : comme l’affirmaient les opposants au barrage dès le 27 octobre, les autorités finissent par reconnaître qu’il a été tué par une grenade de la gendarmerie. On comprend mieux qu’elles aient mis deux jours ã présenter leurs condoléances : il y avait plus urgent, il fallait gagner du temps pour juguler la colère et tenter d’étouffer le scandale.

Car les forces de l’ordre et les autorités, cela vient d’être prouvé par Le Mondedu 13 novembre, ont immédiatement su ce qui s’était passé.

Pendant les jours suivants, l’Etat a donc menti effrontément. Quelques mensonges restent ã démonter. Qu’est-ce qui justifiait la mobilisation de 250 policiers et gendarmes, munis d’armes de guerre, samedi 25 octobre au Testet, alors qu’il n’y avait ni machines de chantier ni ouvriers ã protéger ? Une première réponse a été apportée par un fonctionnaire de police : il s’agissait de « protéger » les manifestants pacifiques. Mais comment les forces de l’ordre auraient-elles pu protéger quiconque dans un rassemblement qui se déroulait ã 1,7 km de l’enclos entouré de grillages et de fossés où elles étaient cantonnées ?

Les autorités esquivent les questions gênantes et tentent d’étouffer le mouvement social qui s’esquisse en réponse ã cet assassinat

Et si ce danger avait vraiment existé – où a-t-on vu des « black blocs » s’attaquer ã autre chose qu’à des banques, des vitrines et du mobilier urbain ? –, pourquoi les forces de l’ordre ont-elles quitté les lieux trois heures après leur crime, sans plus jamais y revenir ? Et pourquoi y sont-elles restées trois heures de plus ? Le ministre de l’intérieur a quant à lui proposé une autre réponse : il fallait« éviter que le terrain ne soit piégé avec des herses enterrées ».

Mais ici aussi, toutes les questions précédentes se posent, d’autant plus que les policiers en civil qui arpentaient le site tout le week-end n’auraient eu aucun mal ã repérer les hypothétiques « pièges ». La réponse est pourtant simple, on la trouve elle aussi dans le communiqué de la coordination des opposants du 27 octobre :« A l’heure où tous les mensonges et conflits d’intérêts dénoncés par les opposants depuis des mois ont été confirmés par les investigations des journalistes et le rapport des experts ministériels (…), le président du conseil général et le préfet du Tarn n’ont plus aucun argument en faveur du barrage, si ce n’est de monter en épingle la prétendue violence des opposants. Ils avaient donc besoin de violence samedi. Ils l’ont provoquée. Elle a coûté la vie ã Rémi. »

Les autorités ont joué la stratégie de la tension et se sont prises dans leur propre piège. Depuis, elles esquivent les questions gênantes et tentent d’étouffer le mouvement social qui s’esquisse en réponse ã cet assassinat : certaines manifestations ont été interdites, des manifestants ont été arrêtés préventivement, la faculté de Rennes a été fermée pour empêcher une assemblée générale – toutes décisions qui remettent en cause le droit de se réunir et de manifester. Et bien sûr, les exactions des policiers se poursuivent – pourquoi en irait-il autrement, ã partir du moment où le premier ministre leur a signé un blanc-seing en déclarant qu’il ne tolérerait pas la mise en cause de ses agents ?

Dans le même temps se déroule une opération médiatico-policière désormais bien rodée : on monte en épingle la« violence »des« casseurs ». Face au scandale, l’Etat local et l’Etat national se renvoient la balle. Tandis que Ségolène Royal, qui a attendu que l’irréparable soit fait avant de révéler les conclusions du rapport des experts, affirmait le 27 octobre que c’était au conseil général du Tarn de statuer sur la poursuite du chantier, ce même conseil s’en remettait le 31 octobre à l’Etat central. Et tandis que le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, expliquait le 31 octobre avoir donné« des instructions de prudence »et remettait la responsabilité de l’inutile présence policière sur le dos du préfet, ce dernier affirmait à La Dépêche du Midin’avoir« donné aucune consigne de sévérité aux forces de l’ordre »– affirmation contredite par le commandant des gendarmes mobiles, qui déclarait juste après le crime : le préfet« nous avait demandé de faire preuve d’une extrême fermeté vis-à-vis des opposants »(Le Mondedu 13 novembre). Alors, qui ment ?

La première leçon ã tirer est de désarmer les forces de l’ordre : interdire l’usage d’armes de guerre, mais aussi de ces armes « à létalité réduite » qui ne cessent de mutiler

Tous, bien sûr, ã divers degrés. Personne ne croira que le préfet a donné sa consigne d’« extrême fermeté »sans l’accord de Bernard Cazeneuve et du premier ministre Valls, dont elle incarne la ligne politique autoritaire. En réalité, les violences et les mensonges de l’Etat national s’inscrivent dans la continuité de ceux orchestrés par l’Etat local depuis le début de l’affaire Sivens : enquête d’utilité publique occultée, chiffres tronqués, avis contradictoires ignorés, inflation des violences policières. Cette spirale étatique de violences et de mensonges n’a rien d’incongru : c’est seulement ã ce prix, aujourd’hui, qu’on peut espérer gagner quelques (dixièmes de) points de PIB.

La croissance est en berne, il faut bien chercher à « produire artificiellement, grâce à l’argent public, de l’activité économique », comme le dénoncent ã Sivens les opposants, dans leur appel au « grand rassemblement » du 25 octobre. Il faut donc se résoudre ã exploiter plus durement les humains et la nature. Or, comment atteindre ces objectifs capitalistes sans l’appui armé des forces de l’ordre ? L’Amérique du LAPD[Los Angeles Police Department]et du gaz de schiste, voilà le modèle. Au-delà des indispensables mises en examen des gendarmes, des autorités locales et des membres du gouvernement impliqués dans ce scandale, la première leçon ã en tirer est de désarmer les forces de l’ordre : interdire l’usage d’armes de guerre contre les jeunes de cité et les manifestants, mais aussi de ces armes « à létalité réduite » qui ne cessent de mutiler.

Descendre dans la rue pour protester, c’est désormais prendre le risque de perdre un œil. Se réunir au bas de sa tour dans une cité peut vous conduire droit au cimetière. Tout cela terrorise, et la police sert ã ça : faire en sorte que la population se jette dans les bras d’un Etat qui, ã défaut de pouvoir produire du consensus par la croissance et le plein-emploi, ne cherche plus qu’à monter les populations les unes contre les autres.

Notas relacionadas

No hay comentarios a esta nota

Periodicos

  • PTS (Argentina)

  • Actualidad Nacional

    MTS (México)

  • EDITORIAL

    LTS (Venezuela)

  • DOSSIER : Leur démocratie et la nôtre

    CCR NPA (Francia)

  • ContraCorriente Nro42 Suplemento Especial

    Clase contra Clase (Estado Español)

  • Movimento Operário

    MRT (Brasil)

  • LOR-CI (Bolivia) Bolivia Liga Obrera Revolucionaria - Cuarta Internacional Palabra Obrera Abril-Mayo Año 2014 

Ante la entrega de nuestros sindicatos al gobierno

1° de Mayo

Reagrupar y defender la independencia política de los trabajadores Abril-Mayo de 2014 Por derecha y por izquierda

La proimperialista Ley Minera del MAS en la picota

    LOR-CI (Bolivia)

  • PTR (Chile) chile Partido de Trabajadores Revolucionarios Clase contra Clase 

En las recientes elecciones presidenciales, Bachelet alcanzó el 47% de los votos, y Matthei el 25%: deberán pasar a segunda vuelta. La participación electoral fue de solo el 50%. La votación de Bachelet, representa apenas el 22% del total de votantes. 

¿Pero se podrá avanzar en las reformas (cosméticas) anunciadas en su programa? Y en caso de poder hacerlo, ¿serán tales como se esperan en “la calle”? Editorial El Gobierno, el Parlamento y la calle

    PTR (Chile)

  • RIO (Alemania) RIO (Alemania) Revolutionäre Internationalistische Organisation Klasse gegen Klasse 

Nieder mit der EU des Kapitals!

Die Europäische Union präsentiert sich als Vereinigung Europas. Doch diese imperialistische Allianz hilft dem deutschen Kapital, andere Teile Europas und der Welt zu unterwerfen. MarxistInnen kämpfen für die Vereinigten Sozialistischen Staaten von Europa! 

Widerstand im Spanischen Staat 

Am 15. Mai 2011 begannen Jugendliche im Spanischen Staat, öffentliche Plätze zu besetzen. Drei Jahre später, am 22. März 2014, demonstrierten Hunderttausende in Madrid. Was hat sich in diesen drei Jahren verändert? Editorial Nieder mit der EU des Kapitals!

    RIO (Alemania)

  • Liga de la Revolución Socialista (LRS - Costa Rica) Costa Rica LRS En Clave Revolucionaria Noviembre Año 2013 N° 25 

Los cuatro años de gobierno de Laura Chinchilla han estado marcados por la retórica “nacionalista” en relación a Nicaragua: en la primera parte de su mandato prácticamente todo su “plan de gobierno” se centró en la “defensa” de la llamada Isla Calero, para posteriormente, en la etapa final de su administración, centrar su discurso en la “defensa” del conjunto de la provincia de Guanacaste que reclama el gobierno de Daniel Ortega como propia. Solo los abundantes escándalos de corrupción, relacionados con la Autopista San José-Caldera, los casos de ministros que no pagaban impuestos, así como el robo a mansalva durante los trabajos de construcción de la Trocha Fronteriza 1856 le pusieron límite a la retórica del equipo de gobierno, que claramente apostó a rivalizar con el vecino país del norte para encubrir sus negocios al amparo del Estado. martes, 19 de noviembre de 2013 Chovinismo y militarismo en Costa Rica bajo el paraguas del conflicto fronterizo con Nicaragua

    Liga de la Revolución Socialista (LRS - Costa Rica)

  • Grupo de la FT-CI (Uruguay) Uruguay Grupo de la FT-CI Estrategia Revolucionaria 

El año que termina estuvo signado por la mayor conflictividad laboral en más de 15 años. Si bien finalmente la mayoría de los grupos en la negociación salarial parecen llegar a un acuerdo (aún falta cerrar metalúrgicos y otros menos importantes), los mismos son un buen final para el gobierno, ya que, gracias a sus maniobras (y las de la burocracia sindical) pudieron encausar la discusión dentro de los marcos del tope salarial estipulado por el Poder Ejecutivo, utilizando la movilización controlada en los marcos salariales como factor de presión ante las patronales más duras que pujaban por el “0%” de aumento. Entre la lucha de clases, la represión, y las discusiones de los de arriba Construyamos una alternativa revolucionaria para los trabajadores y la juventud

    Grupo de la FT-CI (Uruguay)