FT-CI

Le mensonge, c’est maintenant !

Une rentrée des classes sous le signe de l’escroquerie

18/09/2012

Par Pierre Hodel

L’Education Nationale a été un des enjeux majeurs de la présidentielle. Mais avec Hollande à l’Elysée et Vincent Peillon à la rue de Grenelle, le changement c’est pour plus tard. Mieux, l’escroquerie et le mensonge sont les axes centraux des nouveaux programmes défendus par le gouvernement pour la rentrée scolaire.

Le bilan de Nicolas Sarkozy pour l’École pourrait se résumer au plus grand plan social de ces dernières années. Avec 80.000 postes supprimés en cinq ans, Sarkozy et son ministre, Luc Chatel, ancien responsable des Ressources humaines chez L’Oréal, ont tranché dans le vif : des dizaines de milliers de postes d’enseignants ont été supprimés. Ces suppressions de poste ont également touché l’administration, l’accompagnement des élèves, les postes des médecines scolaires, etc. A ce passif, il faudrait ajouter la suppression complète de la formation des enseignants du secondaire, pourtant déjà bien entamée, des réformes réactionnaires dans les programmes, la concession de pouvoirs supplémentaires élargis aux chefs d’établissement, la suppression de la carte scolaire, etc.

Hollande, de son côté, avait promis au cours de sa campagne de faire de l’Éducation une des priorités de son quinquennat, en affirmant qu’il allait créer 60.000 postes. Premier hic : les postes ne devaient pas augmenter le volume global de fonctionnaires. Hollande disait donc clairement, au printemps, qu’il allait prendre sur Paul pour habiller Pierre… ou au mieux rafistoler son costume. Deuxième hic : avec seulement 1.280 postes créés à la rentrée, Hollande n’est même pas revenu sur les 14.000 postes supprimés pour l’année 2012-2013 par le précédent gouvernement. Vincent Peillon, son ministre, a de son côté annoncé le recrutement d’autant d’enseignants que ceux qui partent à la retraite et la création de 10.000 postes pour les rentrées 2013 ã 2016. Si l’on fait un rapide calcul, il s’agirait donc de 40.000 postes créés sur le quinquennat, soit la moitié de ce que Sarkozy a supprimé et bien moins que ce que Hollande promettait pendant sa campagne. Mais l’escroquerie de s’arrête pas là .

Une dégradation constante des conditions de travail pour les personnels

La droite a réussi ã finir de plomber définitivement l’Éducation, et notamment l’enseignement. En témoigne l’impossibilité, dans certaines disciplines, de pourvoir tous les postes des concours, tant le refus de s’engager dans cette galère est devenu grand chez les étudiants. Il s’agit d’une situation inédite au regard de la situation de crise que nous connaissons et du taux de chômage encore plus élevé chez les jeunes. Les étudiants ayant les qualifications ne veulent plus devenir profs tellement les conditions de travail se sont dégradées ces dernières années. Pour celles et ceux qui sont en poste en revanche, rien ne filtre, notamment dans les médias, au sujet des démissions, des dépressions. Aucun chiffre n’est réellement communiqué, comme s’il n’y avait aucun problème. Pas d’enquêtes de la médecine du travail, pas de « une » de la presse, sauf lorsqu’une collègue s’immole dans la cour de récréation.

Pour ce qui est des « créations de poste », on a vu ã quoi il fallait s’attendre. Mais ã défaut de véritables postes de fonctionnaires, le gouvernement propose des « emplois d’avenir » et des « contrats de génération ». Vendu par Hollande lui même aux enseignants, lors d’une visite de pré-rentrée dans un collège de banlieue parisienne, ã Trappes, le 3 septembre, le « contrat de génération » n’est rien d’autre qu’un sous-contrat précaire pour recruter des étudiants payés... en dessous du seuil de pauvreté ! Un cadeau donc ! Mais la presse, elle, est unanime ã en vanter les avantages. Elle va même jusqu’à titrer comme, le quotidien gratuit 20 minutes du 6 septembre, « Pourquoi le contrat de génération fait presque l’unanimité ? ». Il est vrai que l’article est accompagné d’une magnifique photo de la patronne du Medef, Laurence Parisot. Une fois de plus, presse du grand capital, représentant du patronat, gouvernement PS et la CDFT (appelée à la rescousse pour témoigner et soutenir le gouvernement sur cette question), communient dans l’éloge de l’esclavage précaire.

Pour assurer un minimum les cours (puisqu’il continue ã y avoir des élèves tout de même dans les salles de classe…), le gouvernement n’entend pas non plus remettre en question le recrutement massif de professeurs contractuels, c’est-à-dire des emplois ultra-précaires de salariés dont on ne paye pas les vacances, corvéables et taillables ã merci, et qui, bizarrement, sont beaucoup plus nombreux dans les collèges et lycées des quartiers les plus populaires que dans les établissements de centre-ville. Et que dire de la titularisation de l’ensemble des collègues sur statut précaire, un axe essentiel qui devrait être repris par l’ensemble de nos organisations syndicales ? Le gouvernement ne l’envisage pas une seconde.

Pour ce qui est des professionnels des basses œuvres, en poste sous Sarkozy, ã savoir recteurs, sous-recteurs, responsables de service, à l’origine de l’application des mesures d’austérité et des suppressions, Hollande a décidé de les maintenir en poste. Les plus zélés sous Sarkozy pour supprimer des postes sont toujours en fonction, et pour cause ! Il suffit de penser à l’Académie de Créteil, une des zones qui aurait le plus besoin de postes et de personnels, afin de répondre de façon cohérente et qualitative aux besoins en éducation et formation des départements les plus populaires de France, comme la Seine-Saint-Denis par exemple. Monsieur le Recteur William Marois y est toujours aux manettes. Qu’il s’agisse d’un ami personnel de Lionel Jospin n’a pas dû le desservir…

Des élèves qui sont les premières victimes de cette situation

Le résultat, c’est que les classes ã 35 vont bientôt devenir une banalité dans un système scolaire français qui marche de plus ou mal comme le souligne la plupart des enquêtes. Les premiers ã en souffrir, ce sont évidemment les enfants des classes populaires, qui subissent la double peine d’être stigmatisés dans des établissements-ghettos et sont condamnés ã une éducation de plus en plus dégradée. La Cour des comptes a elle-même épinglé cette situation, en soulignant que l’Etat dépense quatre fois moins pour un lycéen de Seine-Saint-Denis que pour un lycéen parisien. La décision du gouvernement d’augmenter l’allocation de rentrée scolaire (ARS) de 25% pour les familles les plus modestes ne changera rien à l’histoire. Les 388 euros que reçoit un foyer pour une rentrée de lycéen ne couvrent pas l’ensemble des besoins de l’élève, notamment s’il est scolarisé dans certaines filières spécifiques ou dans le professionnel, avec tout un matériel particulier ã acheter. L’ARS ne couvre évidemment pas les frais supplémentaires qui s’engagent sur le reste de l’année et qui restent à la charge des parents.

Des stagiaires toujours autant en galère

Autre escroquerie de Hollande et que les médias relaient partout : la formation des enseignants-stagiaires, ã savoir des collègues qui font leur entrée dans le métier et qui ne sont pas encore titularisés. Au cours des dernières années, on est passé d’une année de formation alternée, avec 6h d’enseignement sur la semaine et le reste en Institut de formation, ã 18h d’enseignement sous Sarkozy. Hollande et son ministre Peillon, à la plus grande satisfaction des directions syndicales, notamment du SNES, a annoncé revenir sur les mesures prises par Sarkozy… et passer ã 12h d’enseignement par semaine, plus une journée de formation. Dans les faits, et on l’a vu à la rentrée, il arrive très souvent que les 12h ne soient pas respectés et que les chefs d’établissement chargent encore plus les services des collègues stagiaires. Mais même sans cela, les 12h plus la journée de formation sont au moins aussi impossibles ã tenir, pour assurer un enseignement de qualité, que les 18h sous Sarkozy. Mais tout cela, Hollande et Peillon le vendent comme une avancée pour les professeurs ! Un autre bel exemple de distorsion des promesses de campagne et de la réalité du terrain.

Des ronds de jambe qui ne coûtent pas un centime

L’autre grande entourloupe de la rentrée ce sont les promesses et les vœux pieux qui ne coûtent pas un centime. Alors bien sûr, le ton sur lequel on s’adresse aux personnels de l’Éducation a changé par rapport au sarkozysme, le président étant même allé jusqu’à dire que le boulot du curé ou du pasteur était infiniment plus important que celui de l’enseignant. Les éléments de langage communiqués par Matignon ont changé. L’ancien prof qu’est Jean-Marc Ayrault se dit « très admiratif du travail des enseignants » ; ça ne mange pas de pain ! Peillon, lui, affirme vouloir revaloriser les salaires… mais il avoue aussi ne pas avoir d’argent pour. Le pauvre ! Pendant ce temps, le point d’indice des personnels de l’Éducation reste gelé, comme pour le reste des fonctionnaires. La dernière trouvaille réactionnaire : la mise en place de cours de « morale laïque » ; des coups de pieds se perdent ! Comme si c’était en donnant des « cours de morale » que les conditions d’enseignement et d’étude allaient s’améliorer ! C’est tout simplement une vision simpliste et réactionnaire des problèmes de l’Éducation nationale, qui ne trompe personne, les rectorats sont parfaitement renseignés sur les vrais causes des dysfonctionnements : inégalités sociales accrues, absence de mixité sociale, chute du nombre d’adultes dans les établissements, hiérarchisation accrue, perte d’autonomie, harcèlement des personnels, etc...

Le hollandisme en Education… meilleur ami du sarkozyme

Sur le fond, les objectifs de Hollande pour la fonction publique en général ne changent pas de ceux de Sarkozy, qui a fait une bonne partie du sale boulot : pour preuve, l’objectif de diminution de 2,5% par an des effectifs des agents de l’État fixé dans les lettres de cadrage budgétaire pour 2013-2015 adressées aux ministères fin juin.

Dans l’enseignement supérieur, la situation n’est pas très différente. Comme le souligne Georges Debrégeas, ancien vice-président de l’association Sauvons la Recherche, « je pense que le souhait du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche c’est tout simplement : faisons en sorte que ce qui a été mis en place par le précédent gouvernement fonctionne. La présence de Lionel Collet (ex-président de la CPU - conférence des présidents d’université) comme directeur de cabinet de Geneviève Fioraso, et d’autres ex-présidents d’université, Daniel Filà¢tre ou encore Jacques Fontanille augurent d’une certaine continuité ». Encore une fois les artisans des destructions du gouvernement Sarkozy restent en place.

Pour revenir sur l’ensemble des contre-réforme du sarkozysme, sur les suppressions de poste, pour lutter pour un réel service public d’éducation et de formation, de qualité, au service des classes populaires, les enseignants, les personnels, et les élèves, auront ã se mobiliser dans les prochains mois car ce gouvernement, pas plus que le précédent, ne leur accordera quoi que ce soit, et continue ã prôner l’austérité, même si elle est revue à la marge pour l’Éducation.

La décision des directions syndicales d‘accourir ã Matignon ou rue de Grenelle, ã chaque fois qu’on les y appelle pour « dialoguer » avec les ministres et faire des sourires qui ne changent rien ã nos conditions d’enseignement et de travail, voilà qui montre une fois de plus que nous n’avons rien ã attendre d’elles et que nous devons exiger qu’elles rompent immédiatement avec ce cirque social destiné ã nous endormir. Aucun dialogue ne peut s’engager, si ce n’est sur la base de l’abrogation de l’ensemble des mesures réactionnaires prises sous le sarkozysme.

Au moment où les plans sociaux se multiplient, les enseignants et les personnels ont tout leur rôle ã jouer pour répondre ã ce qui pourrait être un appel d’ensemble contre l’austérité, les licenciements et le chômage que nous subissons nous aussi. là encore, même avec un gouvernement « socialiste », c’est par le rapport de force que l’on fera entendre nos revendications et qu’on arrêtera la casse du service public d’Education et de nos conditions de travail.

06/09/12

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