Le bilan de la répression perpétrée par la Junte militaire birmane ne cesse de s’alourdir. Des centaines de morts, plus de mille disparus, des arrestations à la chaîne.
Aux origines de la Junte militaire et les mobilisations de 1988
Le régime militaire, en place depuis 1962 à la suite du coup d’Etat du général Ne Wind [1] , a férocement réagi face à la vague de mobilisations qui a commencé ã secouer le pays, plus particulièrement ã partir de la mi-août. Le mouvement a notamment commencé à la suite de l’augmentation du prix des combustibles, ce qui a généré des augmentations à la chaîne des principaux biens de consommation.
Les mobilisations actuelles sont les plus importantes depuis 1988 lorsque le régime militaire avait déjà alors réprimé dans le sang le mouvement de protestation mené par les étudiants à la suite des fraudes électorales.
Plus d’un million d’étudiants, de moins bouddhistes, de manifestants provenant des secteurs les pus pauvres de la société birmane, s’étaient alors mobilisés. Plus de 3.000 d’entre eux avaient perdu la vie au cours de la féroce répression déclenchée par la suite par le régime.
Revenant alors au pouvoir après avoir déplacé la fraction militaire rivale, Ne Win changeait le nom du pays. La « République Socialiste de Birmanie », qui de socialiste n’avait que le nom, devenait Myanmar. Parallèlement au processus d’ouverture économique en Chine, avec laquelle le régime birman maintenait et maintient des rapports très étroits, les chefs de l’armée birmane menaient ã bien une opération similaire, sans pour autant perdre le contrôle de l’économie. Ils privatisaient ã tour de bras l’ancien tissu économique nationalisé birman en se transformant en propriétaires directs des moyens de productions et en agents subalternes des multinationales impérialistes.
Les dernières mobilisations contre le régime militaire et la flambée des prix
Les premières mobilisations, ayant commencé en février, n’avait connu qu’un succès relatif. Face à la violence de la répression et les arrestations à la chaîne, elles sont commencé ã prendre corps et ã devenir de plus en plus massives, d’abord dans l’ancienne capitale, Rangoon, puis dans le reste des centres urbains du pays. Face à la politique conciliatrice et scandaleuse du principal parti d’opposition, la Ligue Nationale pour la Démocratie, ce sont les étudiants et les moines bouddhistes qui ont mené le mouvement. La LND s’est contentée d’en freiner le plus possible les potentialités et de jouer un rôle de médiation avec la dictature [2]. Ainsi, un des principaux dirigeants de la LND affirmait ã un journaliste du Times qu’il fallait la revendication d’en finir avec la dictature brandie par les manifestants était ã bannir dans la mesure où cela créait les conditions d’un coup de force militaire et rendait plus difficile la massification di mouvement.
Les fractions du haut clergé bouddhiste pas complètement soumis au régime militaire s’est contenté de défendre un programme limité ã une demande d’excuses de la part des militaires pour les abus de pouvoir et les événements d’août, une limitation de l’augmentation du prix des carburants, la libération des prisonniers politiques et l’ouverture de négociation avec la Junte.
Tant la direction de la LND comme du haut clergé bouddhiste essaient de canaliser et de calmer le mouvement d’opposition du courageux peuple birman qui n’a pas courbé la nuque en dépit de la militarisation des centres urbains.
Dictature militaire et exploitation impérialiste
La Birmanie, ancienne colonie britanique, possède d’énormes richesses naturelles (hydrocarbures, bois précieux, minerais). Le pays est devenu le centre d’intérêt géopolitique des frictions entre la Chine d’un côté et de l’autre, principalement, les Etats-Unis. La Chine étant le principal partenaire de la Junte, il est donc aisé de comprendre les ressorts des discours « démocratiques » et de « défense des droits de l’homme » prononcés par Washington et les capitales impérialistes à la tribune des Nations Unies au cours de la dernière Assemblée Générale de l’ONU. Cette soudaine préoccupation étasunienne pour la démocratie n’est rien d’autre qu’une simple mascarade, à l’image de la propagande étasunienne en faveur des “révolutions de couleur” des anciens satellites soviétiques au cours des dernières années (notamment en Ukraine et en Géorgie), un discours dont l’objectif reste la mise en place de gouvernements agissant pour le compte des intérêts nord-américains. Ce n’est pas un hasard si Bush n’a pas dit une seule parole au sujet de la situation actuelle des peuples pakistanais et thaïlandais, écrasés sous la botte de Musharaff et de la Junte de Bangkok.
Loin de se préoccuper réellement de la situation que vit le peuple birman, Washington et les capitales impérialistes voient dans le pays une formidable manne de matières premières et un réservoir de main d’œuvre ã bas prix. Dans ce pays « isolé » de tout, comme essaie de le démontrer la presse occidentale, des entreprises comme Unocal ou Total ont été à l’origine de la construction de l’énorme gazoduc de Yadana conjointement avec l’entreprise birmane d’Etat Myanmar Oil and Gas Enterprise. Tant Unocal que Total (pour qui soit dit au passage Kouchner avait organisé une mission d’inspection humanitaire ayant conclu que l’entreprise française était un parangon d’humanisme en Birmanie, construisant même des écoles et des dispensaires) sont accusés de travail forcé, exploitation du travail infantile, violences et tortures à l’égard des populations des zones traversées par le gazoduc. Il s’agit du projet ayant été à la source des principaux investissements étrangers au cours des dernières années. Les liens entre la Junte, le Tatmawdaw, l’armée birmane, et les multinationales étrangères, complices des crimes des généraux, sont plus qu’établis.
Même sans tenir compte de la récente augmentation des prix, plus de 90% de la population birmane vit au dessous du seuil de pauvreté. Les flux migratoires, notamment en direction de la Thaïlande, sont extrêmement importants. Les Birmans qui émigrent vont grossir les files de la prostitution féminine et infantile dans les rues de Bangkok. Selon l’Université Mahidol de la capitale thaïlandaise, ce sont prés de deux millions de Birmans, vivant dans une grande précarité, qui ont fuit l’enfer de la dictature pour vivre de l’autre côté de la frontière l’exploitation et l’humiliation en Thaïlande. La plupart d’entre eux, à l’image des quelques 100.000 employées domestiques travaillant pour la nouvelle classe moyenne thaï, proviennent des ethnies des régions périphériques de la Birmanie (minorités Shan, Kachin, Karen notamment), des zones où se concentrent les principaux foyers de guérillas luttant contre le régime birman.
Pendant que les pays impérialistes font de beaux discours sur les droits de l’homme, ce sont en fait les principaux soutiens du régime actuel. Les capitales occidentales font tout pour chercher une issue à la situation actuelle qui ne remette pas en cause le régime ni encore moins son renversement par les manifestants.
C’est ce que l’on a pu voir au cours des derniers jours avec le voyage de l’envoyé spécial des Nations Unies pour la Birmanie, Ibrahim Bambari, qui s’est entretenu avec le général général Than Shwe, l’homme fort de la Junte, ã Naypyitaw, la nouvelle capitale du pays.
On ne peut avoir aucune confiance dans les Nations Unies. L’ONU elle-même est le principal organe de validation des interventions impérialistes dans le monde entier. Seule la mobilisation indépendante des travailleurs, des étudiants, des paysans et des classes populaires de Birmanie pourra sortir le pays de la situation de misère et d’oppression dans lequel il se trouve, une situation dont les principaux responsables sont la Junte militaire et les entreprises multinationales impérialistes. Les travailleurs des villes et des champs birman ne pourront sortir le pays de la misère noire qu’en mettant ã bas ce système et en imposant un gouvernement des travailleurs et du peuple.
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