Par Jean-Patrick Clech
A voir la mine déconfite de Sarkozy et de ses lieutenants au cours des dernières semaines, il semble bien loin le temps du Fouquet’s et du yacht de l’ami Bolloré. La raison n’est pas ã chercher simplement du côté du nouveau plan de communication de l’Elysée : la figure grave, le menton en avant, Sarkozy sauve tous les jours l’euro et par là même le pays de la crise qui empire. Le président voudrait apparaître comme un capitaine dans la tempête, seul ã même de garder le cap, face ã son principal rival, François Hollande, qui ne serait pas à la hauteur. Il y a cependant une autre explication aux yeux cernés des principaux conseillers de Sarkozy.
Le pari sarkozyste consistant ã assumer pleinement l’austérité et parier sur la crise pour se faire réélire et laisser derrière lui les symptômes de « fin de règne » visibles il y a quelques mois ne donne pas jusqu’à présent de résultats très convaincants…. Sarkozy a certes réussi de grimper un peu dans les sondages au cours des dernières semaines. Ce n’est pas suffisant pour l’instant pour rattraper son retard sur Hollande. Bien que le gouvernement assume pleinement désormais la très probable Et le pari sarkozyste consistant ã assumer pleinement l’austérité et parier sur la crise pour se faire réélire ne donne pas jusqu’à présent de résultats très convaincants…. Sarkozy a certes réussi de grimper un peu dans les sondages au cours des dernières semaines. Ce n’est pas suffisant cependant pour rattraper son retard sur Hollande. Bien que le gouvernement assume pleinement désormais la très probable dégradation de la note de la France par les agences de notation, agitée jusqu’à présent comme un épouvantail et pour servir de justificatif aux plans d’austérité de Fillon, il est également très possible que de nouvelles déconvenues économiques à l’image des derniers chiffres de l’INSEE sur l’entrée en récession du pays mettent ã mal la stratégie électorale du candidat président [1].
En attendant, en multipliant les sommets avec celle qui fait de plus en plus figure de « patronne » plus que de « collègue », Angela Merkel, la chancelière allemande, Sarkozy pare au plus pressé et marque de prés les positions de l’Allemagne. En raison de la faiblesse objective du capitalisme français (de son système bancaire mais pas uniquement) la bourgeoisie hexagonale essaie coûte que coûte de lier son sort ã celui de son voisin afin de ne pas courir le risque de basculer au niveau de ce qu’est l’Italie aujourd’hui ou pire encore passer dans la catégorie des perdants, à l’image de la Grèce, du Portugal, de l’Irlande ou de l’Etat espagnol. Alors Sarkozy aura beau essayer de faire apparaître ces sommets en tête-à-tête comme une sorte de prolongation des sommets franco-allemands de l’époque ou il y avait réellement une sorte d’axe impérialiste entre Paris et Berlin qui structurait la construction européenne. Aujourd’hui cependant, plus qu’avant encore où cette tendance était déjà manifeste, c’est la bourgeoisie allemande qui marque le rythme et impose ses vues. Les analystes ne sont pas dupes, même si Sarkozy essaie d’utiliser les embrassades avec Merkel pour faire croire qu’il discute dans ces réunions d’égal ã égal avec la chancelière allemande, tout en faisant de beaux discours sur la défense de la production nationale. Tous ces éléments mettent en lumière par ricochet l’essoufflement progressif dans lequel se retrouve la Sarkozye après cinq années de présidence et de domination absolue des institutions de la V° République.
Pro-européens ou souverainistes plus ou moins masqués
L’Europe, une question de classe
La question européenne a fait son entrée dans une campagne qui devait être surtout structurée par les questions d’économie et notamment d’emploi. C’est en fait par ce biais-là que la discussion autour de l’Europe, du rôle des Sommets et de Berlin, commence ã animer les débats entre les candidats à la présidentielle et au sein même des familles politiques en présence.
Bien que la France soit la seconde puissance au sein de la zone euro, juste derrière l’Allemagne, Paris entretient un rapport asymétrique avec Berlin. Ceci tient avant tout à l’avancement allemand au niveau de la réforme partielle de son modèle de production qui a été engagée sous la houlette du précédent gouvernement social-démocrate de Gerhard Schröder, notamment ã travers une restructuration brutale du marché du travail et une politique « 0 dette ». Cela a permis au capital allemand de rester beaucoup plus compétitif ã échelle européenne et internationale que le patronat français. Ceci s’est fait bien entendu au détriment de la classe ouvrière d’Outre-Rhin qui a payé un prix élevé à l’application des mesures anti-ouvrières, notamment le quadruple paquet de réforme connu sous le nom de plan « Hartz IV ». Elévation du départ d’âge en retraite, conventions collectives ou de branche, salaire minimum, indemnités chômage, tout a été passé à la moulinette de l’ultralibéralisme, grâce au SPD allemand et à la collaboration étroite de la bureaucratie syndicale de la DGB. Cela s’est traduit pour le monde du travail par un recul brutal de ses conditions de vie : deux millions de salarié-e-s travaillent pour six euros de l’heure. L’espérance de vie a connu un recul significatif à l’Ouest, mais encore plus dans les länders de l’Est de l’ancienne RDA.
C’est la raison pour laquelle Paris n’a pas d’autre choix que de lier son sort ã Berlin. Dire cependant, comme le font les démagogues de centre-gauche à la Montebourg que la France subirait la pression de l’Allemagne et qu’il faudrait réaffirmer davantage les intérêts de la France (de qui ? de ses entreprises ? de sa bourgeoisie « productive » ?) comme le suggère Mélenchon mène ã un terrain extrêmement glissant. La bourgeoisie française est responsable au même titre que la bourgeoisie allemande de la modification de facto des règles du jeu intra-européennes, notamment ã travers le choix opéré de sauver son système bancaire et ses intérêts aux dépends des pays les plus faibles que l’on prétend « aider », à l’image de la Grèce.
Le clivage que certains voudraient instaurer et qui semble se dessiner ne passerait plus ã travers la dichotomie classique droite/gauche, qui ne veut d’ailleurs pas dire grand-chose, mais entre mondialistes et démondialistes, ou européistes et français. Les termes changent, le programme qui l’exprime aussi, mais le contenu reste le même : lier politiquement le sort du monde du travail aux intérêts d’une des fractions en présence de la bourgeoisie. François Bayrou parle ainsi de « made in France » comme d’autres avant (et maintenant de plus en plus) défendaient la nécessité de « produire français ». Même ceux qui devraient défendre l’option la plus européiste, à l’image de Sarkozy lui-même, sont obligés de parler du retour à la production hexagonale. Hollande se contente de dire qu’il voudrait renégocier le projet de traité négocié entre Sarkozy et Merkel lors de leur dernière rencontre et qui n’a même pas encore été mis au propre, là encore pour mieux défendre « les intérêts français ».
Dans les deux cas cependant, pour l’Europe comme dans le cas de la question des « intérêts », la question est de savoir de quel point de vue on parle. Force est de constater que de l’extrême droite à la gauche réformiste, tous mettent dans le même sac les intérêts de la bourgeoisie et du capital (plus ou moins réformé ou morigéné) et ceux de la population en général et des travailleurs en particulier.
Mais les intérêts que les révolutionnaires doivent défendre sont ceux des salariés, de la jeunesse et des classes populaires, et ils sont irréconciliables avec ceux de la bourgeoisie. Ils peuvent être encore moins instrumentalisés, au profit de la « bourgeoisie bien de chez nous », de « l’intérêt hexagonal », contre les intérêts de la bourgeoisie d’un autre pays impérialiste d’Europe, et encore moins contre ces pays qui commencent ã basculer de plus en plus sous la tutelle de Berlin et dans une moindre mesure Paris, comme la Grèce par exemple.
Pour ce qui est de l’Europe, face ã Bruxelles, la seule alternative que l’on puisse défendre ce n’est pas la rupture avec l’UE telle qu’elle existe (avec toutes les ambiguïtés qu’un tel mot d’ordre entraine), mais le combat pour les Etats-Unis Socialistes d’Europe, que seule la classe ouvrière des différents pays du continent est capable de mener ã bien. C’est la seule solution pour nous sauver de la barbarie de la crise mais également des présages funestes d’oppositions bien plus radicales entre les différents patronats européens. Comme nous le soulignions dans un précédent article, que l’extrême gauche française ne soit pas en premier rang dans ce combat politique et idéologique central, à l’heure ou l’extrême droite et le chauvinisme apparemment plus modéré de droite comme de gauche relève la tête, est extrêmement préoccupant [2] .
1. Après cinq années à la tête du pays, les limites du cycle sarkozyste
Il y a plusieurs facteurs qui expliquent cette tendance à l’essoufflement du cycle sarkozyste. Tout d’abord les éléments objectifs qui avaient présidé à la montée en force du sarkozysme ã partir de 2005 ont cessé d’être. Le pays n’a bien entendu pas échappé aux durs contrecoups de la crise économique internationale qui a effrité les bases objectives sur lesquels s’était appuyé Sarkozy pour assurer son hégémonie politique, d’abord au sein même de la droite, contre la chiraquie, puis contre le centre-gauche et enfin contre le mouvement social. Sur un plan plus directement subjectif, le sarkozysme comme renouvellement de la droite française de matrice gaulliste s’est décomposé plus rapidement que prévu. Et ceci n’est pas seulement « la faute à la crise » comme voudrait le faire croire l’Elysée.
Un bilan économique insatisfaisant pour son propre camp
Plusieurs éléments indiquent clairement cette fin de cycle. Sur le plan économique tout d’abord, on peine ã comprendre la logique qui présiderait à l’orientation de l’Elysée. Sarkozy entendait frapper avec force et trancher dans le vif de ce qui constituait encore le soi-disant « modèle social » français, hérité de plusieurs décennies de luttes et de combats ouvriers et sur lequel les gouvernements de gauche comme de droite ont rogné et ont voulu revenir, depuis le début des années 1980. A part la contre-réforme des retraites, qui n’est pas passée sans laisser un sillon profond dans la conscience des salariés, Sarkozy n’a pas réussi ã transformer en profondeur les rapports entre capital et travail comme il le promettait lorsqu’il était candidat en 2007. Voilà qui n’est guère satisfaisant pour le grand capital. Ce n’est pas un bon antécédent vis-à-vis du patronat qui sait pertinemment qu’il aura besoin d’une artillerie bien plus conséquente pour affronter le mouvement social après 2012 et imposer sa solution à la crise.
En termes de bilan, on a du mal ã déceler dans la politique de Sarkozy une ligne de front efficace et convaincante pour le grand patronat. Pour ne prendre qu’un exemple, que l’on songe au fait qu’aux rapports très critiques de la Cour des Comptes sur le bilan du gouvernement par rapport à la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) s’ajoutent maintenant certaines critiques de droite, comme celles du très sérieux Gilles Carrez, rapporteur UMP du budget à l’Assemblée. Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux dont Sarkozy avait voulu faire une des mesure phare de son quinquennat commence ã être analysée comme ce qu’elle est, « une politique de Gribouille » pour reprendre les termes de Christian Eckert, député PS, co-auteur du rapport parlementaire (et lui aussi comme Carrez partisan de la rigueur, à la sauce Hollande cependant) [3].
Pour l’ensemble de la population, y compris pour son électorat, l’action de Sarkozy est entachée par les chiffres du chômage. Avec une nouvelle hausse annoncée en octobre, le nombre de chômeurs est ã son niveau le plus élevé depuis la fin des années 1990. Le nombre de demandeurs d’emploi toutes catégories confondues (A, B et C) avoisine les 4,2 millions, soit un million de plus que par rapport ã février 2008. Cela se passe de tout commentaire.
Il ne suffit pas d’avoir un discours anti-fonctionnaires, stigmatisant les immigrés, méprisant à l’égard des travailleurs et accompagner tout cela d’une politique réactionnaire, voire même très réactionnaire, pour satisfaire les intérêts généraux de la bourgeoisie. L’exemple italien de Berlusconi est d’ailleurs là pour le rappeler. La droite populaire française a beau donner l’impression d’ancrer le gouvernement très ã droite en matière d’immigration et de libertés démocratiques, ce n’est pas une condition sine qua non pour appliquer une politique d’offensive généralisée [4]. Il ne suffit pas de vouloir se présenter comme le « parti de l’ordre » pour défendre au mieux les intérêts (et les perspectives) de l’ordre bourgeois.
A un double niveau, l’histoire de la règle d’or et des parcs ã thème est là pour rappeler cette maxime. Tout d’abord Sarkozy n’a pas réussi ã faire voter au Congrès la fameuse loi d’airain de l’abolition des déficits. Alors bien sûr, elle n’aurait eu qu’une valeur indicative car la bourgeoisie s’assoit, quand cela lui convient ou qu’elle y est forcée, sur sa propre Constitution. L’idée était néanmoins de montrer que la présidence était capable non seulement de redoubler de brutalité dans la prochaine offensive contre les classes populaires qui ne manquera pas de tomber comme un couperet après le rendez-vous présidentiel et législatif du printemps 2012. L’idée était également de souligner que Sarkozy se voulait capable d’arbitrer le conflit entre les différentes fractions de la bourgeoisie dont certaines passeront par pertes et profits pour remodeler le capitalisme français en crise. En dépit des gesticulations de Sarkozy qui rappelle ã juste titre les positions du SPD allemand ou du PSOE espagnol et voudrait au passage piéger Hollande et le PS, la règle d’or n’est pas passée. Pour ce qui est de la taxation des parcs ã thème, cela se passe de commentaire. Sarkozy a dû battre en retraite face aux menaces de Raffarin…
Un certain nombre de là¢chages en rase-campagne et quelques casseroles
En dépit d’une certaine remontée dans les sondages par rapport ã cet automne, lors des creux de popularité historiques pour un président en exercice, la perte de vitesse du sarkozysme s’est également vue ã un double niveau au cours des dernières semaines : par rapport ã son électorat et ã sa base sociale d’une part et au sein de son propre camp de l’autre.
Sarkozy a ainsi réussi le tour de force de perdre la majorité au Sénat. Pour la première fois depuis le début de la V° République, la chambre haute, pourtant conçue comme un rempart de la France la plus rétrograde, est passée à l’opposition (social-libérale). Payant le prix de sa réforme territoriale faite à la hache et d’une RGPP qui ne convainc pas complètement dans son propre camp, la perte du Sénat exprime un éloignement certain de la droite présidentielle d’un secteur traditionnel de sa base sociale, la France des petites villes et des zones périurbaines.
Pour que le message soit encore plus clair, un certain nombre d’affaires sont en train de sortir au grand jour comme autant de casseroles que commence ã traîner le président. En l’espace d’un quinquennat, Sarkozy aura tout juste réussi ã contredire les propos du Cardinal de Retz selon lequel les scrupules et la grandeur ont été de tout temps incompatibles. Non seulement il ne semble pas en avoir beaucoup, de scrupules, mais il est en plus bien incapable de grandeur.
Des casseroles qui font du bruit
L’affaire Karachi est sans doute la plus paradigmatique des casseroles que traîne Sarkozy et remonte aux « années de la grande trahison », lorsqu’il était directeur de campagne d’Edouard Balladur contre Jacques Chirac. Cette affaire qui menaçait d’entacher fortement la fin du quinquennat sarkozyste a, semble-t-il, été partiellement enterrée. Elle n’en a pas moins fait quelques victimes, de taille, dans l’entourage du président.
Elle met en effet en cause un certain nombre de très proches du président. Brice Hortefeux, l’ancien ministre de l’Intérieur et fidèle parmi les fidèles, est mis en cause dans cette affaire et parade de moins en moins ces derniers temps. Avec lui c’est Nicolas Bazire également qui est mis en accusation, témoin de mariage de Sarkozy. Just avant, c’est Thierry Gaubert, ancien conseiller de Sarkozy au Budget, qui avait été mis en examen. Le dernier ã avoir été touché est Renaud Donnedieu de Vabres, ancien de l’équipe Balladur lui aussi, mis en examen. On n’oubliera pas non plus que Claude Guéant, l’ex-secrétaire général de l’Elysée (qui a ce titre avait pendant un temps éclipsé Fillon) et actuel ministre de l’Intérieur est également est éclaboussé par les affaires Takieddine (l’intermédiaire dans les ventes d’armes au Pakistan ou à l’Arabie Saoudite), ses amitiés avérées avec Robert Bourgi (l’homme des valises africaines), et sa proximité avec Alexandre Djouri (autre personnage trouble de la Sarkozye).
Les amis flics de Sarkozy ne sont pas mieux lotis. On songera ã Frédéric Péchenard, ami d’enfance du président, promu à la tête de la Direction générale de la police nationale (DGPN) pour tenir les 136 000 pandores du pays après la victoire de Sarkozy en 2007. Il est suspecté aujourd’hui d’avoir fait espionner le téléphone d’un journaliste avec la complicité de Bernard Squarcini, l’incontournable directeur central du renseignement intérieur, nommé également par Nicolas Sarkozy. Toutes ces affaires font désordre pour celui qui se voulait le chantre de la « République irréprochable ».
Trop peu ou pas assez, on reproche donc ã Sarkozy surtout de faire mal tout ce qu’il fait. Lui qui à l’image de Napoléon affirmait « donnez-moi dix hommes sûrs et je tiens l’Etat » ne semble plus tenir grand-chose. De façon assez symptomatique, Alain Madelin a ainsi décerné fin novembre un zéro pointé au programme économique de l’UMP pour la présidentielle. Madelin n’a certes plus le poids qu’il avait dans les années 1990. Il reste cependant une référence au niveau d’une droite ultralibérale et très agressive vis-à-vis des classes populaires et son analyse est loin d’être déconnectée de ce que se dit dans certains salons de la bourgeoisie.
Entre tacticismes électoraux et pari bonapartiste
Après avoir sorti la tête de l’eau et des mauvais sondages de cet automne, Sarkozy n’en continue pas moins ã donner l’impression de naviguer ã vue. Il a recours ã mille tactiques ã très court terme pour essayer de ne pas perdre (plus que de gagner…) en 2012. A un niveau plus stratégique, l’option envisagée par Sarkozy et ses conseillers semble être la tentation bonapartiste accrue, en misant sur la crise pour se présenter en « père la rigueur », le seul capable de sortir le pays du marasme.
Au niveau électoral donc, Sarkozy en est réduit ã vouloir ruser avec le calendrier. Les discussions au Château portent sur la date de son entrée en campagne que certains souhaiteraient la plus tardive possible. Cela en dit long sur l’enthousiasme des Français vis-à-vis de sa candidature. Ses conseillers se justifient en brandissant l’exemple de François Mitterrand qui a officialisé sa candidature ã quelques semaines du premier tour en 1988. N’est pas Mitterrand qui veut cependant, cet animal politique qui a réussi ã commencer sa carrière sous Vichy puis faire tous les gouvernements de la IV° République avant de diriger un parti socialiste sans être véritablement lui-même social-démocrate et occuper pendant quatorze ans l’Elysée… Sarkozy lui a juste réussi ã trahir Chirac pour passer ã Balladur avant de revenir dans le giron ministériel de la chiraquie et se faire élire en 2007.
Au sein de son propre camp, Sarkozy est électoralement hyperactif, même s’il souhaite donner l’impression du contraire. Sachant que toutes les voix comptent et pour éviter toute concurrence ã droite, l’idée originale était de dissuader Borloo de se présenter, de cajoler Villepin, de menacer Morin, de courtiser Bayrou et de siphonner l’électorat lepéniste comme en 2007. Ces savants calculs se sont avérés partiellement faux. Pour commencer par le plus folklorique, plusieurs notabilités ã droite, insatisfaites de l’UMP sur plusieurs dossiers (le dernier en date étant le rapport sur le financement des syndicats de salariés et de patrons) ont poussé le « patron » du Nouveau-Centre ã présenter sa candidature dans les brumes normandes. Avec ses 1% d’intentions de vote, Morin est la risée de tout le monde pour l’instant, mais Sarkozy a, paraît-il, ri jaune. Pour ce qui est de Villepin, c’est une autre paire de manches. Donné pour politiquement mort il y a quelques mois, rabiboché semblait-il avec l’Elysée, Villepin a fait le pas et reste menaçant pour Sarkozy. Quant ã Bayrou, avec ses 11% d’intention de votes, il espère rééditer son succès de 2007 en se présentant non pas tant comme le candidat du centre mais de façon très populiste, tendanciellement poujadiste (avec sa défense du « made in France »), comme le candidat antisystème le plus crédible (par rapport à l’extrême droite et la gauche de la gauche). Marine Le Pen, quant ã elle, n’a aucune envie de se faire voler ses voix, bien que les porte-flingues les plus réactionnaires du sarkozysme s’y essaient en versant des tombereaux d’injures plus ou moins contrôlées sur les Roms, les Comoriens, les fraudeurs, etc [5].
Il n’est pas sûr donc que tous les petits stratagèmes ourdis par les conseillers de la Sarkozye soient suffisants pour que le président réussisse ã sauver sa peau. Au niveau européen, toutes les élections, lorsqu’elles se tiennent et qu’on n’assiste pas tout bonnement ã des coups de force financiers qui mettent en selle des gouvernements technique ou d’union nationale [6], sont loin d’accorder une prime au sortant. Il ne s’agit pas d’une question de droite ou de gauche, mais de responsabilité dans l’application plus ou moins brutale (et efficace) des plans d’austérité. Sarkozy est d’autant plus comptable de la situation actuelle qu’il est aux commandes depuis 2005 quasiment. Son discours de rupture, qui était déjà une sorte de pari paradoxal en 2007, serait aujourd’hui inaudible.
A l’époque, Sarkozy avait gagné doublement la bataille de l’hégémonie politique contre Ségolène Royale, à la fois en se gagnant les faveurs du grand patronat et en se faisant le contempteur du mouvement social, le « mal français par excellence ». Il s’était ainsi imposé comme celui qui avait la solution face à la paralysie dans laquelle se trouvait la France sous Chirac mais également en déverrouillant, par son discours démagogique sur « la France qui se lève tôt », la « place du travail » dans son programme et le fameux « travailler plus pour gagner plus », l’impasse dans laquelle se trouvait le monde du travail depuis la seconde moitié des années 1990. Le salariat avait réussi ã faire montre au cours de toute cette période d’une grande capacité d’expression et d’insubordination avec les grèves de 1995, de 2001-2003, la révolte de 2005, le mouvement anti-CPE de 2006, autant d’épisodes qui ont mis des bâtons dans les roues des plans néolibéraux sans être en capacité de les mettre en échec et de transformer la situation [7].
La situation est aujourd’hui bien distincte mais Sarkozy essaie de renouer avec « la forme » 2007 dans un tout autre contexte. A l’époque, contredisant ceux qui pensent qu’une élection se gagne au centre, il avait battu Royale en assumant et en radicalisant son discours de droite, avec les « nuances populistes » que l’on a souligné plus haut. Aujourd’hui, il veut (et ne peut que) radicaliser ã nouveau son discours, en assumant la rigueur et la perte du « triple A » de la France. Son hyperactivité sur le plan international auquel les français accordaient assez peu d’importance au final est remplacée par une suroccupation de l’espace médiatique européen (où il occupe néanmoins une position subalterne par rapport ã Merkel). L’idée est de montrer qu’il est le seul ã être capable d’affronter, conséquemment, la crise, avec tout ce que cela implique en terme de restrictions, de coupes budgétaires et de sacrifices. Tout cela est loin d’être suffisant pour gagner au printemps 2012. C’est assez cependant pour assurer une certaine reprise dans les sondages d’opinion, qui stagnent cependant ã nouveau. C’est assez également pour pouvoir espérer passer le premier tour sans laisser la place ã un scénario de type « 21 avril à l’envers ».
A moyen terme donc, Sarkozy se trouve sur la corde raide. Il ne peut que souhaiter que la situation économique s’aggrave un peu plus, y compris en commençant à laisser libre-cours aux tendances bonapartistes déjà largement présents dans la V° République. D’un autre côté, il ne faudrait pas que cette situation ne s’aggrave de trop, car cela signifierait annuler ses chances de figurer même peut-être au second tour.
Sarkozy table donc sur la politique du pire. Comme le rappelle l’ancien conseiller « social » du président Raymond Soubie, « si on n’est pas seulement en ralentissement ou en récession, si la question est de savoir si le système va couler, alors les électeurs voudront avoir quelqu’un qui tient la barre. Il y a un effondrement historique de la confiance des cadres. On n’est pas dans des revendications sur l’emploi, le pouvoir d’achat ou les salaires. On est au delà . Tout peut arriver dans la zone euro [8] ». Jusqu’à il y a peu, pour la plupart des Français, la situation ne semblait pas être aussi grave. La prospérité passée fait croire encore qu’il est possible que la situation perdure sans changements majeurs. Mais une aggravation de la crise n’est pas improbable. Et cela signifierait bien entendu, un recul du PIB, une augmentation encore plus important du chômage et une réduction considérable du pouvoir d’achat. Dans ce cadre, même si le pari de Sarkozy peut sembler quelque peu désespéré sur le plan politique, il n’est pas complètement biscornu du point de vue de la conjoncture probable, bien que cela puisse sembler paradoxal.
La question, pour les révolutionnaires, n’est donc pas tant de se demander « si » cette aggravation plus ou moins abrupte aura lieu mais « quand » elle aura lieu. Avant ou après 2012 ? Le sort du sarkozysme, en perte de vitesse, et celui du PS, se joue ã ce niveau. En tout état de cause, l’aggravation probable de la situation économique aura un impact décisif sur la prochaine présidence, quelle qu’elle soit.
2. Le PS : une alternative à l’austérité ou l’austérité alternative ?
Bien qu’il ait tardé ã se remettre de la défaite de 2007 le PS qui semblait jusqu’à il y a peu sans cap ni capitaine s’est renforcé ã mesure où le cycle sarkozyste commençait ã se décomposer. La descente aux enfers de l’ancien « champion » des socialistes français et ancien directeur du FMI, DSK, n’a pas altéré cette dynamique. Les primaires ont remporté un succès certain qui a dépassé le simple engouement épaulé par les médias bourgeois. Contre toute attente de surcroit, ces primaires n’ont pas donné lieu ã un affrontement entre les éléphants socialistes laissant apparaitre leurs rivalités et leurs divisions.
Les pratiques douteuses de la Fédération Nord du PS
Elle est loin la belle photo des six candidats réconciliés, ayant remisé leurs querelles et main-dans-la-main lors de l’intronisation du candidat Hollande. En effet, la dernière convention socialiste sur les investitures aux législatives sentait le pourri à la suite de la dénonciation par Montebourg des pratiques mafieuses et de la corruption régnant au niveau de la plus grosse fédération PS, celle du Nord, avec une mise en accusation de Jack Lang. Certains ténors du PS (de l’aile ‘gauche’ comme des hollandais) ont bien pu taxer ces allégations d’irresponsables, ils ne répondent pas à la question posée… Il s’agit bien entendu d’un pavé dans la marre de Martine Aubry et de Hollande. Plus globalement, avec des affaires similaires voire encore plus graves des socialistes dans les Bouches-du-Rhône et dans l’Héraut, on ne peut que constater que la situation n’est pas très reluisante au PS. A force de servir la bourgeoisie, on en copie les vices et les pratiques…
En termes de divisions effectivement, les candidats se caractérisaient surtout par un point commun fondamental : l’acceptation des règles du jeu du capitalisme réellement existant. A la différence du passé il est vrai cependant qu’ils ont réussi ã faire taire leurs rivalités qui elles sont bien plus importantes, puisque c’est de plusieurs milliers de postes et de leurs multiples ramifications au sein de l’appareil d’Etat bourgeois dont il est question. Cela ne veut pas dire néanmoins que le PS a devant lui un boulevard dégagé d’ici ã 2012, et encore moins après, si Hollande arrive à l’Elysée. Force est de constater néanmoins qu’il est en passe de gagner ce premier tour avant même le premier tour, même s’il caracole moins en tête des sondages que juste après la primaire, avec les bons sondages de Bayrou et Le Pen et la légère remontée de Sarkozy.
Où en est la gauche plurielle bis ? Le ralliement de fait des écolos. Les ouvertures de Mélenchon.
Il est probable qu’Hollande l’emporte au second tour de la présidentielle. Cela ne résout pas complètement la question du ralliement de toutes les autres formations politique de gauche à la candidature Hollande au soir du premier tour ni même celle d’une majorité réformiste dominée par le PS dans la prochaine Assemblée.
Il est vrai que l’élection présidentielle et le scrutin uninominal ã deux tours des législatives surdéterminent la question du ralliement, en dernière instance, des partis de la gauche réformistes au PS s’ils veulent être représentés à l’Assemblée et plus encore s’ils veulent avoir accès aux postes des appareils de gouvernance, ã tous les échelons (depuis les conseils municipaux jusqu’aux conseils régionaux). La grande nouveauté cependant c’est que la crise et sa profondeur ainsi que les très probables ripostes ouvrières font que pour la première fois depuis des années ceux qui évolue à la gauche de la gauche n’ont pas encore annoncé leur allégeance ã Hollande. Mais la situation est un peu plus complexe que les coups de gueule et le sens de la répartie de Mélenchon…
Du côté des Europe Ecologie-Les Verts, la question ne se pose même pas. Les derniers allers-retours entre PS et EELV sur la question de leur cuisine électorale sont assez révélateurs. Si sur le terrain économique il n’y a pas grande différence, sur les questions écologiques qui devraient pourtant leur tenir le plus ã cœur (nucléaire, production de mox, etc.), les écologistes sont prés ã avaler toutes les couleuvres. Alors certes tout ceci provoque quelques grincements de dents notamment chez Eva Joly. Au final cependant, ils sont prêts ã tous les arrangements pour négocier leurs accords électoraux. Un bon exemple est le cas Cécile Duflot, ouverte ã toutes compromissions tant qu’on lui assure la promesse de succession de Delanoë à la tête de la Mairie de Paris. Le seul atout dont disposent les écolos, c’est que le PS de son côté sait qu’il ne peut pas trop les brusquer. EELV est une pièce centrale de la gouvernance socialiste dans les villes et les régions car sans eux le PS souvent n’aurait pas de majorité. Pour l’instant, EELV n’a pas encore fait le pas de l’opportunisme politique ã droite au point de négocier au cas par cas y compris avec l’UMP comme le font les écolos dans d’autres pays européens avec les représentants locaux du Parti Populaire Européen. Ils ont déjà commencé avec le Modem cependant. Ça ne saurait donc être qu’une question de temps ou d’opportunités politiques…
Le Front de Gauche quant à lui veut (et doit) entretenir pendant un certain temps encore son image d’indépendance par rapport aux sociaux-libéraux du PS. En ce sens Mélenchon fait figure d’exception dans la mesure où depuis plusieurs dizaines d’années la « gauche de la gauche », en l’occurrence le PC, a toujours eu pour politique de soutenir le candidat social-démocrate et sur cette base négocier sa participation ou son soutien gouvernemental. A mesure où la date butoir des élections approche, Mélenchon commence néanmoins ã mettre un peu d’eau dans son vin. Il est passé de l’hostilité verbale (mais maintenant que DSK est hors-course, tout est plus simple pour opérer le ralliement) à l’opposition, pour passer maintenant au dialogue. Pour les législatives, le FdG s’est déjà engagé d’ailleurs ã appuyer le candidat « de gauche » le mieux placé pour faire barrage à la droite. Pour ce qui est des présidentielles, Mélenchon s’est solennellement engagé : « nous n’irons pas dans un gouvernement avec des centristes » a-t-il déclaré, focalisant son tir sur Bayrou. « Cela nous conduirait directement ã Zapatero et ã Papandréou »… comme si Hollande tout seul ce n’était pas déjà , comme nous le soulignons dans cet article, Papandréou et Zapatero réunis [9] !
Dans les deux cas, et avec une certaine marge de manœuvre variable en fonction du niveau de colère sociale, les écologistes et le FdG préparent leur ralliement et leur soutien ã une prochaine majorité de gauche qui ne promet que du sang et des larmes pour les travailleurs, la jeunesse et les classes populaires.
En 1981, le Parti socialiste voulait ‘changer la vie’. En 2011, la vie a changé le Parti socialiste
Il est assez frappant cependant de constater que ce renforcement du PS n’a rien ã voir avec une sorte de « virage ã gauche », rhétorique au moins, de son candidat. A la différence de 1981 avec le programme commun ou de la séquence 1995-1997 avec celui de la gauche plurielle (Vilvoorde, les sans-papiers, la promesse d’une réduction du temps de travail), les socialistes se présentent sans aucune promesse de transformation, tel que cela faisait encore partie de l’arsenal discursif de la gauche il y a quelques années [10].
Ce que le journaliste Alain Duhamel soulignait au moment de la campagne des primaires est encore complètement pertinent. « Le Parti socialiste tente de construire une victoire électorale sur une défaite idéologique (…) La primaire accélère en effet sensiblement le processus de présidentialisation de la gauche. Avec François Mitterrand, le PS avait légitimé et implicitement ratifié le système présidentiel de la Ve République, auparavant couvert d’opprobre par l’auteur du Coup d’Etat permanent. Avec la primaire, c’est la désignation même du candidat (…) socialiste qui passe par un mécanisme typiquement présidentiel. Le PS renforce consciemment la pente de la Ve République (…) L’ironie de la situation est d’ailleurs que le metteur en scène de cette primaire n’a été autre qu’Arnaud Montebourg, héraut et théoricien d’une VIe République reparlementarisée. En matière économique et financière, c’est bien plus. (…) Réduction de déficits, (…) lutte pour le désendettement de la France, ã peine rehaussé par un désir de moralisation. On se [croirait] à l’université d’été du Modem. Il y [a] même surenchère de sérieux et de compétence. Si Manuel Valls [au moment du premier débat télévisé] était en flèche (…) les autres rivalisaient d’orthodoxie. Ségolène Royale et Montebourg promettaient sans doute de prendre le contrôle du système bancaire mais l’essentiel de la discussion se focalisait sur la rigueur. En 1981, le Parti socialiste voulait ‘changer la vie’. En 2011, la vie a changé le Parti socialiste [11] ».
Des socialistes pandréouisés avant l’heure
Que le PS ait changé de nature et soit devenu un parti bourgeois de gauche au fil de toutes ces années de collaboration fidèle et sérieuse au « comité chargé de gérer les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière », cela ne faisait pas de doute. Ce qui semblait toutefois primer ã court terme du côté de la gauche bourgeoise c’était une « papandréouisation » extrêmement rapide du candidat socialiste. On faisait par là un parallélisme avec l’ancien Premier ministre grec Georges Papandréou arrivé au pouvoir en 2009 avec bien des promesses de ruptures avec le gouvernement de droite précédent de Caramanlis et qui a rapidement pris le chemin de l’austérité, de la rigueur et de l’application des plans de la Troïka FMI-BCE-Commission européenne. On pouvait donc imaginer qu’à l’image de ce qui était advenu du candidat du PASOK grec que le discours « un peu de gauche » du candidat socialiste pendant la campagne allait rapidement faire place à la realpolitik et ã une orientation bien plus terre-à-terre et brutale une fois arrivé à l’Elysée, dans la droite ligne des politiques anti-ouvrières et antipopulaires antérieures. En fait, les dernières déclarations d’Hollande font voir que ce n’est pas ã une « papandréouisation » du probable du futur président à laquelle il faut s’attendre. Hollande s’est papandréouisé avant même de mettre un pied sur le perron de l’Elysée.
Le maitre mot de Hollande est désormais « donner du sens à la rigueur ». Entre la sienne et celle promise par Sarkozy, il n’y aurait donc qu’une différence pédagogique que les syndicats sont appelés ã renforcer, par plus de dialogue sociale et de négociations ã vide. Pour ne donner que deux exemples très éloquents, Hollande a commencé par reculer sur la question des 60.000 postes d’enseignants supprimés ces dernières années et qu’il promettait de remplacer. Pour ce qui est de la retraite ã 60 ans, là aussi il vient de faire machine arrière. A la question fondamentale, « l’austérité certes, mais comment et avec quel rythme ? », le candidat Hollande répond clairement. Le rythme sera dicté par les chiffres de la croissance, et comme elle pourrait bien être dans le rouge, cela annonce la couleur. Pour ce qui est du « comment », Hollande compte sur les syndicats. Il entend remettre à l’honneur ceux que Sarkozy avait snobé pour se donner un côté plus dur et résolu (avec les résultats que l’on sait).
Le consensus socialiste est-il réel chez les salariés ?
Est-ce que cela veut dire que les millions de personnes (parmi elles une majorité de salariés et de jeunes) qui sont allées voter lors de primaires et voteront PS aux présidentielles ont été conquises par Hollande qui aurait suscité une vague d’adhésion ã son projet d’austérité version PS ? Rien n’est moins sûr. Ce qui est certain cependant c’est qu’un an après le mouvement historique sur les retraites de l’automne dernier et face à l’absence de perspective d’une victoire sociale ou du moins d’un coup d’arrêt à la politique sarkozyenne, le PS a offert un canal de décompression pour le mécontentement populaire, ã travers les urnes.
C’est là le pari que fait la rue de Solférino qui espère que cette déviation électorale d’une colère sociale latente (qui n’a pas été enfoncée par la défaite revendicative du mouvement des retraites, selon nous) se prolonge le plus longtemps possible après le printemps 2012 [12] . là encore cependant, le calendrier de la crise ne respectera peut-être pas les vœux pieux des socialistes. Une entrée possible en récession pourrait générer des retours de flamme sociale et les sociaux libéraux auront besoin de tout le soutien de la bureaucratie syndicale pour les circonscrire.
Cela veut-il dire que l’électorat socialiste ou plus généralement de gauche est parfaitement conscient que l’arrivée des socialistes aux affaires ne changera aucunement la donne ? La situation est plus complexe. D’un côté, l’antisarkozysme qui s’est exprimé en 2009 puis à l’automne 2010 sur le terrain social s’est en partie émoussé mais surtout s’exprime aujourd’hui sur un terrain institutionnel et électoraliste où l’a poussé la gauche politique et syndicale par manque de perspective et de victoire sur le terrain des luttes. D’un autre côté, même si la base de l’électorat socialiste à la primaire n’est certainement pas remplie d’illusions en un changement de la politique économique et sociale ã 180°, il est fort probable qu’il s’attend néanmoins ã quelque chose… que Hollande ne veut ni ne peut concéder. Cela peut générer des césures importantes auxquelles le PS aura de la peine ã répondre. Mais encore une fois, on compte sur les syndicats pour jouer le rôle de pompiers sociaux.
C’est en ce sens que la dernière note sociale rédigée par le « think tank » des DRH en France Entreprise & Personnel est particulièrement éclairante. Il y est fait la distinction entre deux moments, avec une première séquence de « transition » qui serait caractérisée par un climat marqué par « l’attente » du scrutin présidentiel mais également « d’une mise en œuvre de politiques d’austérité dont (…) l’essentiel est devant nous » tant « rien n’est réglé » en ce qui concerne « l’interminable crise de la dette ». Selon la note, le second semestre 2012 sera dès lors celui du vrai basculement dans la rigueur, « des choix forcément douloureux » en termes de hausses d’impôts et de refonte de la protection sociale. « L’austérité n’est aujourd’hui qu’un mot » souligne le rapport. L’enjeu est de savoir, dans ce cadre, « ã quel moment le coût social sera jugé insupportable et par quelles catégories sociales », souligne la note, ajoutant que « c’est autour de la perception de la justice sociale accompagnant les projets de réforme que se joueront les équilibres sociaux », en particulier lors de la rentrée de septembre 2012 que S&P juge explosive [13] . Perspectives inquiétantes donc pour le capitaine de pédalo et ses donneurs d’ordre du patronat.
3. Bureaucratie syndicale et colère sociale
Les syndicats sont bien au fait de leur mission et font tout pour ne pas mettre en difficulté le candidat du PS. Le 11 octobre déjà , l’Intersyndicale nous a servi une journée d’action de période d’austérité : sans appel à la grève bien entendu et même un parcours parisien raboté, de République ã Bastille. Le 13 décembre, la bureaucratie nous proposait une journée d’action illisible et encore plus au rabais. Ça n’a pas empêché localement des militants ouvriers lutte de classe de s’en emparer et d’en faire l’occasion d’une mobilisation réelle, sur des objectifs concrets et politiques, à l’image du débrayage et du blocage filtrant sur le site de PSA Mulhouse par exemple. Les bureaucrates, eux, étaient sur une toute autre longueur d’onde…
« En démocratie les syndicats ne sont pas là uniquement ou principalement pour faire passer la pilule » (Bernard Thibault)
Les mots d’ordre qu’on nous a servis les 11 octobre et 13 décembre sont également bien évocateurs. La bureaucratie confédérale de la CGT les a justifiés au nom de la défense de l’unité syndicale avec la CFDT. La direction de CFDT, de son côté, les a défendus au nom du réalisme. Entre bureaucrates, on sait tirer la couverture ã soi quand il s’agit de faire campagne pour les élections professionnelles, mais également se couvrir mutuellement quand il faut tout faire pour jouer aux pompiers sociaux. Ainsi, pour ce qui est du pouvoir d‘achat, il suffirait « d’anticiper les négociations annuelles obligatoires » (position de la CGT du 11) ou alors de tout faire pour que ce soit aussi l’affaire des salariés (propos de Thibault le 13). Comment faire cependant ? Rien n’est dit. Et ce ne sont pas les rassemblements de bureaucrates du 13 qui vont pousser les travailleurs du rang ã se donner des perspectives claires en matière de lutte pour les salaires. Pour le chômage et les fermetures de boites, les directions syndicales demandent que l’on « envisage toutes les alternatives aux licenciements ». Inutile de dire que tout cela est parfaitement compatible avec le programme du PS et que même le plus cynique des patrons ne dit pas autre chose lorsqu’il veut fermer.
Ce qui n’était pas complètement prévu par les syndicats (et le gouvernement, qui s’est bien gardé de trop communiquer ã ce sujet), c’est que la participation à la journée du 21 octobre avec prés de 300.000 personnes dans la rue selon a été beaucoup plus forte qu’annoncée. Cela avait déjà été anticipé par l’adhésion importante à la grève de l’Education du 11 octobre. L’appel ã une journée multiforme (pour ne pas dire informe) du 13 décembre avec des rassemblements généralement très peu suivis a été lancé afin qu’on ne puisse pas accuser les directions syndicales d’immobilisme complet sans pour autant forcer le candidat Hollande ã se prononcer sur des enjeux centraux sur fond de mobilisations. Comme Thibault l’a dit à la « matinale » de France Inter le 13 au matin, « en démocratie les syndicats ne sont pas là uniquement ou principalement pour faire passer la pilule ». Tout l’enjeu de cette déclaration est ã analyser dans ce que « uniquement » et « principalement » veulent dire…
Dans ce cadre cependant, avec des journées de mobilisation qui ne sont pas sensées mobiliser ou des journées d’action visant avant tout ã démoraliser, il est plus nécessaire que jamais d’être en capacité de se saisir de ces occasions pour entrainer ses collègues et faire débrayer. Mais fondamentalement, le rôle des organisations d’extrême gauche devrait être parallèlement de dénoncer la politique criminelle des bureaucraties qui refusent d’appeler clairement à la grève et surtout de relier ces journées d’actions aux luttes existantes qui émaillent le tissu industriel et économique français. Il en va de notre capacité ã construire l’affrontement après le printemps 2012, quand les bureaucraties auront ã user de toute leur expérience pour nous mener en bateau sans mettre le probable gouvernement de gauche en difficulté.
C’est bien une riposte unitaire qu’il faut et qu’il faudra construire, mais à la hauteur de l’offensive qui est menée contre nous, de façon coordonnée et radicale, par en bas. Il faut s’emparer de toutes les occasions pour faire savoir haut et fort cette nécessité, pour construire tous et toutes ensemble la grève générale, la seule arme dont nous disposons pour faire reculer le patronat et le gouvernement. Car après 2012, on ne peut s’attendre qu’à pire, qu’elle que soit la couleur de celui qui occupera l’Elysée et qui sera, il y a fort ã parier, plus proche des préoccupations des patrons du CAC 40 que de celles des travailleurs et de la jeunesse. Il y a urgence sociale ã construire la contre-offensive, avant que ce ne soit une question de survie. Il y a également nécessité de défendre un programme d’urgence de façon ã ce que ce soient les patrons qui nous ont enfoncés dans la crise qui règlent la note.
Combien de salariés et de familles ouvrières ont fait l’expérience d’un léger découvert pour qu’immédiatement l’établissement bancaire fasse passer à la caisse alors que l’Etat renfloue les banques ? Combien de petits commerçants et artisans sont face ã des problèmes de liquidités alors que les grands groupes eux peuvent demander directement ã Sarkozy de leur fournir quelques milliards d’euros, comme ça a été le cas dans l’automobile déjà ? Face ã une situation aussi obscène, il faut revendiquer la nationalisation sans rachat de tout le secteur bancaire sous le contrôle des salariés et la constitution d’un seul pôle bancaire public au service de la population, sans léser les petits épargnants.
Pour ce qui est des entreprises du CAC 40 qui elles aussi sont les principales responsables de la crise, les travailleurs doivent exiger leur expropriation immédiate, sous le contrôle des salariés, de façon ã ce que ce soient réellement les patrons qui paient la facture. Comme le rappelaient ã juste titre de jeunes manifestants grecs lors de la dernière grève générale, « c’est eux ou c’est nous ! ».
Echelle mobile des salaires !
Dans son dernier rapport E&P redoute de nouveaux conflits salariaux début 2012 tant l’écart entre les attentes des salariés et les « possibilités » (sic !) des entreprises « risque d’être trop important ». On ne va pas débattre ici des « possibilités » dont parle E&P et de la justesse du slogan repris en manif selon lequel « de l’argent, il y en a, dans les caisses du patronat ». Les salariés de PSA qui sont en train de se battre contre les projets de fermeture décidés en sous-main par Varin et les plans de restructuration du personnel annoncés courant novembre le savent pertinemment puisque PSA se vante de disposer de 11 milliards d’euros en trésorerie. Ce qui est plus intéressant de souligner c’est que l’hypothèse d’E&P au sujet de luttes salariales bien plus importantes en 2012 a déjà commencé ã se matérialiser dans les entreprises. Dernièrement, l’exemple a été donné par les travailleurs de McCain des sites de Mantouge (Marne) et de Harnes (Pas-de-Calais). On songera également au mouvement national de grève des agents de sureté des aéroports. Les travailleurs d’Aréva, où il y a également des menaces de réduction d’effectifs, ont manifesté pour faire valoir leurs droits. Dernièrement encore, ã échelle plus réduite, on pensera à la lutte des salariés du site de Trappes de CEVA qui se battent pour « 150 euros pour tous » [14] .
Alors que le point d’indice des fonctionnaires est gelé et que le coût de la vie augmente, ces quelques exemples de luttes montrent une perspective tant pour le privé que pour le public. Elles indiquent également combien le discours porté par les syndicats est criminel et fonctionnel à la candidature de Hollande. Tout est laissé à la discrétion des négociations annuelles obligatoires. Ces bagarres soulignent enfin combien l’extrême gauche, ã commencer par notre parti, devrait faire de la question de l’échelle mobile des salaires un axe central de campagne au moment où la gauche réformiste parle d’augmentations ou de meilleure répartition que l’inflation auraient tôt fait d’annuler. Alors oui, il nous faut revendiquer 300 euros immédiatement, aucun salaire en dessous du 1600 euros, et l’échelle mobile, pour que les familles ouvrières et tous les salariés puissent vivre dignement !
De surcroit, les patrons ont tout loisir ã faire disparaître derrières de multiples sociétés écran et filiales leurs bénéfices, ce dont ont besoin les salariés, c’est le droit d’ouvrir les livres de compte et d’exercer leur contrôle sur les entreprises, car la richesse, ce sont exclusivement eux qui la produisent. A l’heure où l’austérité, c’est encore sur nous que ça va retomber, ces deux axes sont essentiels pour accompagner une reprise de l’initiative ouvrière qui ne manquera pas de se généraliser ã mesure où le PS nous resservira les mêmes recettes que l’UMP après la séquence électorale de 2012.
Face au chômage structurel et aux licenciements, partage des heures de travail ! Face aux fermetures, réquisition sous contrôle des travailleurs !
Il y a bien un point où l’UMP diverge du PS : sur la question des 35 heures. Aubry à l’époque les avait instituées au plus grand bénéfice du grand patronat de façon ã flexibiliser le marché du travail, sans oublier d’envelopper ce cadeau empoisonnée pour les salariés et l’électorat de gauche d’une « réduction du temps de travail », comme si cela s’inscrivait dans le combat historique du mouvement ouvrier. L’UMP et la droite de son côté (voire même « la gauche », comme Valls, quand elle est en manque de sujets réac’ ã aborder) stigmatise les 35 heures comme s’il s’agissait de la raison même de la crise actuelle en France, la source du retard français « par rapport ã nos voisins allemands » pour reprendre l’expression consacrée. Alors bien entendu une fraction de la droite souhaiterait les faire disparaitre. Des dispositions législatives de 2008 pourraient le permettre partiellement d’ailleurs. Cependant, faute d’une alternative encore plus réactionnaire en termes de reformulation de la législation du travail, même le patronat n’a pas demandé ã ce que les réformes de 2008 soient appliquées de façon généralisée.
Mais face à l’escroquerie des 35 heures aubrystes, alors que la courbe du chômage est repartie à la hausse de plus belle, alors que des millions de salarié-e-s sont contraints, ou plutôt contraintes, d’accepter des temps partiels payés au lance-pierre et le plus souvent précaires, alors que les entreprises entendent continuer ã « dégraisser », la question du partage du temps de travail entre tou-te-s sans réduction de salaire est plus légitime que jamais et commence ã être entendue par un nombre croissant de salariés. Même ceux qui sont face ã des plans de départ négociés sont bien conscients qu’y compris avec une indemnité de départ, il est impossible de tenir un peu avant de retrouver un autre emploi.
Sur le front de l’emploi d’ailleurs, une des caractéristiques de la dernière période a été la façon dont les salariés ont riposté ã certaines fermetures. Au printemps 2009, la vague de luttes ouvrières à laquelle on avait assisté en riposte aux fermetures s’était centré sur la question des indemnités de départ. Aujourd’hui, il existe une tendance embryonnaire ã dépasser cette perspective et ã se battre coûte que coûte pour le maintien de l’activité. Par delà les critiques que l’on pourrait formuler par rapport aux différentes solutions qui sont avancées par les travailleurs en lutte et leurs syndicats (reprise pour certains, SCOP pour d‘autres, etc.), la question de l’opposition résolue au dégraissage et aux licenciements et pour le maintien de l’emploi est essentielle.
Il s’agit-là d’un enjeu central ã différents niveau. Dans des régions déjà sinistrées par le chômage, la baisse de l’activité et la désindustrialisation, la fermeture d’une boite est un désastre supplémentaire pour les travailleurs licenciés. Retrouver un travail y devient une entreprise extrêmement complexe et même avec quelques dizaines de milliers d’euros en poche, ce n’est pas assez pour faire vivre décemment sur le long terme une famille ouvrière. Ces fermetures posent également le problème de survie même de notre classe, de sa capacité ã se poser en alternative sociale et politique, de sa capacité ã reprendre l’initiative. Marine Le Pen ne s’y trompe pas en ouvrant officiellement sa campagne ã Metz, dans un département ouvrier sinistré par la crise du capital depuis un quart de siècle et où son père avait fait ses meilleurs scores en 2002.
Dans ce cadre donc, si Continental avait été l’entreprise emblématique des luttes du printemps 2009, les boites en lutte actuellement tendent ã poser le débat ã un autre niveau. Un des cas les plus significatifs actuellement est celui des salarié-e-s de Fralib ã Géménos, prés de Marseille. Ils refusent en effet tout plan de reclassement et surtout d’indemnisation. Face au projet de fermeture et de délocalisation de la multinationale Unilever, les travailleurs ont occupé l’usine, exigent le maintien du site et des emplois et ont commencé ã commercialiser une partie du stock. Les salarié-e-s de SeaFrance, à l’autre bout de l’Hexagone, sur la mer du Nord, sont eux aussi en train de donner une leçon de combativité et de dignité, refusant de voir leurs emplois disparaître. La CFDT, majoritaire sur l’entreprise, propose la création d’une coopérative sous la forme d’une SCOP. En Normandie, ã Condé-sur-Noireau, ce sont les salarié-e-s d’Honeywell, dans l’automobile cette fois-ci, qui sont en train de mener une bagarre contre la fermeture du site. Aux révolutionnaires, en fonction de la situation concrète telle qu’elle est posée par les travailleurs en bagarre, d’y intervenir et de défendre ce qui serait la seule perspective viable ã moyen terme pour les salariés : la réquisition sous contrôle des travailleurs de toutes les entreprises qui licencient et qui restructurent !
La question n’est pas de savoir qui des pouvoirs publics locaux ou de la Caisse des Dépôts et des Consignations serait ã même de verser les quelques millions d’euros qui sont parfois simplement nécessaires au maintien de l’activité. Ces entreprises doivent être expropriées et leur direction doit être confiée aux travailleurs eux-mêmes. Au moment où la question des transports publics et du rôle des transports collectifs est essentiel pour la population et pour la question de la crise écologique, il est impensable qu’une filiale de la SNCF comme SeaFrance cesse son activité. Au moment où des millions de travailleurs ont recours aux associations d’aide pour pouvoir se nourrir, il est inconcevable qu’une seule entreprise de la branche agroindustrielle comme Fralib ferme.
Alors que les plans et les annonces de restructuration ou de licenciements masqués se multiplient, dans l’automobile (PSA et sous-traitants), dans le secteur bancaire (Société Générale et Crédit Agricole notamment), dans l’énergie (Aréva), etc., la question de l’interdiction des licenciements doit être accompagné de celle du partage du temps de travail entre tou-te-s sans réduction de salaire. Face aux fermetures, il faut que les révolutionnaires posent la question de la nationalisation sous contrôle des salariés et au service des classes populaires de toutes ces entreprises. La crise et son approfondissement vont contraindre les travailleurs ã des luttes de plus en plus radicales pour la défense de leur seul droit réel sous le capitalisme : celui ã être exploité en échange d’un salaire. Si les patrons ne sont même plus capables d’assurer cela, alors il faut les exproprier.
Pour un gouvernement des travailleurs !
Sarkozy promet aux travailleurs et aux classes populaires « du sang et des larmes ». Le Pen veut aussi « du sang et des larmes » mais propose en échange et comme dérivatif que les travailleurs immigrés ou issus de l’immigration soient désignés comme les boucs émissaires. Hollande de son côté veut de la rigueur, mais « raisonnée ». Thibault a beau dire que « la majorité de gauche ne peut s’insérer dans le même sillage [que l’UMP] [15] », c’est pourtant la réalité qui est annoncée. Le Conseil Economique, Social, et Environnemental, dans son rapport 2011, s’inquiète de la grande nervosité sociale qui taraude la société et alerte les politiciens bourgeois du risque que cela se traduise par une croissance des extrêmes.
Il faut prendre à la lettre les prédictions de ce vénérable organe de la bourgeoisie et se placer à la hauteur de la situation. Oui, il existe une grande nervosité sociale, et il faut qu’elle s’exprime résolument contre les responsables de la crise, les patrons et les partis qui leur sont liés, de l’extrême droite à la gauche bourgeoise en passant par la Sarkozye. Oui, il existe un ras-le-bol généralisé face à la morgue de la droite française, qui joue son va-tout et se présente aux élections en promettant encore plus de rigueur. Ce ras-le-bol va s’exprimer dans les urnes dans les prochains mois, mais le rôle des révolutionnaires n’est pas juste de dire qu’il « faut virer Sarkozy et son gouvernement sans faire confiance ã Hollande et au PS qui souhaitent eux aussi imposer des politiques d’austérité ».
Être à la hauteur des hypothèses formulées par le Conseil Economique, Social et Environnemental, c’est dire clairement que seuls les travailleurs se sauveront eux-mêmes du désastre dans lequel on nous a plongés. La candidature de Philippe Poutou, travailleur du rang et ouvrier d’usine qui a dirigé une lutte partiellement victorieuse ã Ford-Blanquefort contre les licenciements, est l’occasion de poser ce débat. La campagne du NPA à laquelle les militant-e-s du Courant Communiste Révolutionnaire/Plateforme 4 participent pleinement depuis la Conférence nationale de juin au cours de laquelle nous avons soutenu la candidature de Philipe devrait nous permettre de cristalliser la question politique au niveau de cette alternative : « C’est eux ou c’est nous ; c’est à la bourgeoisie et au patronat de payer la crise ou ce sera ã nous, au salariat et aux classes populaires, de régler la facture, avec tout ce que cela implique en termes de recul de nos conditions de vie et de travail ». Mais le slogan « que les capitalistes payent leur crise » n’a de sens que si l’on pose la question de la perspective d’un gouvernement des travailleurs afin de porter cette orientation. Mais aujourd’hui, le parti n’est malheureusement pas à la hauteur. Alors qu’un secteur du parti, la Gauche anticapitaliste, se tourne par scepticisme vis-à-vis de la capacité de la classe ouvrière ã renverser le rapport de forces ou tout simplement par opportunisme ou électoralisme vers la gauche de la gauche (Mélenchon et compagnie), en nous resservant la vieille recette de l’unité autour des antilibéraux, au moment où cette orientation qui revient ã boycotter la campagne Poutou met en péril l’existence même du parti, il faudrait affirmer avec encore plus de force que la question du pouvoir des travailleurs est corrélée ã celle de la construction d’une riposte et à la nécessité pour le salariat de se doter des instruments de lutte adéquats. C’est pour la construction de ce parti révolutionnaire des travailleurs, une nécessité ã échelle nationale mais également plus largement, européenne et mondiale, que le CCR se bat aujourd’hui au sein du NPA.
17/12/11
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