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Offensive du patronat et de la droite et première riposte du monde du travail
par : Courant Communiste Révolutionnaire - Plateforme Z dans le NPA

11 Mar 2012 | « La première grande mobilisation contre la réforme du marché du travail ». C’est ainsi que La Vanguardia a défini la journée de mobilisation du 19 février qui a vu plusieurs centaines de milliers de personnes descendre dans la rue contre le nouveau gouvernement de droite de (...)

Par Marc Barois et Paul Tanguy

« La première grande mobilisation contre la réforme du marché du travail ». C’est ainsi que La Vanguardia a défini la journée de mobilisation du 19 février qui a vu plusieurs centaines de milliers de personnes descendre dans la rue contre le nouveau gouvernement de droite de Rajoy. « Le gouvernement ne peut pas faire machine arrière, a tout de même souligné La Vanguardia, car il perdrait en crédibilité aux yeux de l’UE ». « Cependant, a également titré El País, le gouvernement ne devrait pas trop faire la sourde oreille face à l’avertissement qui est arrivé de la rue espagnole ». Rajoy, pourtant, persiste et signe et semble bien déterminé ã passer en force. Mais dans le camp de la jeunesse et des travailleurs, on n’entend pas s’avouer battus d’avance.

« La première grande mobilisation contre la réforme du marché du travail ». C’est ainsi que le quotidien catalan La Vanguardia a défini la journée de mobilisation du 19 février. Plusieurs centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue dans une soixantaine de villes de l’Etat espagnol pour dire « non » à l’austérité et à la batterie de contre-réformes que veut mettre en œuvre le nouveau gouvernement de droite du Parti Populaire (PP) de Mariano Rajoy. « Le gouvernement ne peut pas faire machine arrière, a tout de même souligné La Vanguardia, en bon journal bourgeois, car il perdrait en crédibilité aux yeux de l’Union Européenne (UE) ». « Cependant, a également titré El País, l’autre grand quotidien espagnol, de centre-gauche cette fois-ci, le gouvernement ne devrait pas trop faire la sourde oreille face à l’avertissement qui est arrivé de la rue espagnole ». Rajoy, cependant, persiste et signe et semble bien déterminé ã passer en force. Mais dans le camp de la jeunesse et des travailleurs, on n’entend pas s’avouer battus d’avance.

Il suffit de voir ce qui s’est passé ã Valence ces derniers jours. Les lycéens, mobilisés, y ont été durement réprimés par le gouvernement local de la Généralité de Valence [1]. En dépit des brutalités policières, les lycéens et étudiants ont prévu de redescendre dans la rue dans plusieurs régions (Valence, Catalogne, Aragon), dès le 29 février. Les traminots de Barcelone de TMB, eux, sont en lutte alors que les enseignants de la région de Madrid, dirigée par les socialistes, sont mobilisés depuis la rentrée de septembre afin de protester contre les attaques dont ils sont l’objet [2]. Tout cela semble bien indiquer que tous les ingrédients seraient réunis pour faire ravaler ses attaques au gouvernement du Parti Populaire qui compte asséner au monde du travail des coups encore plus durs que ceux qui ont été distribués par les socialistes quand Rodríguez Zapatero était au pouvoir.

Une réforme du marché du travail qui est un véritable retour au franquisme

La nouvelle réforme du travail telle que la conçoit Rajoy constituerait un recul historique pour les acquis des travailleurs. Elle les ramènerait aux moments les plus sombres de l’histoire de l’Etat espagnol. En comparaison, toutes les attaques antérieures menées par les socialistes (Felipe González) comme par la droite (José María Aznar), semblent presque indolores face au rouleau compresseur mis en marche par Rajoy. S’il avait dit vouloir revenir à la situation antérieure à la Loi sur les Conventions Collectives franquiste de 1963, il ne s’y serait pas pris différemment.

Les jeunes, principales victimes du gouvernement

Parmi les éléments les plus « radicaux » de cette réforme on trouve notamment la possibilité pour les patrons de renvoyer purement et simplement un salarié, après une période d’essai de 20 jours dans l’entreprise. Dans la série cadeaux pour les patrons, il y a aussi l’aide directe de 3 000 euros et l’exemption de « charges » sociales pour les PME embauchant un jeune de moins de trente ans, soi-disant pour lutter contre un chômage endémique dans la jeunesse qui frôle les 50%. Les conditions salariales seront revues à la baisse. Avec le nouveau contrat d’apprenti, le jeune ne touchera que 60% du salaire. L’autre nouveau contrat lancé par le PP prévoit que le patron paie 75% du salaire et que le reste soit « auto-financé » par le jeune travailleur lui-même puisque l’employeur prend 25% sur l’allocation de chômage.

Mort annoncée des conventions collectives et facilités pour licencier

Pour le reste du monde du travail, les choses ne sont pas bien meilleures. Dans les PME du secteur privé les négociations salariales se feront entreprise par entreprise et non plus par branche en fonction de ce qui est acté au niveau des régions (communautés autonomes) ou au niveau national. Dans les petites entreprises qui constituent 90% du tissu productif de l’Etat espagnol, sans comité d’entreprise ni délégués syndicaux, les salariés se retrouveront, de ce fait, littéralement à la merci du patron. Pour les travailleurs, cela constitue un net recul dans le rapport de force en ramenant les rapports au sein des entreprises ã des relations individuelles d’exploitation, avec un retour au despotisme et à l’arbitraire patronal sans limite qui étaient la règle sous la dictature franquiste. De plus, dans ces entreprises où le patron sera désormais un monarque absolu, il suffira que la société enregistre des pertes ou un recul de son chiffre d’affaires pendant trois trimestres consécutifs pour qu’il soit possible de licencier, en toute légalité, jusqu’à 10% du personnel, sans accord syndical ni autorisation administrative préalables.

Attaque en règle contre les principaux bastions du salariat

Dans le secteur public ou dans la grande industrie (métallurgie, chimie, secteur manufacturier, etc.), qui bénéficient d’une couverture un peu plus large que dans les PME du privé et où le taux de syndicalisation est plus élevé, l’objectif de la réforme est d’éliminer la différence entre CDI et CDD. L’enjeu est d’attaquer frontalement toutes les branches où les travailleuses et travailleurs sont un peu plus combatifs et où la tradition des bagarres est plus importante. Alors que jusqu’à présent les conventions collectives se renouvelaient automatiquement, la renégociation sera désormais obligatoire, au risque de passer ã un échelon inférieur de convention. Parallèlement, le gouvernement entend revenir sur une partie des financements des confédérations syndicales.

Service du Travail Obligatoire pour les chômeurs

Pour finir les chômeurs se verront dans l’obligation de travailler gratuitement « pour la communauté » comme cela existe déjà dans la Hongrie gouvernée par la droite ultraréactionnaire et raciste [3]. Au cas où ils refuseraient trois offres d’emploi, ils se verraient supprimer les aides sociales, même s’ils gagnent moins avec le nouvel emploi qu’avec les allocations. Dans un pays où le taux de chômage atteint près du quart de la population active et de la moitié au sein de la jeunesse, la bourgeoisie veut imposer aux travailleurs à la recherche d’un emploi le choix entre le « service du travail obligatoire » et la misère.

Le 19 février, moins de cent jours après sa victoire électorale, un premier coup de semonce contre la droite espagnole

Dans ce cadre, les manifestations du 19 février représentent un premier coup porté au gouvernement du Parti Populaire. Moins de cent jours après avoir obtenu une majorité absolue lors des élections du 20 novembre dernier [4], Rajoy a dû affronter une des plus grosses mobilisations de ces dernières années : un demi-million de manifestants ã Madrid selon les syndicats, 400.000 ã Barcelone. Dans les deux cas, El País qui a toujours tendance ã décompter à la baisse ã dû comptabiliser 100.000 manifestants dans les deux villes. D’autres grandes villes comme Séville, Valence ou Alicante ont connu des manifestations extrêmement fournies.

Tous les revanchards de la droite espagnole qui pensaient qu’avec les élections de novembre la classe ouvrière et la jeunesse « indignée » du printemps dernier avaient disparu de la scène politique ont été forcés de revoir leurs prévisions [5]. Beaucoup chez les analystes de droite commencent ã voir que l’offensive que veut mener Rajoy ne sera peut-être pas aussi simple que prévu ã mettre en œuvre. Le gouvernement, par une campagne médiatique très dure, comptait se passer des bons et loyaux services de la bureaucratie syndicale. Le gouvernement est peut-être allé trop vite en besogne.C’est du moins ce que constatent les principaux éditorialistes espagnols. C’est en partie pour cela que les directions de Commissions Ouvrières (CC.OO.) et de l’UGT, les deux principaux syndicats espagnols qui n’avaient strictement rien fait pour que la mobilisation du 19 soit un succès, recommencent ã faire des appels du pied au gouvernement.

Un mouvement ouvrier et une jeunesse qui veulent se battre en dépit de la politique des directions syndicales

Mais malgré quatre années de crise extrêmement dure qui s’ajoutent à la fragmentation et à la précarisation que le monde du travail a subies pendant les années de croissance du « miracle espagnol » et malgré l’orientation néfaste de la bureaucratie de CC.OO. et UGT qui invite ã « rectifier le tir » et ã « une autre réforme », le plus significatif, peut-être, des manifestations du 19 février c’est la volonté de se battre exprimée par des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs, toutes générations confondues, avec ou sans emploi, espagnols ou immigrés. Tous les médias ont souligné qu’à Madrid, par exemple, les manifestants réclamaient dans leurs slogans la grève générale que ni Ignacio Toxo ni Cándido Méndez, les leaders de CC.OO. et de l’UGT, n’entendent convoquer.

Alors bien sûr, après avoir tout fait pour que le 19 ne soit pas à la hauteur des enjeux, Toxo et Méndez, changeant leur fusil d’épaule, voudront maintenant « utiliser » le succès du 19 février (qu’ils n’escomptaient pas) comme monnaie d’échange avec le gouvernement en le forçant ã renouer le dialogue. Ils sont néanmoins également conscients que la situation actuelle est de plus en plus difficile pour jouer le rôle qu’ils assuraient jusqu’à présent, notamment sous Zapatero, ã savoir maintenir la paix sociale pour que le patronat puisse mener ã bien ses attaques et que le gouvernement puisse appliquer l’austérité sans trop de soubresauts.

Mais les militants et les délégués de base de CC.OO. et de l’UGT commencent ã se rebeller de plus en plus nettement contre l’orientation défendue par leurs chefs depuis des années, et ce d’autant plus que dans la situation actuelle une telle orientation mène les travailleurs directement à l’abattoir. On voit des exemples de ces dissensions à la base dans certains secteurs, comme dans le cas de l’agroalimentaire, ã Panrico de Santa Perpetua de la Moguda dans la région de Barcelone [6]]. Parallèlement, il y a fort ã parier que le reflux relatif du « Mouvement du 15 mai », celui des « indignés » espagnols, touche ã sa fin. De nombreux « indignés » recommencent aujourd’hui ã s’organiser pour lutter contre la réforme du marché du travail de Rajoy, pour appuyer les secteurs en lutte comme les traminots barcelonais de TMB ou pour lutter contre les coupes budgétaires qui frappent le secteur de l’éducation. Les luttes actuelles, enfin, pourraient se démultiplier lorsque le patronat voudra commencer, dans les faits et très concrètement, ã appliquer la réforme du marché du travail qui va modifier drastiquement dans les entreprises les conditions de travail des salariés et remettre en cause en profondeur leurs conditions de vie, ainsi que celles de leurs familles.

Construire par en bas une alternative aux orientations de Toxo et Méndez, l’exemple de Barcelone

C’est ã partir de ces mouvements qui existent par en bas qu’il nous faut commencer ã construire une alternative à la politique de Toxo et Méndez, en coordonnant les luttes en cours, en unifiant les revendications, en renouant avec la tradition ouvrière des assemblées sur les lieux de travail, et en faisant confluer le mouvement lycéen, étudiant et des « indignés » avec le mouvement ouvrier.

A Barcelone par exemple, la manifestation a été très importante, avec un demi-million de personnes qui sont descendues dans la rue, plus encore que lors de la grève générale du 29 septembre 2010. Plusieurs entreprises en lutte comme ED-EDiciones, El Periódico ou TMB ont répondu à l’appel de CC.OO et de l’UGT. Le « Bloc critique », organisé à l’appel des « indignés » du mouvement du 15 mai est également descendu dans la rue, accompagné des « yayoflautas », d’anciens militants des années 1970 qui ont choisi de manifester aux côtés de la jeunesse pour protester contre la réforme Rajoy. De son côté, la « gauche syndicale » (la CGT, la CNT et l’IAC) [7] a préféré réaliser un rassemblement alternatif qui, bien entendu, ne perturbe pas le moins du monde la bureaucratie du CC.OO et de l’UGT dans sa volonté de garder un strict contrôle sur la mobilisation contre la réforme du marché du travail.

A Barcelone les camarades de Clase contra Clase ont manifesté au sein du cortège du Courant Révolutionnaire No Pasarán dont ils font partie [8]. Sous la banderole « Assez de dialogue et de paix sociale ! Pour la grève générale, maintenant ! » les camarades ont d’abord participé au rassemblement appelé par la gauche syndicale et ont par la suite rejoint la tête de cortège de la manifestation de Commissions et de l’UGT. Face ã tout le gratin de la bureaucratie de CC.OO et de l’UGT de Catalogne des dizaines de jeunes étudiants et travailleurs ont ainsi lancé des slogans contre le dialogue avec Rajoy, pour le retrait pur et simple de la réforme (et non sa modification), pour la grève générale (ce qui au même moment était repris en chœur ã Madrid par des secteurs syndiqués de base) et contre l’orientation de Toxo et Méndez. Des cortèges syndicaux ont repris les slogans en passant lorsqu’ils ne se sont pas arrêtés pour se joindre aux camarades de No Pasarán. Ces derniers ont ensuite rejoint le Bloc critique pour finir la manifestation.

C’est notamment de cette façon qu’il sera possible d’imposer par en bas la grève générale et un plan de lutte sérieux afin de mettre ã bas la réforme du marché du travail et toutes les autres mesures d’austérité. Dans ce processus, la gauche syndicale (dont les directions continuent ã osciller entre le sectarisme le plus crasse et le suivisme pur et simple des directions confédérales bureaucratiques) mais aussi les secteurs de CC.OO et de l’UGT qui remettent en cause la politiques de Toxo et Méndez auront un rôle clé ã jouer. Les camarades de Clase contra Clase et du Courant Révolutionnaire No Pasarán comptent bien apporter leur pierre à l’édifice pour que le printemps espagnol soit encore plus chaud que celui de l’année dernière.

25/02/12

 

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