Par Vincent Duse, CGT PSA Mulhouse, et Philippe Alcoy
Mardi 9 octobre, nous étions plus de 2.000 travailleuses et travailleurs de l’automobile, avec des camarades venus en soutien, ã nous rassembler devant le Salon de l’Auto ; plus de 2.000 pour dire « non ! » aux fermetures de sites et aux suppressions de postes, avec en ligne de mire la bagarre contre la fermeture de PSA Aulnay qui a des répercussions non seulement au sein du groupe mais bien au-delà [1].
Un rassemblement qui a été un réel succès malgré les hésitations des chefs syndicaux
Le rassemblement du Salon de l’auto n’avait pas cette année reçu la bénédiction des directions syndicales centrales de PSA et de Renault. Il semblait que ces messieurs ne souhaitaient pas spécialement mettre en difficulté le gouvernement « du changement » (changement en pire pour les travailleurs devrait-on préciser, avec l’avalanche de plans social et l’austérité). Dans un premier temps, même la direction de la CGT d’Aulnay ne semblait pas convaincue de la nécessité de ce rassemblement.
Et pourtant, le Salon de l’Auto est ce lieu hautement symbolique où lors de sa visite le 28 septembre François Hollande a annoncé ã Carlos Ghosn et Philippe Varin, les deux principaux patrons du secteur, qu’il allait faire « ce que demandent les constructeurs et l’ensemble de la filière automobile ã travers le plan de compétitivité » que compte bientôt adopter le gouvernement. Par-delà Ghosn et Varin, c’est à l’ensemble du Medef que Hollande s’adressait. Ce n’est pas un hasard si les patrons de Renault et Peugeot étaient ravis à l’issue de la visite, l’un demandant davantage de « flexibilité » et l’autre de « réduire les coûts salariaux de 5 ã 10% ». Les choses ont au moins le mérite de la clarté.
Le rassemblement, au final, a été un succès. En plus des délégations de l’automobile, constructeurs et sous-traitants réunis, avec PSA, Renault mais aussi Goodyear, Delphi ou Faurecia, il y avait aussi avec nous des camarades d’autres sites et entreprises menacés comme ArcelorMittal, Sanofi, les 3 Suisses, Fralib ou Samsonite.
Matraquages et résistance ouvrière
Au regard des déclarations préalables de Hollande auprès des patrons nous n’avons pas été surpris mardi matin de voir le déploiement de CRS et de gendarmes mobiles devant les grilles du salon, et ces mêmes grilles bien évidemment fermées. Alors que les onze cars d’Aulnay ou les délégations de SevelNord et d’ArcelorMittal n’étaient pas encore arrivés, plusieurs groupes de camarades ont commencé ã essayer de pénétrer dans le salon. La réponse des CRS a été immédiate. Tout le monde a été affecté par les jets de lacrymos, y compris les copains qui étaient plus loin sur le parvis et la provocation a passablement contribué ã énerver les camarades.
Pendant les prises de parole des délégués syndicaux, la tension est montée d’un cran. « On va rentrer, on va rentrer, aucune usine ne doit fermer ! ». Le slogan était repris en chœur par plusieurs groupes de copains qui recommençaient ã se masser devant les barrières électriques cadenassées de l’entrée du Salon. Pendant plus d’une heure, avec les boucliers, les matraques et les gazeuses d’un côté et la détermination des copains de l’autre, les escarmouches n’ont pas cessé.
Les échauffourées avec les flics, c’est l’expression du ras-le-bol ouvrier. Va-t-il gagner d’autres secteurs ?
Les échauffourées témoignent avant tout du ras-le-bol de bien des copains face aux annonces de licenciements, à la précarisation du travail, à l’augmentation des cadences, aux accords de compétitivité. Elles témoignent aussi d’une réelle combativité et de la volonté d’en finir avec la logique du dialogue et de la négociation, qu’elle soit ou non tripartite, un peu à l’image des actions les plus radicales auxquelles on avait assisté en 2009 pendant les luttes contre les fermetures ou à l’automne 2010, lorsque certains éléments d’auto-organisation interpro étaient apparus.
Vers midi, plusieurs dirigeants syndicaux cégétistes ont appelé ã arrêter d’essayer d’entrer dans le salon pour rejoindre la manifestation parisienne. Une chose est sure : pour rentrer dans le Salon, il aurait fallu le faire tous ensemble et collectivement, et avec la perspective non seulement de démontrer que le gouvernement est un « gouvernement PSA », mais aussi pour manifester auprès du patronat notre colère et proposer de réelles perspectives de mobilisation et de coordination pour affronter collectivement les plans sociaux et les attaques du patronat et de Hollande-Ayrault, dans l’automobile et au-delà . Mais donner comme perspective simplement de rejoindre le cortège parisien de l’après-midi n’en était pas une. C’est en ce sens que la question n’était pas de dire qu’il ne fallait surtout pas que l’on passe pour des « casseurs », argument sur lequel insistait la CGT Aulnay depuis des semaines. La question était de savoir comment frapper un grand coup et proposer aux travailleurs de réelles perspectives de victoire.
Pour mettre en mouvement l’ensemble des ateliers et des sites, il nous faut une perspective de lutte, tous ensemble et coordonnée, pour gagner
Il faut que les directions syndicales les plus combatives, ã commencer par celle d’Aulnay, soient véritablement à la hauteur de la situation et cessent de se justifier en disant que la mobilisation n’est pas encore satisfaisante sur la boite. Plus le temps passe, et plus la démoralisation peut effectivement gagner. En effet, si les copains sur les chaines, dans les ateliers et les bureaux, ne voient pas une direction convaincue, ils ne vont pas se risquer ã mener une bagarre décisive contre le patronat. Comme l’a dit ã plusieurs reprise Jean-Pierre Mercier, camarade d’Aulnay et numéro deux de la CGT au niveau de PSA, Varin nous a bien déclaré la guerre au moment de l’annonce de la fermeture. Jusqu’à présent cependant, la direction de la CGT d’Aulnay n’a pas véritablement tenté d’être ce pôle de confluence des résistances, pour PSA, dans l’automobile, pour les boites en lutte, par-delà le site d’Aulnay. « Vendre sa peau le plus cher possible », comme l’a dit ã plusieurs reprises Jean-Pierre Mercier, si ça ne s’accompagne pas d’une bataille pour le « tous ensemble », ça veut dire se préparer à la vendre au rabais. Pour mettre en mouvement l’ensemble des ateliers et des sites, il nous faut une perspective de lutte, tous ensemble et coordonnée, pour gagner. C’est la seule façon de vendre sa peaule plus cher possible : si on a la perspective d’avoir celle des patrons et de ne pas y laisser son boulot en échange d’une indemnité de départ.
La manifestation devant le Salon et les cortèges du 9 octobre ont été l’occasion d’exprimer notre colère face ã un gouvernement qui est loin de rester l’arme au pied. En effet, quand il s’agit de matraquer les travailleurs et de couvrir les plans sociaux, Hollande, Ayrault et Montebourg savent parfaitement faire le boulot. Il faut maintenant que tout ce ras-le-bol accumulé se coordonne et permette de construire, ã partir notamment des boites en lutte, un grand mouvement national contre les licenciements et le chômage [2]. Le 9 aurait pu être l’occasion de mettre sur pied un premier réseau intersite. C’est en effet plus urgent que jamais. Ce serait un instrument central pour organiser la résistance et commencer à la structurer entreprise par entreprise et de façon coordonnée avec l’ensemble des équipes syndicales et des travailleuses et travailleurs qui sont sur cette même longueur d’onde… et nous sommes nombreux ! C’est ce que le gouvernement et les patrons ont le plus ã craindre. Pour une fois, il faudrait leur donner satisfaction.
11/10/2012
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