Par Flora Carpentier
Chaque année, le 8 mars est l’occasion pour une bonne partie de la presse nationale et internationale de commémorer la journée des femmes. Une façon de rappeler dans une société profondément machiste et patriarcale que la femme devrait être considérée comme l’égale de l’homme, et qu’il y a même désormais, du moins dans certaines républiques se voulant « démocratiques », des lois pour le faire respecter. Ainsi, on prône la parité dans les entreprises comme à l’assemblée, on prétend lutter contre les discriminations telles que les différences de salaires et la difficulté d’accès ã des emplois qualifiés pour les femmes. Mais on reste discret sur le fait que les femmes sont les plus touchées par la précarité, sortant des chiffres du chômage en décrochant des contrats précaires partiels et sous-payés. Et si l’on devait revenir sur les innombrables hypocrisies juridiques au nom de la prétendue liberté de la femme, telles que les interdictions faites au femmes musulmanes par la république impérialiste quant au port du voile, ou encore les difficultés d’accès à l’IVG, il ne serait pas difficile de démontrer que l’égalité des genres est loin d’être acquise.
Pour nous, militantes féministes révolutionnaires, le 8 mars doit garder tout le contenu lutte de classes, internationaliste et révolutionnaire qui avait fait de cette journée une nécessité à l’aube du XX siècle. Car ce que la presse bourgeoise ne raconte pas, c’est que ce sont des femmes socialistes qui ont été ã cette initiative : l’idée est en effet présentée lors d’une conférence internationale des femmes socialistes tenue ã Copenhague en août 1910, sur proposition de Clara Zetkin, dirigeante social-démocrate internationaliste allemande et militante féministe. La résolution adoptée à l’unanimité déclarait : « En accord avec les organisations politiques et syndicales du prolétariat de leur pays et animées par leur conscience de classe, les femmes socialistes de tous les pays organiseront chaque année une journée de la femme destinée prioritairement ã faire campagne pour le droit de vote des femmes. Conformément à la conception socialiste, cette revendication doit se situer dans le contexte global des problèmes de la femme. La journée de la femme doit revêtir un caractère international et il convient d’accorder ã sa préparation la plus grande attention ». En plus du droit de vote, les revendications évoquées lors de cette conférence ont été la protection sociale pour les mères travailleuses, la journée de travail de 8 heures et des congés de maternité de 16 semaines, tout en insistant sur la nécessité d’établir des liens solides entre les femmes socialistes du monde entier.
Plusieurs évènements catalyseront la lutte des femmes en ce début de siècle : en mars 1908, le propriétaire d’une usine textile provoque un incendie meurtrier, causant la mort de 129 travailleuses qui s’étaient déclarées en grève et occupaient l’usine ; la même année, une manifestation importante des travailleuses du secteur textile est violemment réprimée dans les rues de New York ; le 8 mars 1917 en Union Soviétique, les femmes descendent massivement dans les rues de Saint-Pétersbourg pour réclamer du pain et la fin de la guerre. Cette journée de mobilisation sera un élément déclencheur de la révolution russe d’octobre 1917, par laquelle la classe ouvrière prendra le pouvoir, sous la direction du parti Bolchévique et de ses dirigeants Lénine et Trotsky.
C’est ã partir de cette date que la journée internationale des femmes est historiquement célébrée le 8 mars, se voulant une journée de lutte pour l’émancipation féminine dans une perspective socialiste, avant que l’idéologie dominante en vide son contenu révolutionnaire. Aujourd’hui, ã plus d’un siècle de la proposition de Clara Zetkin de commémorer la journée internationale des femmes, la même tâche révolutionnaires’impose ã nous : participer à l’organisation des travailleuses en lutte pour leurs droits, en rappelant haut et fort les revendications du mouvement féministe révolutionnaire : liberté ã disposer de son propre corps, accès total et gratuit à l’IVG, dénonciation des violences faites aux femmes et des réseaux d’exploitation sexuelle, lutte contre les discriminations et la précarisation au travail, droits supplémentaires pour les mères et les femmes enceintes, développement d’un réseau de services sociaux accessible ã tou-te-s et prise en charge collective de l’éducation des enfants, entre autres. Que le 8 mars soit aussi l’occasion de saluer la mémoire de toutes les femmes travailleuses qui ont lutté pour nos droits, de meilleures conditions de vie et de travail, et pour l’émancipation de la classe ouvrière toute entière. Mais surtout, ne perdons pas de vue la seule perspective réaliste pour l’émancipation complète des femmes : la construction d’une société nouvelle débarrassée de toute forme d’oppression et révolutionnant les rapports sociaux, la Société Socialiste.
08/03/13
|