Par Daniela Cobet
Les salariés de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord sont bien connus des médias et de tous ceux qui suivent les luttes du monde du travail depuis quelques années. Menacés par divers plans sociaux depuis maintenant plus de six ans, ils peuvent être fiers d’avoir pu résister et éviter que le moindre licenciement pour cause économique n’ait lieu sur le site. Ils ont à leur avantage leur forte cohésion, regroupée derrière un syndicat CGT majoritaire, ainsi qu’une grande combativité, pour laquelle ils se font remarquer ã chacun de leurs déplacements. Ils ont également le mérite de ne pas avoir succombé face à la pression des indemnités de départ entre 2008 et 2010, lors de la précédente vague de licenciements et de combativité ouvrière. En réalité, on voit bien aujourd’hui que ceux-là mêmes qui présentaient cette issue comme une victoire en tirent désormais un bilan plus que mitigé, comme en témoignent les dernières déclarations de Xavier Mathieu, leader emblématique des Continental.
Mais l’histoire de la lutte des Goodyar rentre aujourd’hui dans une nouvelle phase. Si, pendant des années, les PSE successifs ne prévoyaient qu’une fin partielle de l’activité industrielle du site (fin de la production de pneus pour voiture de tourisme, et poursuite de la production des pneus ã usage agricole, les « farm »), le projet annoncé depuis le 12 février [1] par la direction du groupe est de bien plus grande ampleur : il s’agit de la fermeture totale du site d’Amiens-Nord. Pour justifier ce nouveau plan, les patrons de Goodyear s’appuie sur l’échec des négociations avec le groupe américain Titan, qui s’était présenté comme repreneur potentiel pour la production du « farm ». Il rejette alors la faute sur les représentants du personnel de l’usine qui auraient fait fuir toute offre de reprise.
Hargne patronale et confirmation d’une arnaque annoncée : le courrier de Taylor
C’est dans ce contexte pesant pour les salariés qu’est paru dans la presse une lettre adressée par le PDG de Titan, Maurice Taylor, au ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg. Dans ce courrier, Taylor reconnaît, comme le craignaient les salariés, que Titan n’a jamais eu la moindre intention de pérenniser une activité industrielle sur le site d’Amiens-Nord. Très probablement, la stratégie de Titan était de racheter l’usine pour mieux rayer son concurrent, Goodyear, du marché français. Mais cette lettre témoigne également du mépris dont peuvent faire preuve les patrons à l’égard des ouvriers et de la hargne dont ils font preuve lorsque ceux-ci refusent de baisser la tête.
Ainsi, Taylor affirme avoir visité le site d’Amiens-Nord ã plusieurs reprises et pouvoir attester que « les salariés français touchent des salaires élevés mais ne travaillent que trois heures. Ils ont une heure pour leurs pauses et leur déjeuner, discutent pendant trois heures et travaillent trois heures ». La direction de Titan, poursuit le courrier, n’est pas assez « stupide » pour vouloir reprendre le site et devoir faire face ã un « syndicat fou ». Il vaut mieux pour lui, dit-il, acheter « un fabricant de pneus chinois ou indien, payer moins de 1 euro l’heure de salaire et exporter tous les pneus dont la France a besoin ».
La nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Montebourg et le gouvernement se sont sentis obligés de hausser le ton face aux insultes de Taylor, un chroniqueur du Nouvel Obs accusant la rédaction des Echos d’avoir relayé les propos « anti-industrie française » de Taylor en les publiant [2]. A l’usine d’Amiens, un mélange de dégout et de rage s’est installé chez les salariés. Se faire accuser de fainéant quand on fait du 3x8 et qu’on se tue à la chaîne ã cause de tous les dégâts que la production pneumatique entraîne sur la santé... Comment supporter un tel mépris ?
Cela est d’autant plus rageant que les ouvriers de Goodyear aujourd’hui ne demandent que cela, de pouvoir travailler et de pouvoir produire ! S’ils ont moins de charge de production, ce n’est que parce que la direction du groupe en a décidé ainsi, parce qu’elle ne réussissait pas ã faire passer les plans de licenciements qu’elle envisageait. Et en réalité, quand bien même les ouvriers de Goodyear ne travailleraient aujourd’hui que trois heures par jour, ce ne serait que parce que, face à la volonté du patron de baisser la production, les travailleurs ont réussi ã imposer la répartition du travail entre tous à l’échelle de l’usine, pour ne mettre en danger aucun emploi.
Journée d’action ã Amien : comment répondre aux attaques de la direction ?
Quelques jours ã peine après la publication de la lettre du PDG de Titan, le mardi 26 février, les salarié-e-s de Goodyear organisaient une journée d’action sur la ville d’Amiens. La mobilisation a commencé ã 10 heures du matin, avec un rassemblement sur le parking de l’usine, auquel ont pris part près de 400 ouvrier-ère-s. Les prises de paroles terminées, nous avions tous rendez-vous en centre-ville pour un barbecue festif organisé par la CGT Goodyear Amiens, puis pour une représentation de la Fanfare de la Belle Étoile, la troupe de chanteurs et de danseurs liée à la Compagnie de théâtre Jolie Môme. Le spectacle était très réussi et les artistes ont mis du baume au cœur ã tous les travailleurs avec leurs chansons tournant en dérision la crise, les patrons, les médias, pour conclure avec la désormais célèbre « C’est dans la rue qu’ça s’passe ».
Pour finir une journée bien remplie, nous sommes ensuite retournés devant l’usine, dont les abords étaient cette fois cernés par la police... Les salarié-e-s avaient prévu, comme bouquet final, de brûler 1173 Kg de pneus, symbole des 1173 ouvrier-ère-s menacé-e-s de licenciement dans le cadre du projet de fermeture du site. Pendant que le feu générait un panache de fumée noire visible dans toute la zone industrielle, les travailleurs et travailleuses ont rebaptisé l’avenue passant devant l’usine « Avenue des résistants de Goodyear ».
Les prises de parole du matin de Fiodor Rilov et de Mickael Wamen, respectivement avocat et secrétaire de la CGT Goodyear Amiens et qui constituent, dans les faits, la direction politique de la bagarre des Goodyear, ont permis d’apprendre ce qui était prévu pour poursuivre la mobilisation. De nouvelles actions en justice ont été annoncées, cette fois-ci contre la maison-mère, aux États-Unis, dans la mesure où celle-ci doit être tenue pour responsable des licenciements qui touche ses filiales. Par ailleurs, la possibilité de créer une société coopérative (SCOP) détenue par les travailleurs a pour la première fois été posée.
Quels défis pour le conflit des Goodyear ?
En ce qui concerne l’action du 26, force est de constater que le nombre de salariés mobilisés a été, finalement, moins important que lors de précédentes actions, et ce d’autant plus si l’on tient compte du fait que l’usine était à l’arrêt et que la mobilisation se passait sur Amiens même. Cela soulève notamment un problème essentiel pour les travailleurs, celui de parvenir ã sensibiliser plus fortement les populations d’Amiens et de la région alentours, qui vont être directement touchées par les conséquences désastreuses qu’aurait la fermeture du site.
Mais les difficultés de cette bagarre soulèvent des problèmes plus profonds sur la façon dont les camarades de la CGT entendent mener cette lutte contre la fermeture et répondre aux défis énormes qui sont posés aujourd’hui, non seulement aux travailleurs de Goodyear ou de la chimie, mais plus globalement, à l’échelle de l’ensemble des secteurs en lutte ou mobilisés pour contrer l’offensive patronale et gouvernementale.
Une surestimation des possibilités juridiques et un faible niveau d’auto-organisation
L’avocat de la CGT Goodyear est devenu célèbre ces derniers temps, aussi bien pour ses compétences indéniables sur le terrain de la défense juridique des travailleurs que pour son engagement politique affiché au sein du courant issu du PCF animé par Maxime Gremetz, et c’est d’ailleurs pourquoi cela ne le dérange aucunement d’être surnommé « l’avocat rouge ». En s’appuyant sur des acquis inscrits dans le droit du travail et sur les vices de procédure du patronat, il est parvenu ã invalider par la voie juridique de nombreux plans sociaux.
Alors certes, toutes les voies juridiques qui permettent aux travailleurs de gagner du temps et de bloquer, ne serait-ce que temporairement, les plans de licenciements sont ã explorer au maximum. S’ils sont parfois nécessaires pour jouer la montre, les recours judiciaires peuvent aussi permettre de faire la démonstration aux secteurs les moins convaincus de l’acharnement patronal de la nécessité de s’engager dans un combat collectif car seuls les ouvriers, par leur combat, peuvent s’assurer le maintien des emplois. En d’autres mots, pour ne pas devenir une impasse le jour où le patronat peut finir par l’emporter devant les tribunaux, et pour réellement être une arme, la stratégie judiciaire doit se subordonner aux seules véritables armes des salariés pour gagner : la lutte de classes et l’auto-organisation des travailleurs.
Sur ce plan, on peut se demander si les succès répétés obtenus par Rilov et les Goodyear devant les tribunaux n’ont pas fini par créer l’illusion que cette méthode marchera indéfiniment, sans même qu’il y ait besoin de l’appui d’une forte mobilisation. Par conséquent, tout en continuant les actions en justice, il faut préparer l’ensemble des travailleurs à la guerre totale que la direction de Goodyear entend mener. Il est fondamental, dans ce cadre, que les travailleurs eux-mêmes prennent conscience du tournant qu’est en train d’opérer la direction du groupe lorsqu’elle annonce la fermeture totale du site. Le danger serait que ce qui a constitué une des forces des Goodyear jusqu’à présent devienne un piège face à la radicalisation des attaques.
Cette première question en pose une seconde : celle de l’auto-organisation des travailleurs pour la lutte. La cohésion des salariés derrière leur syndicat, la CGT, est un atout qui a notamment permis d’éviter que d’autres organisations, plus conciliantes, ne soient utilisées pour valider les plans sociaux précédents. Cependant, le combat qui s’annonce demande une implication supérieure de l’ensemble des ouvriers dans la durée. Dans ce type de situation, le seul cadre des organisations syndicales, aussi représentatives et combatives soient-elles, devient beaucoup trop restreint pour canaliser la volonté et la créativité de centaines d’ouvriers qui, au fil de la bagarre, peuvent vouloir s’investir encore plus, et avoir leur mot ã dire. C’est pourquoi il est fondamental non seulement de tenir des AG régulières où la parole soit ouverte ã tou-te-s, mais aussi de mettre en place un comité de lutte réunissant aussi bien les travailleurs syndiqués que les non-syndiqués, aussi bien les travailleurs embauchés que les intérimaires, de façon ã devenir une sorte d’état-major des ouvriers en lutte.
La mise en place d’une coopérative (SCOP) : nouvelle issue ou limite stratégique ?
Ce n’est pas la première fois que des travailleurs en lutte contre la fermeture de leur site évoquent comme issue possible la mise en place d’une coopérative (SCOP). Cela avait été le cas ã SeaFrance [3] et plus récemment ã Fralib. Cette stratégie répond à la volonté des salariés de ne pas se plier à la fermeture de leur site et à la négociation d’indemnités de départ. En ce sens, c’est un pas en avant. Néanmoins, contrairement ã certaines illusions qui peuvent faire leur chemin sur ce type de projet, une SCOP reste une entreprise capitaliste, avec sa hiérarchie (les sociétaires ou travailleurs actionnaires) et les autres, ceux qui sont embauchés par la suite éventuellement, avec un directoire et souvent, une absence complète de syndicat. Plus grave pour le combat pour la libération du salariat, le mouvement coopérativiste, inséré dans un cadre de production et de concurrence, a tendance, le plus souvent, ã s’effacer du terrain de la lutte des classes et des autres bagarres du monde du travail (parce qu’il faut produire pour faire face à la concurrence, et que le temps de la politique semble loin derrière, parce qu’on a l’impression d’avoir sauvé sa situation, etc.). Loin de permettre un dépassement de l’exploitation, une coopérative peut, à l’inverse, installer une forme d’auto-exploitation des travailleurs sociétaires, qui y ont mis leur indemnités, parfois avec la contribution des pouvoirs publics (autrement dit des contribuables, c’est-à-dire d’autres travailleurs). Cette stratégie ne va pas jusqu’à poser la question centrale de l’expropriation sans indemnité du patron voyou ou licencieur et celle de la nationalisation, sous contrôle des ouvriers, du site et de l’instrument de travail.
Certaines SCOP se portent plutôt bien, par le seul fait de ne plus être parasitées par la soif de profits des actionnaires. Il n’en reste pas moins que lorsque se pose la question de l’investissement dans l’outil productif pour affronter la concurrence, que ce soit en termes de capital fixe ou de recherche et développement, la plupart doit faire face aux mêmes difficultés que n’importe quelle PME : avoir recours aux banques et s’affronter à leur cortège de créances et de prêts, qu’il n’est finalement possible de rembourser que par l’auto-exploitation. D’autre part, dans le contexte d’une crise capitaliste où « les plus grands mangent les plus petits » les choses risquent de devenir bien plus compliquées, même pour les SCOP qui jusqu’à présent marchaient plutôt bien. C’est pour toutes ces raisons que nous ne partageons pas cette issue qui isole la lutte à l’échelle d’une entreprise et met les travailleurs face à la nécessité de devoir survivre au milieu de la concurrence capitaliste. D’ores et déjà , le projet de l’équipe dirigeante de la CGT Goodyear ne concerne que l’activité Farm (pneus agricoles), la production de pneus tourisme n’étant pas assez rentable dans les conditions actuelles du marché pour être maintenue. Il en résulte une remise en cause d’un des principaux mérite des six ans de combat ã Goodyear Amiens, qui consistait en la défense de l’ensemble des emplois. Plusieurs centaines des 1173 salarié-e-s actuels pourraient ainsi ne pas retrouver du travail dans la SCOP, et quitterait l’usine par le biais de départs volontaires.
C’est pourquoi, face aux fermetures, nous avançons plutôt la perspective de l’expropriation sans indemnités ni rachat et de la production sous gestion ouvrière. Une issue où c’est l’État qui paie les salaires et assure l’achat et l’écoulement des produits. Il s’agit de la seule solution qui, à l’échelle d’une entreprise, d’une branche ou même de tout le pays puisse assurer le maintien de tous les emplois et qui en même temps impose la nécessité d’une grande mobilisation ouvrière et populaire qui inverse le rapport de forces, d’une véritable contre-offensive du monde du travail [4].
A Goodyear Amiens comme ailleurs, il ne peut y avoir d’issue sans un approfondissement de la lutte des travailleurs, combinée à la recherche d’un véritable cadre de coordination des luttes à l’échelle nationale pour imposer un rapport de forces à l’ensemble du patronat.
Le collectif Licenci’elles, un outil pour la convergence des luttes ?
Il y a quelques mois, des syndicalistes de Goodyear Amiens et des ex-salariés du groupe 3 Suisses ont été à l’initiative de la création d’un collectif, sous forme d’association, contre les licenciements dans les entreprises qui font du profit dont font partie aujourd’hui plusieurs entreprises comme Sanofi, Ford, Virgin, Candia, etc. Ce collectif fut à l’origine du rassemblement du 29 janvier devant le Ministère du Travail qui, à la suite du meeting de Science Po du 24 janvier [5], a contribué ã créer un élan vers une coordination des boîtes en lutte. Le rassemblement du 12 février devant le siège de Goodyear a été vu comme une étape de plus dans ce sens, ce qui explique la présence de nombreuses délégations d’autres entreprises en lutte ã cette échéance.
Au-delà des divergences et des limites que nous voyons dans le programme d’une loi contre les licenciements dans les entreprises qui font du profit [6], ce collectif aurait pu jouer un rôle important pour avancer dans la coordination de l’avant-garde ouvrière et pour commencer ã construire une alternative à l’isolement et à la politique conciliatrice des directions des centrales syndicales. La question de la coordination serait notamment un point d’appui fondamental pour organiser la solidarité ã travers une caisse de grève nationale et pour ériger un rempart contre la répression dans chaque entreprise où les travailleurs choisiraient d’agir directement pour assurer le maintien des sites et de la production.
Dans ce cadre, la réunion du 22 février à l’appel des Licenci’elles (laquelle ont assisté des camarades du CCR invités au titre du Collectif des étudiants solidaires des travailleurs en lutte), en restreignant le cadre du collectif à la seule revendication d’une « loi contre les licenciements dans les entreprises qui font du profit » a été en quelque sorte une occasion manquée pour avancer en ce sens. En effet, nous sommes persuadés que dans le cadre des luttes très dures contre les licenciements, aucune victoire n’est possible sans une coordination réelle des boîtes en luttes ou simplement mobilisées. Face à l’unité de la bourgeoisie, il est nécessaire qu’au sein des secteurs les plus combatifs de notre classe se construise l’unité la plus solide si l’on ne veut courir le risque que l’isolement mène, fatalement, à la démoralisation ou à la défaite. Espérons que l’expérience montrera aux camarades le plus tôt possible l’urgence de cette question dans le contexte particulier d’aggravation de la crise capitaliste en France, alors que les « recettes » qui ont pu marcher une fois risquent d’être insuffisantes et où il sera de plus en plus difficile de faire reculer le patronat à l’échelle d’une entreprise isolée.
« Nous sommes des ouvriers, pas des casseurs ! Les casseurs, c’est les patrons ! » : solidarité avec les Goodyear !
Le 7 mars, date d’un nouveau CCE, nous étions une fois de plus au côté des Goodyear. Les salariés étaient moins nombreux que la fois précédente. Il y avait également moins de délégations d’autres entreprises, cette échéance étant moins vue comme un pas vers la convergence des luttes que celle du 12 février. Néanmoins la combativité et la détermination des ouvriers étaient palpables. Et l’énorme dispositif de CRS bien présent aussi. Après que les ouvriers ont brûlé quelques pneus, les escarmouches ont démarré, avec notamment des lacrymos et du gaz urticant lancé contre les manifestants. Les CRS ont même gazé les délégués qui participaient au CCE !
Face ã cette provocation et aux grandes inquiétudes qui entourent leur avenir, la colère est montée d’un cran chez les ouvriers qui ont réagi avec beaucoup de vigueur, en réussissant même ã enfoncer en partie la barrière de sécurité mise en place par les CRS. Lorsque, au cours de ces affrontements, l’un des CRS fut blessé, la réaction du côté des forces de répression fut alors totalement démesurée : d’un fourgon anti-émeute sont partis des dizaines de grenades lacrymogènes de façon ã « arroser » l’ensemble du rassemblement. Dans la confusion, plusieurs ouvriers ont été blessés.
Il n’a pas fallu plus de quelques heures aux médias pour commencer ã crier au scandale, ã décréter que les ouvriers étaient venus « casser du CRS », et ã exiger des dirigeants syndicaux qu’ils se dissocient de ces actes « violents ». On revivait quasi mot pour mot les réclamations qui avaient été adressées ã Xavier Mathieu lors du saccage de la sous-préfecture de Compiègne par les ouvriers de Continental. La droite, qui n’est jamais en reste, en profita pour accuser le gouvernement de complicité, en faisant référence au projet de loi déposé sur l’amnistie sociale. Mais la violence, la vraie, ce n’est pas celle de ces ouvriers en colère. C’est celle du patronat qui fait subir ã des milliers de familles l’inquiétude et l’angoisse du chômage ; c’est celle de retrouver, en rentrant du boulot, un quartier quadrillé par les CRS sous prétexte de « lutte contre les trafics » ; c’est celle d’être face ã un gouvernement qui trahit toutes ses (très rares) promesses de campagne et envoie les garde-mobiles contre les travailleurs quand ils osent protester.
C’est pour toutes ces raisons que nous sommes et que nous resterons aux côtés des Goodyear et que nous saluons leur combativité. La lutte des camarades d’Amiens est, aux côtés de la grève d’Aulnay, un conflit clef qui témoigne de l’intensité des combats de classe qui se profilent et qui constituent autant de signes avant-coureurs d’une guerre qui sera de longue haleine. Le patronat le sait, et il s’y prépare. Pour notre classe, il s’agit de discuter de l’ensemble de l’arsenal et des armes qui sont ã notre disposition, ã savoir du programme et de la stratégie qui seront nécessaires pour construire une offensive générale de l’ensemble du monde du travail. Comme en témoigne un certain nombre d’articles de cette revue, notre page web et l’ensemble des actions de solidarité avec les luttes que nous avons essayées de construire, nous continuerons non seulement ã mettre à la disposition de ces premiers combats nos modestes forces mais nous réaffirmons, une fois encore, que cela devrait être une obligation, pour l’ensemble des courants se réclamant du mouvement ouvrier – ã commencer par l’extrême gauche et notre parti, le NPA – d’agir en conséquence face à l’offensive lancée par le patronat et couverte par le gouvernement.
15/03/13
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