Par Daniela Cobet
La crise politique autour de l’affaire Cahuzac a marqué un pas supplémentaire dans le discrédit dont les institutions et les hommes politiques sont l’objet pour de larges couches de la population. Une des caractéristiques de la crise capitaliste actuelle en Europe est précisément le fait que les régimes s’affaiblissent ã une vitesse nettement supérieure ã celle de la montée d’une riposte ouvrière et populaire aux attaques des classes dominantes. Le cas italien est peut-être le plus éloquent en ce sens.
Cette contradiction tend ã renforcer dans un premier temps des variantes populistes de tout poil, à l’image de Beppe Grillo en Italie où du FN en France, mais cela ouvre aussi un espace nouveau pour une gauche réformiste qui tente de se présenter en alternative face à la débâcle de la social-démocratie, mouillée jusqu’au coup dans les plans d’austérité ainsi que les scandales de corruption.
Les questions démocratiques et le problème du pouvoir
Nous avons été les premiers au sein du parti, dès le dernier CPN et avant que le scandale Cahuzac n’éclate, ã souligner la nécessité d’apporter une réponse en termes de programme ã cette situation, notamment au travers le passage intégré à la résolution que nous avons défendue avec les camarades de la PY. Il s’agissait pour nous de partir de la méfiance qui se développe chez les travailleurs à l’égard des institutions actuelles pour avancer de façon transitoire vers la nécessité de remplacer celles-ci par leur propre pouvoir, c’est-à-dire aider ã faire avancer leur expérience et leur rupture avec la démocratie bourgeoise, notamment en démontrant l’incapacité du réformisme ã apporter une réponse de fond en ce sens.
Quelques semaines après, et sans aucune autocritique, ceux-là mêmes qui nous avaient répondu au CPN que la seule réponse possible face aux éléments de crise de représentation était la perspective d’un « gouvernement anti-austérité » se sont mis ã parler de programme démocratique radical en se référant à la Commune et au programme des trotskystes au début des années 1930...
Néanmoins, dans la logique politique de la majorité, loin d’établir un pont subjectif vers la nécessité de la prise du pouvoir par les travailleurs, ces mots d’ordre démocratiques sont devenus leur contraire. Le slogan du moment est désormais « démocratie réelle », expression emprunté au mouvement des indignés espagnols comme pour donner un nouveau visage ã une vieille idée véhiculée par la LCR il y a quelques années : la « démocratie jusqu’au bout ».
L’idée de continuité entre une démocratisation du régime politique et la question du pouvoir dans les entreprises et sur l’économie sert précisément ã éluder le problème de la prise du pouvoir par le prolétariat par des méthodes insurrectionnelles et de l’expropriation de l’ensemble de la classe capitaliste. « Démocratie réelle » et « gouvernement anti-austérité » sont en ce sens parfaitement complémentaires tout en nous éloignant de la stratégie révolutionnaire.
Encore une fois derrière Mélenchon
La mise en avant du mot d’ordre de démocratie réelle de façon déconnectée d’une stratégie révolutionnaire a laissé encre une fois le NPA à la traîne du FdG qui, lui, a appelé ã une initiative autour de son propre programme : une réforme des institutions pour créer une VI République où « le peuple » aurait d’avantage de contrôle. Le NPA a été incapable d’apparaître avec un profil propre, radicalement distinct, de polémiquer de façon audible avec les réformettes proposées par Mélenchon.
Le comble de cette dérive a été la proposition de Sabado de participer au carré de tête de la manifestation du 5 mai, derrière la banderole pour la VI République. Ce même camarade nous expliquait lors du CE du lendemain que le succès de cette manifestation était un pas en avant pour l’ensemble des classes populaires et une excellente nouvelle.
Les camarades de la majorité semblent vouloir voir dans les succès relatifs du réformisme des avancées pour le monde du travail et une dynamique « objective » qui pousserait le réformisme dans « l’opposition de gauche » et nous imposerait une politique « unitaire ». Mais fondamentalement, il n’y a pas de contradiction entre « opposition » et « majoritéalternative »chez Mélenchon. La preuve c’est qu’au même moment où les camarades essayent de voir des pas vers l’opposition, le FdG parle de Mélenchon Premier ministre et appelle ã des Assises avec... des membres de la majorité gouvernementale !
Des listes communes pour les municipales ?
Accepter de participer ã ces Assises aujourd’hui consiste ã faire croire qu’il est possible de combattre la politique du gouvernement aux côtés de ceux qui l’appliquent ou en sont étroitement solidaires. Qu’on le veuille ou non cela nous mène directe sur le terrain de la discussion des majorités alternatives, y compris parce que la formule de « gouvernement anti-austérité » le permet. C’est pourquoi il y a bien une logique qui devrait nous inquiéter entre cette discussion générale et le projet de motion de la majorité pour les municipales qui dit que « c’est dans cette perspective globale [celle de l’opposition de gauche et du gouvernement anti-austérité] que nous discutons avec les forces politiques de gauche qui ne participent pas au gouvernement, Lutte ouvrière, le Front de gauche ou ses composantes…, pour la constitution de listes communes ». Sommes-nous repartis pour refaire toutes les erreurs qui ont débouché sur la rupture de la GA ?
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