Par Comité de rédaction
Hollande s’en va-t-en guerre ã nouveau, cette fois derrière le principal gendarme du monde impérialiste que sont les Etats-Unis. Il s’agit soit-disant de « punir » le régime de Bachar el-Assad, selon le terme martial employé par le Président français, après le bombardement par des armes chimiques d’un quartier de la banlieue de Damas contrôlé par l’opposition. Des centaines de civils sont morts. Et la nouvelle coalition impérialiste utilise les terrifiantes images de ce crime de guerre, sur lequel il y a beaucoup de spéculations et très peu de certitudes, pour légitimer son intervention.
Obama avait établi une “ligne rouge” au-delà de laquelle l’action militaire en Syrie serait justifiée : l’utilisation d’armes chimiques contre la population civile. Si Assad la dépassait, les Etats-Unis devraient intervenir militairement, pour ne pas perdre leur crédibilité et leur pouvoir de dissuasion, ainsi que pour envoyer un message à la Corée du Nord et à l’Iran. Mais la situation n’est pas aussi simple que le Président américain et Hollande l’espéreraient. La Grand Bretagne préfère en effet, pour se couvrir, attendre que l’ONU finisse son enquête sur l’utilisation d’armes chimiques, ce qui repousse l’intervention. Son Parlement a ainsi rejeté la première motion présenté par son Premier Ministre David Cameron au sujet de l’intervention, ouvrant une crise importante au sein de la coalition des affidés des Etats-Unis.
La machine de guerre est prête cependant : quatre navires de guerre américains avec des missiles sont déjà positionnés dans la Méditerranée et visent le territoire syrien, ce ã quoi il faut ajouter des bâtiments français et britanniques. L’opération a été planifiée lors d’une réunion ã Amman, capitale de la Jordanie, à laquelle ont participé les chefs militaires des États-Unis, de la Grand-Bretagne, de la France, de l’Italie, de l’Allemagne, du Canada, ainsi que de l’Arabie Saoudite, du Qatar, de la Turquie et de la Jordanie. Cette coalition agira sans le consentement de l’ONU, car la Russie et la Chine s’opposent à l’intervention militaire.
Bien que les contours de l’opération n’aient pas encore été déterminés, il s’agirait d’une “attaque limitée” visant des installations militaires du gouvernement syrien, avec l’objectif d’affaiblir le régime de Assad. Et non, donc, de le faire tomber, comme le souhaiteraient des secteurs de la rébellion ainsi que l’Arabie Saoudite dans le cadre de sa dispute locale avec l’Iran. De plus, le régime syrien a le soutien de la Russie, qui a déjà commencé ã faire des mouvements militaires dans la région.
La justification « morale » que l’impérialisme cherche ã se donner est tellement hypocrite que même les médias capitalistes et libéraux ont du mal à la relayer. D’autant plus que les États-Unis eux-mêmes ont utilisé massivement des armes chimiques au Vietnam comme plus récemment en Irak. De même, ils ont également approuvé l’utilisation de telles armes par Saddam Hussein pendant la guerre entre l’Irak et l’Iran, et poursuivent leur appui financier gigantesque à l’armée égyptienne malgré le fait qu’elle vienne de commettre un coup d’Etat et de massacrer plus de 1000 sympathisants des Frères Musulmans.
Un scénario complexe
Depuis l’éclatement de la guerre civile en Syrie, la politique d’Obama s’était limitée au soutien militaire et financier aux secteurs modérés des forces « rebelles », ã travers des agents régionaux, tels que le gouvernement de la Turquie qui est un interlocuteur de l’Armée syrienne libre (ASL). Son objectif était l’affaiblissement des deux secteurs en conflit, pour avancer ensuite vers une issue négociée entre le régime de Assad et l’opposition, avec le soutien de la Russie.
Cette politique était motivée par une combinaison de plusieurs éléments. Sur le plan interne, la majorité de la population américaine refuse une nouvelle aventure militaire après les résultats désastreux que l’impérialisme a obtenu en Irak et en Afganistan. D’après un sondage du journal Washington Post, si l’utilisation d’armes chimiques étaient vérifiée, seulement 25% des américains soutiendraient l’intervention. Par ailleurs, les États-Unis doivent faire face au fait qu’ils ne possèdent en Syrie aucun allié fiable doté d’un poids significatif dans le mouvement de masses, contrairement à la situation qui prévalait il y a deux ans en Libye où le Conseil national de transition possédait une réelle capacité de contrôle. Si Assad fini par tomber sous les coups des bombes impérialistes, des secteurs liés aux milices islamistes radicales pourraient se renforcer, comme par exemple le Front al Nusra qui garde des liens avec Al Qaeda à la frontière de l’Etat d’Israel.
Dans cette situation, l’objectif des Etats-Unis et de la France est donc de déployer une action militaire limitée, qui visera ã modifier le rapport de force sur le terrain, et ainsi ã contraindre la Russie et l’Iran ã appuyer une solution négociée. Mais cela reste très difficile. Selon plusieurs analystes, la situation pourrait déboucher sur un nouveau conflit régional, avec des milliers de victimes civiles. Les alliés du régime de Assad, principalement l’Iran et le Hezbollah, pourraient en effet user de représailles en réponse aux attaques contre la Syrie. De même, dans le contexte d’affrontements entre diverses minorités ethniques et religieuses (sunnites, shiites, alawites, kurdes, etc), un approfondissement de la tendance à la “balkanisation” de la région ne peut pas être écarté. Les frontières locales entre Etats ont été créées de manière artificielle entre la Première et la Deuxième Guerre Mondiale par les puissances impérialistes, provoquant des contradictions qui s’expriment déjà ã plein en Irak et en Lybie.
A bas l’impérialisme ! Aux travailleurs et aux masses populaires de renverser la dictature de Assad
La lutte contre le régime dictatorial de Assad a commencé par un légitime soulèvement populaire en mars 2011, de manière comparable aux autres processus qui composent le « printemps arabe ». Contrairement ã ce que soutiennent nombre de courants de gauche populistes, comme le chavisme en Amérique latine, le régime de Bachar el-Assad n’est ni progressiste ni anti-impérialiste. C’est au contraire une véritable dictature, qui applique depuis des décennies des politiques néolibérales qui bénéficient à la minorité alawite à laquelle appartient la famille Assad et entourage. Avant le soulèvement populaire en 2011, le chômage dépassait déjà 20% de la population active (55% pour les jeunes), et 33% de la population vivait sous le seuil de pauvreté. C’est contre cette réalité que s’est levé le peuple syrien.
Cependant, la militarisation qui s’en est tout de suite suivie a noyé la mobilisation populaire pour donner le jour ã une guerre civile. Plusieurs pays impérialistes, ainsi que des puissances régionales comme la Turquie ou l’Arabie Saoudite, le Qatar et les Etats du Golfe, y interviennent ã travers les diverses fractions en conflit, appuyant par exemple les milices sunnites, pour faire avancer leurs intérêts réactionnaires. L’intervention impérialiste directe qui est en préparation constitue un saut qualitatif dans ce processus. Pour la bourgeoisie française, il s’agira de la quatrième intervention militaire depuis le début des processus révolutionnaires arabes, après la Côté d’Ivoire et la Libye (printemps 2011), puis l’attaque sur le Mali début janvier 2013. L’impérialisme français s’illustre ainsi comme l’une des principales puissances contre-révolutionnaire de la région (avec les Etats-Unis), après avoir soutenu jusqu’au bout l’ancien dictateur tunisien Ben Ali, et formé et financé depuis deux ans certains secteurs de l’opposition militaire ã Bachar el-Assad. En soutenant activement l’initiative militaire nord-américaine en Syrie, l’Etat français cherche ã défendre les intérêts économiques et géopolitique de ses capitalistes dans ce pays comme dans toute la région (Maghreb, Libye, Liban), ã mettre un coup d’arrêt aux mobilisations ouvrières et populaires qui la secouent et ã rétablir la stabilité favorable aux affaires. S’il en sort renforcé, il sera d’autant plus en mesure de mener dans l’hexagone son offensive austéritaire, ses contre-réformes et ses plans de licenciements. Pour le gouvernement Hollande, il s’agit aussi de faire diversion alors qu’arrive la réforme des retraites, qui pourrait devenir une grande bataille de classe.
Il est d’autant plus important pour les travailleurs et les couches populaires de s’opposer ã cette nouvelle intervention impérialiste que cela a lieu au moment où l’armée en Egypte essaye de se constituer une base sociale qui légitime son pouvoir sur la base du massacre des Frères Musulmans et de leurs sympathisant-e-s. Évidemment, cela constitue un précédent pour réprimer tout mouvement de contestation au pouvoir issu du coup d’Etat militaire, notamment venant de la part du mouvement ouvrier et populaire. Dans ce cadre, une intervention militaire impérialiste, même partiellement victorieuse, pourrait marquer une étape contre-révolutionnaire pour les processus ouverts dans la région.
Au nom de la lutte contre la dictature de Assad, plusieurs courants d’extrême gauche comme la majorité actuelle du NPA ou le PSTU brésilien finissent par appuyer de manière acritique les directions du « camp » anti Bachar, parmi lesquelles se trouvent non seulement des milices islamistes réactionnaires, mais aussi des directions qui réclament l’intervention impérialiste pour se positionner comme ses agents locaux dans le cadre d’une possible chute du régime. C’est la même conception politique qui avait amené le Front de gauche, et les militants de la Gauche anticapitaliste alors encore au NPA, ã soutenir sans critique le Conseil national de transition Libyen, et donc de tenir une position ambigüe vis ã vis de l’intervention de l’OTAN.
Contre ces positions, les marxistes révolutionnaires se doivent de démasquer devant les masses le caractère contre révolutionnaire de l’impérialisme, surtout quand il cherche ã se camoufler sous une couverture « démocratique » ou « humanitaire ». C’est pour cela que, contre l’impérialisme et ses agents internes, nous défendons le renversement révolutionnaire du régime de Assad, élément indispensable dans la lutte pour la conquête d’un gouvernement ouvrier et populaire.
29/08/2013
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