Bien loin de l’image de la France de Chirac et de Villepin qui, en 2003, avaient refusé de participer à l’équipée militaire irakienne de George Bush, Hollande opère un virage ã 180° et est en passe de devenir « le dernier néo-conservateur » sur le vieux continent. A suivre, quelques considérations sur la politique extérieure du gouvernement social-impérialiste français.
Il s’agissait d’une occasion en or : profiter de l’énième massacre en Syrie pour affirmer la puissance de la France dans le « concert des nations », mais aussi un peu pour faire contrepoids ã Berlin qui, sur l’échiquier européen, fait de plus en plus d’ombre ã Paris. L’occasion également de faire oublier la crise et de faire diversion alors que pas une semaine ne passe sans que le gouvernement n’annonce une nouvelle contre-réforme. Mais les rêves de grandeur de François Hollande se sont finalement échoués contre la dure réalité de la géopolitique internationale, ã savoir la crise de l’hégémonie étasunienne qui s’est approfondie encore un peu plus avec la débâcle militaire en Afghanistan et en Irak. Le revers essuyé par David Cameron, le Premier-ministre britannique dont la majorité conservatrice n’a même pas appuyé l’avant-projet d’intervention en Syrie, suivi de la décision de Barack Obama de s’en référer au Congrès avant même de prendre une décision, laissent Hollande bien seul. Seul sur l’échiquier international et seul, également, au niveau hexagonal, avec les déclarations contradictoires de ses ministres sur le vote ou la simple consultation du Parlement en cas d’intervention, et ce alors qu’une large majorité de l’opinion publique est opposée à la guerre.
Une impasse diplomatique et militaire
Le 27 août, l’Elysée se disait prêt ã intervenir en Syrie. Moins d’une semaine après, Hollande se retrouve dans une impasse diplomatique et militaire. Si l’idée était de faire briller la France comme puissance autonome, Paris apparaît en fait à la remorque des Etats-Unis. En tonnant contre Bashar Al-Assad qu’il menaçait de punir coûte-que-coûte, Hollande substituait la Grande-Bretagne dans le rôle de meilleur élève de l’impérialisme américain que le Royaume-Uni a eu au cours des dernières décennies. Mais alors qu’il fourbissait ses armes, Hollande s’est retrouvé le bec dans l’eau avec la volte-face d’Obama le 31 août.
En attendant la décision de Washington, Paris s’est elle-même liée les mains. Par ailleurs, l’ensemble des différents scénarios qui pourraient se proposer ã Hollande pour trouver une issue sont complexes. Si le Congrès américain donne son feu-vert, Paris serait le seul pays occidental ã ne pas consulter sa représentation parlementaire. Si le Congrès ne donne pas son aval ã Obama en revanche, Hollande se retrouverait bien seul pour « châtier » Al-Assad et devrait avoir recours ã des plans alternatifs dont les contours sont aujourd’hui bien flous. En cas de vote négatif du Congrès étasunien, Hollande a déclaré que la France n’agirait pas seule mais que le gouvernement ferait tout son possible pour appuyer « l’opposition syrienne ». Aujourd’hui, cependant, c’est la confusion qui règne.
Plus gaulliste que l’UMP, plus néo-conservateur que les Américains
Dans toute cette affaire, sur le plan intérieur, le « président de gauche », sous couvert des rouages antidémocratiques et ultra-bonapartistes de la V République, apparaît comme plus gaulliste encore que la droite hexagonale. Sur le plan international, avec son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, ses déclarations sont encore plus va-t-en-guerre que les discours des pires faucons républicains du Sénat américain. Le PS français a au moins un mérite. Avec ses velléités guerrières et sa « réforme » des retraites, il ressemble de plus en plus à la copie-carbone « de gauche » de ce qu’est la droite hexagonale. « Réforme » des retraites et menace d’intervention en Syrie mettent noir-sur-blanc, s’il c’était encore nécessaire, le caractère réactionnaire et anti-populaire du gouvernement PS-écolos.
Mais cet approfondissement du cours impérialiste et agressif de la politique extérieure française ne tombe pas du ciel. Le terrain a été préparé, et par la droite, et par la gauche, au cours des dernières années. On pensera, tout d’abord, à l’intervention en Libye, sous la houlette de Nicolas Sarkozy, avec la bénédiction du PS français, puis, sous Hollande, avec l’intervention au Mali, sans même parler de la guerre contre la Serbie et le Kosovo, en 1999, qui n’avait d’humanitaire que le nom et qui, à l’inverse, permit l’expansion de l’OTAN en Europe de l’Est, ou encore de la « guerre contre le terrorisme » et surtout contre l’Afghanistan, menée tambour battant par le gouvernement de la « Gauche Plurielle » auquel participaient tant le PCF que Jean-Luc Mélenchon et dont on voit, aujourd’hui, les résultats.
De quel droit bombarder ?
Obama, ses ministres et son administration s’attachent ã faire valoir qu’une agression militaire contre la Syrie serait bien différente de la campagne menée par George Bush et ses faucons « néo-conservateurs » contre l’Irak de Saddam Hussein en mars 2003. Mais les arguments avancés par la France comme par les Etats-Unis pour légitimer une intervention, notamment au sujet de l’usage par l’armée régulière syrienne d’armes chimiques dans les faubourgs de Damas le 21 août, sont plus que discutables. Nombreux sont d’ailleurs les analystes qui soulignent que tant le camp pro-Assad que les « rebelles » syriens ont probablement eu recours, ces derniers mois, ã des armes non conventionnelles et chimiques.
Mais la question du droit ã bombarder est un peu plus complexe encore que « les preuves » irréfutables apportées par les services secrets occidentaux. De quel droit la France des massacres de Madagascar de 1947, de la sale guerre au Kamerun contre les populations civiles, de la guerre d’Indochine et de la guerre d’Algérie, où Paris n’a pas hésité de recourir à la torture, aux déplacements massifs de populations et aux bombardements, de quel droit la France pourrait s’ériger en arbitre de la légalité internationale ? Cela va sans dire que le doute est de mise, également, du côté des Etats-Unis, le pays des massacres de la guerre du Viet-Nam, dont Mi-Lay n’est que l’exemple le plus tragiquement célèbre, des bombardements à l’agent orange sur toute la péninsule indochinoise, de la vente d’armes chimiques pour que Saddam Hussein les utilise contre l’Iran dans les années 1980, le pays des attaques au phosphore blanc et à l’uranium appauvri contre les populations civiles lors de la bataille de Falloujah, en novembre et décembre 2004, suite à l’invasion de l’Irak.
De quels « droit humanitaire », « devoir d’intervention » ou « légalité internationale » parlez-vous, messieurs Obama, Kerry et Hollande ? Du droit des impérialistes ã agir comme des puissances impérialistes. Votre cynisme nous fait horreur.
04/09/13
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