Accueillie par l’Université Populaire de Toulouse, cette rencontre s’est tenue la soirée du jeudi 21 novembre dernier (salle Osète du centre-ville) avec un public d’environ 100 personnes, militant-e-s syndicalistes, politiques, associatifs, étudiant-e-s et travailleur-ses du privé comme du public, Thalès, Airbus, la Poste, secteurs sociaux et de la santé, éducation nationale, université…
Les principaux exposés, celui d’Elisabeth DES, médecin, auteur du livre Le harcèlement au travail. Mémoire d’un combat (éd. Les Points sur les i, 2013), et celui de Vincent DUSE, notre camarade ã PSA-Mulhouse, militant à la CGT, et auteur de la Postface du livre, ainsi que l’intervention de Madame Claude POULAIN, menant actuellement procès contre Thalès pour faute inexcusable, suite au suicide de son mari (cadre de l’entreprise) en avril 2008, ont conduit, à la fois par leurs témoignages personnels et leurs analyses, ã un échange dense et chargé d’émotions. Préalablement introduits par Emmanuel Barot, enseignant-chercheur et militant ã SUD-Education, et par Jacques Giron, médecin et militant CGT, ces exposés ont d’abord permis ã des travailleurs isolés de prendre la parole pour parler de leur situation, parfois dramatique, voire tout simplement demander conseil et soutien. C’est la première réussite de la soirée : contribuer, même modestement, ã sortir ceux qui souffrent et subissent des conditions de travail dégradées et dégradantes, de leur isolement, de leur peur et de leur résignation.
Mais reconstituer, contre ce harcèlement collectif imposé par les classes dominantes aux travailleurs, une résistance collective, ressourçant la solidarité de classe et redonnant confiance et combativité ã tous celles et ceux qui, individuellement, ne peuvent qu’être broyé-e-s, suppose, au-delà des cas sans nombre que l’on peut recenser, de comprendre et de combattre une logique d’ensemble qui ne se réduit pas au sadisme de petits chefs ou managers, et qui ne peut être contrebalancée par de simples recettes « éthiques » ou « déontologiques » parfaitement hypocrites. La seconde réussite de la soirée fut ainsi, contre les propagandes qui individualisent, personnalisent, et psychologisent le problème, le processus de politisation radicale qui a progressivement animé les discussions, à l’image du titre de la rencontre : les enquêtes sur la souffrance et le harcèlement au travail, notamment suscitées depuis les années 1990 par le nombre exponentiel de suicides dans le privé comme dans le public, font maintenant partie des objets des sciences humaines et sociales. Pourtant le problème est fort ancien, il est consubstantiel au système capitaliste. Le combat emblématique mené par Elisabeth Des dans le milieu hospitalier face au « Lean Management », et les résistances ouvrières à la « toyotisation » dans l’industrie, par exemple ã PSA, par leurs similitudes profondes, ont ainsi permis de rappeler que chercher ã « moraliser » ou « humaniser » ce capitalisme est une illusion, et que c’est bien dans son ensemble, de façon structurelle et non accidentelle, que celui-ci pousse l’exploitation des travailleurs ã ses extrémités les plus terribles depuis le XIXe siècle.
La contribution que peuvent apporter ã ce combat les batailles juridiques, capables ponctuellement de faire plier les exploiteurs et de servir ã populariser la lutte,n’a été ni minimisé ni extrapolé.Cependant, il est progressivement ressorti des discussions que lutter contre cette exploitation et cette aliénation bien concrètes du travail par le capitalsupposait deux choses : non seulement un renforcement des luttes déjà existantesen les faisant converger, mais aussi une préparation de l’intervention dans les luttes et explosions ã venir.Cette réflexion collective sur le sens même du travail s’est notamment nourrie du slogan porté par le secteur actuellement en grève des travailleurs de l’hôpital public de Purpan, « Trop de travail dedans, trop de chômage dehors : pour une réduction du temps de travail ! ».
Montrer que la classe travailleuse doit progressivement reprendre conscience d’elle-même pour s’émanciper, tel était l’enjeu final de cette rencontre. Au-delà de son caractère ponctuel, il s’agissait de poser des jalons pour relier l’analyse des phénomènes de souffrance au travail à l’organisation des luttes, et pour renforcer le travail d’intervention militante dans le secteur toulousain, en se coordonnant aux initiatives déjà existantes (syndicales et associatives en particulier). C’est la tâche à laquelle il faut maintenant s’atteler.
26/11/2013
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