C’est dans un contexte chargé d’échéances politiques que s’est tenue mardi 14 janvier à la salle du Sénéchal, ã Toulouse, la réunion publique organisée par le NPA 31 avec Christian Castillo, député trotskyste du FIT d’Argentine, nouvellement élu dans la province de Buenos Aires. La réunion s’inscrivait dans la tournée européenne de Castillo, qui a déjà participé ã des réunions organisées par différents courants et groupes d’extrême-gauche ã Londres, Berlin, Madrid et Barcelone. Il se rendra par la suite ã Athènes pour pariticiper ã un meeting avec Antarsya le 21 janvier et terminera sa tournée ã Paris le 28 janvier par une réunion organisée par le NPA, juste avant l’ouverture de la session parlementaire argentine, début février.
L’enjeu de cette réunion était double. Il s’agissait d’une part de présenter aux camarades présents la situation en Argentine et d’analyser la signification du succès du FIT, ce front électoral regroupant le Parti des Travailleurs Socialistes (PTS), le Parti Ouvrier (PO) et la Gauche Socialiste (IS), aux législatives d’octobre 2013. D’autre part, cette rencontre était également l’occasion de réfléchir plus largement à l’état des luttes de classes dans le capitalisme d’aujourd’hui et aux moyens d’organiser, au plan international, une stratégie cohérente contre ce système qui exploite, opprime et tue celles et ceux qui le font vivre.
Introduit et traduit de l’espagnol par deux camarades du NPA, Castillo est d’abord revenu sur la banqueroute économique violente qui a explosé en 2001 en Argentine, précédée et suivie d’une vague de mobilisations des travailleurs sans emploi, les « piqueteros », mais également de batailles ouvrières et d’occupations d’usine, les fameuses « entreprises récupérées », dont Zanon est sans doute aujourd’hui l’exemple le plus connu. C’est ã ce moment-là que le PTS, parti dont Castillo est membre de la direction nationale, a fait le choix de renforcer un travail militant en direction des entreprises, dans les services publics (transports, santé, éducation, etc.), ainsi que dans les universités. Le pari était de défendre les intérêts des travailleurs notamment par la conquête de sections syndicales traditionnellement tenues par une bureaucratie péroniste particulièrement réactionnaire. Le PTS a également déployé son activité en lien avec le mouvement des femmes, avec le mouvement LGBTI et pour l’égalité des droits ainsi qu’avec le mouvement contre l’impunité policière et pour la condamnation de l’establishment militaire, politique, religieux et économique qui a collaboré avec la dictature qui a sévi de 1976 ã 1983.
C’est cette insertion offensive dans les luttes de classes qui avait déjà permis au FIT, avec un programme fermement anticapitaliste, anti-impérialiste et socialiste, sur des bases d’indépendance de classe, d’obtenir 400.000 voix aux élections de 2011, et un député dans le province de Neuquén en Patagonie, où se situe l’usine de carrelage Zanon qui poursuit aujourd’hui son expérience combative d’autogestion ouvrière débutée en 2001. En octobre 2013, dans un contexte de crise profonde du kirchnérisme, ce péronisme de « centre-gauche » au pouvoir depuis 200, c’est plus d’1,2 million de voix que le FIT a totalisé, obtenant ainsi 3 députés nationaux et 8 élus en province.
Castillo a insisté sur l’élévation de la conscience politique dont ce vote témoigne, vote d’espoir et non simplement de protestation contre la crise. Il est revenu, également, sur la façon dont la campagne a été menée, avec un travail consistant ã déployer de façon très dynamique les revendications transitoires défendues par le FIT et ressenties comme des questions centrales par les secteurs les plus avancés du monde du travail et de la jeunesse, que ce soit au niveau de la lutte contre la bureaucratie syndicale, contre le travail précaire et pour l’embauche de tous les CDD ou encore contre les privilèges des politiciens et des hauts fonctionnaires, et pour que les élu-e-s touchent le même salaire qu’un travailleur du rang. Mais Castillo a aussi insisté sur le fait qu’un succès électoral, aussi important soit-il à l’échelle de l’extrême-gauche, n’est jamais une fin en soi et constitue seulement un moyen permettant de populariser et d’appuyer les luttes concrètes des exploités et des opprimés, et qu’en aucun cas il ne faut céder à l’illusion qu’un quelconque usage des institutions bourgeoises pourrait faire changer réellement la société actuelle.
Au cours de la deuxième partie de la réunion, l’échange avec le public a permis d’apporter un certain nombre de précisions sur la situation sociale, économique et politique argentine. Il a également permis d’approfondir des questions stratégiques comme la nécessité de la convergence entre les mouvements ouvrier et étudiant et la construction de partis révolutionnaires fondés sur la centralité prolétarienne. Deux questions, en particulier, ont émergé des discussions : d’une part, celle de savoir ce que les révolutionnaires entendent par « hégémonie ouvrière » face ã une orientation qui consisterait ã intervenir politiquement pour simplement chercher ã juxtaposer ou ã relier un ensemble de « mouvements sociaux » et, d’autre part, celle de savoir pourquoi nous sommes incapables, en Europe, en France, d’obtenir de tels succès électoraux.
Il est évidemment prématuré, sur ce dernier point, de prétendre calquer des leçons arrêtées de cette expérience du FIT, chaque situation nationale ayant de surcroît ses spécificités. Mais une chose est claire : ce n’est pas en réduisant le contenu des revendications et en camouflant son identité politique, ni aux élections, ni ailleurs, que l’on contribue ã ce que les travailleurs reprennent conscience de leur force et confiance en leur capacité de commencer ã inverser le rapport de force social et politique en vue d’abattre la société et l’Etat bourgeois et d’instaurer un nouveau pouvoir qui soit pleinement le leur.
17/01/14.
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