La journée de mobilisation du mercredi 5 février dernier, à l’appel du Comité pour l’acquittement des ouvriers du pétrole de Las Heras, a été un succès, et pas seulement en Argentine. Des milliers de travailleurs, de jeunes, d’étudiants et de militants se sont donné rendez-vous dans les rues des Buenos Aires et d’autres villes du pays pour manifester leur soutien aux neuf travailleurs du pétrole de Las Heras.
Condamnés le 12 décembre et en première instance à la perpétuité pour quatre d’entre eux et ã des peines très lourdes de prison pour les autres, l’ampleur de la mobilisation a été rendue possible grâce au travail du Comité. En pleines vacances d’été de l’hémisphère austral, les soutiens des travailleurs du pétrole ont mené d’arrache-pied une campagne de dénonciation de la politique répressive du gouvernement et ont pu recueillir, ã travers une pétition l’appui de milliers de militants et de dirigeants syndicaux, d’élus et d’intellectuels argentins de premier plan.
Retour sur les faits : la grève de 2006
Les travailleurs ont été condamnés pour la mort du policier Sayago lors des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre dont la petite ville de Las Heras, en Patagonie argentine, a été le théâtre, le 6 février 2006. A cette époque, les travailleurs ont entamé une lutte très dure contre la vie chère, pour la suppression d’un impôt au salaire et pour l’encadrement des travailleurs sous-traitants dans la convention collective du pétrole. C’est dans ce cadre que la police et la justice décident d’incarcérer le dirigeant des grévistes alors qu’il sort des locaux d’une radio locale où il vient d’être interviewé. S’ensuit une mobilisation déterminée des travailleurs du pétrole et des habitants de Las Heras, pour obtenir sa libération. La manifestation tourne rapidement à l’émeute et se transforme en un véritable soulèvement populaire dans toute la ville. C’est au cours des affrontements contre les forces de l’ordre qui répriment durement les manifestants que Sayago est tué.
Un procès parfaitement scandaleux monté de toutes pièces
La procédure judiciaire contre les neuf travailleurs accusés du meurtre a été émaillée de manquements graves, même compte-tenu de ce qu’est la justice bourgeoise, vis-à-vis du respect des droits de l’homme. L’intention du parquet n’était pas de juger pour la mort du policier mais de juger directement le conflit social de Las Heras. Aucune preuve n’a été apportée pour démontrer la culpabilité des travailleurs si ce n’est des témoignages arrachés sous la torture. Le procureur de Caleta Oliva, où a eu lieu le procès, l’a d’ailleurs lui-même reconnu : « pour connaître la vérité, parfois, il faut s’éloigner de la légalité ». Le juge, de son côté, a condamné en première instance les travailleurs pour avoir eu recours à la grève, l’occupation et barrages routiers, des méthodes considérées comme « violentes ».
Un énorme soutien lors de la conférence de presse du 4 février
La condamnation des travailleurs n’a pas entamé la détermination de leurs soutiens qui ont immédiatement répondu par une pétition internationale et l’organisation d’une journée mondiale de manifestation qui devait avoir lieu le 5 février.
La pétition a eu un écho énorme, avec l’adhésion de nombreuses personnalités de premier plan qui ne l’ont simplement signé mais ont également milité activement dans le cadre de la campagne. C’est ainsi que l’on pouvait lire, au bas du texte, les signatures du prix Nobel de la Paix Adolfo Pérez Esquivel, des Mères de la Place de Mai Nora Cortiñas, Mirta Baravalle et Elia Espen, de l’historien Osvaldo Bayer ou du secrétaire général de la CTA Hugo Yasky. La pétition était également portée par des centaines d’organisations politiques, syndicales, sociales et de défense des droits de l’homme. Pour présenter la pétition et appeler à la manifestation du 5, une conférence de presse a été organisée, la veille, dans l’enceinte du Congrès de la Nation, en présence de plusieurs députés, élus, militants syndicaux lutte de classe, comme le délégué du métro de Buenos Aires Claudio Dellecarbonara, de Pepsico et de Kraft ainsi que des membres de la Commission.
« Tant que vous serez debout, aucun travailleur n’ira en prison ! »
La manifestation du 5 ã Buenos Aires a été massive. On pouvait voir en tête de cortège les Mères de la Place de Mai, le prix Nobel de la Paix Adolfo Pérez Esquivel, différentes organisations de défense des droits de l’homme et d’anciens détenu-e-s politiques de la dictature comme le CeProDH, Ex-detenidos ou Correpi, les députés du FIT, Nicolás del Caño, Néstor Pitrola et Pablo López, ainsi que des députés régionaux comme Christian Castillo, Marcelo Ramal et Angélica Lagunas, du FIT, Alejandro Bodart et Vilma Ripoll, du MST, ou Gustavo Vera, d’UNEN.
Derrière, des milliers de jeunes, d’étudiants, de travailleurs, accompagnés de leurs organisations syndicales, politiques et sociales, manifestaient leur solidarité. Ce soutien, pour certains, plongent ses racines dans une pratique systématique de la solidarité de classe à l’instar des travailleurs de Donnelley (industries graphiques) qui manifestaient ã Buenos Aires mais qui avaient déjà débrayé le jour du jugement, une heure par équipe. C’est ce qui montre également que le mouvement syndical antibureaucratique est l’un des protagonistes de cette lutte pour l’acquittement des travailleurs de Las Heras qui sont aujourd’hui en liberté conditionnelle en attendant le jugement en appel. C’est ce qui a permis ã Ramón Cortés, l’un des travailleurs condamnés à la prison ã vie, de conclure son discours, à la fin de la manifestation, en soulignant en direction des manifestants que « tant que vous resterez debout, aucun travailleur n’ira en prison ».
09/02/14
Des rassemblements devant les ambassades d’Argentine aux quatre coins du monde
[Rassemblements devant l’ambassade argentine ã Paris]
La campagne de soutien a également été lancée au niveau international. Elle a notamment été signée par le sociologue étasunien James Petras, la conseillère de Seattle de Socialist Alternative Kshama Sawant, par le député travailliste John McDonnell, par Alex Callinicos pour la direction du SWP anglais, par Ulla Jelpke, l’une des porte-paroles de Die Linke au Bundestag allemand, Paul Murphy, eurodéputé irlandais du Socialist Pary, mais également, en France, par Michael löwy, Alain Krivine, Olivier Besancenot, Philippe Poutou, Nathalie Artaud, Arlette Laguiller, Mickael Wamen ou encore par Xavier Mathieu.
Le 5 février, jour de la manifestation ã Buenos Aires, des rassemblements étaient organisés devant les ambassades et consulats d’Argentine ã Santiago du Chili et ã Valparaíso, ã Mexico, ã Montevideo, Barcelone, Madrid, Berlin, Athènes et Paris.
Devant l’ambassade d’Argentine, située prés du Trocadéro, ã Paris, 70 personnes se sont rassemblé. A l’appel du Comité d’Appui aux Luttes du Peuple Argentin (CALPA), du NPA et de Lutte Ouvrière, ce rassemblement a été l’occasion de déposer à l’ambassade une pétition signée par des dizaines de personnalités syndicales, politiques et intellectuelles. Un comité de soutien a été créé pour continuer ã récolter des signatures et pour organiser de nouvelles actions si cela s’avérait nécessaire. Partout dans le monde patrons et gouvernants cherchent ã criminaliser les mouvements sociaux pour dissuader les travailleurs et les couches populaires de résister aux conséquences de la crise. C’est pourquoi la solidarité internationaliste face à la répression est plus que jamais nécessaire !
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