A Nantes, la tradition anarcho-syndicaliste fait qu’on déclare la manifestation et son parcours mais qu’on ne demande pas d’autorisation à la préfecture. Résultat des courses : les CRS se sont donc installés sur le parcours d’une manifestation massive pour la bloquer au bout d’un kilomètre. Surtout dès le départ de la manifestation des canons ã eaux blindés derrières des grilles sont installés ã quelques mètres des manifestants. La petite tourelle du canon ã eau pointe alors en permanence les manifestants - sans tirer - pendant que les CRS lancent des grenades assourdissantes et des pétards très régulièrement. Tout cela évidemment sous l’œil d’un hélicoptère volant en permanence ã basse altitude et prenant des photos. La stratégie de la tension et de la provocation policière est évidente, on voit d’ailleurs rapidement que des familles avec poussettes craquent et partent, des enfants pleurent. Les plus pacifiques des manifestants n’ont qu’une seule envie : rentrer dans ce dispositif répressif alors que la manifestation est alors parfaitement bon enfant.
D’autant plus que les manifestants sont nombreux : 20 000 selon la police – seul chiffre reprit dans les médias – mais sans doute bien plus proche des 50 000 personnes, soit plus que pour la manifestation de réoccupation de la ZAD du 17 novembre 2012. Des politiciens de premiers plans sont là , interviewés par des caméras : Mélenchon ou Jean-Vincent Placé qui disparaîtront dès que la manifestation se mettra en marche. Philippe Poutou est également présent mais n’apparaîtra dans aucun journal télévisé.
Sur ce qui s’est passé ensuite, les médias et les politiciens de la bourgeoisie sont unanimes : une bande de « casseur d’ultra-gauche » a saccagé Nantes. Soyons clair, c’est simple : c’est un mensonge. Les destructions se résumaient ã : la vitrine d’une boutique Vinci, une façade de commissariat repeinte, deux engins d’un chantier Vinci brûlé, des impacts sur une BNP, une agence de voyage et une pharmacie, et 4 abris bus brûlés. Voilà le cortège de dévastations décrit par nos médias. Et personne ne pourrait dire vraiment qui a brûlé les abris bus ou les engins de chantiers. Le lendemain toutes les traces de la manifestation avaient disparu à l’exception de la vitrine Vinci. A aucun moment la police n’est intervenu pour tenter d’empêcher les dégradations ou procéder ã des interpellations. Dès le lendemain pourtant la mairie organise des poursuites judiciaires et appellent les commerçant ã faire de même – notamment dans Ouest-France.
Pourtant pendant la manifestation, la vie continue comme à l’ordinaire et la population profite du soleil pour boire en terrasse ou faire ses courses dans ce centre-ville devenu digne du Marais parisien par sa richesse et ses magasins, et cela ã 50 mètres de la manifestation.
Le chiffre du millier de « black block » avancé par le ministère de l’intérieur est tout simplement ridicule même si beaucoup de manifestants ont tenus tête aux CRS qui ont utilisé une véritable armada de blindés lanceurs d’eau – au moins cinq utilisés pendant plus de deux heures. Les CRS n’ont d’ailleurs pas véritablement chargés, ils se sont contentés d’un nuage continu de lacrymo tirés de très loin par des grenades ã fragmentations sans précisions et tombant de très haut. Bien sûr, les CRS ont arrosés sans discrimination, y compris des manifestants cherchant ã partir.
Surtout, l’usage également continu de flashballs et de grenades assourdissantes a blessé un jeune manifestant pourtant éloigné des affrontements et qui n’y participait pas. Le médecin cité par Médiapart parle de flashball. Ce jeune charpentier qui a perdu son œil, aucun média – à l’exception de Médiapart – n’en parle. En revanche, les chiffres de 27 membres des forces de police admis au CHU, sont abonadmment cités, sans plus de détails – peut être pour des entorses après avoir glissés sur les douilles de leurs projectiles ? Deux autres manifestants dont un photographe ont été blessés par des flashballs.
Le message politique le plus clair n’a pas seulement été délivré par le premier Ministre, le ministre de l’Intérieur qui ont parlé de violences inadmissibles – sans évoquer celles de la police - mais par le préfet de Loire-Atlantique qui explique que les associations d’opposants sont devenues « la vitrine légale d’un mouvement armé »….on cherchera vainement des armes autres que les pavés et les feux d’artifices sur les photos prises ce jour-là . L’idée du gouvernement est de diviser le mouvement et cela marche, certaines associations demandant ã ce que les « violences » soient dénoncées avec plus de vigueur.
Rappelons que les Verts participaient officiellement ã cette manifestation, même si plusieurs pancartes les dénonçaient comme des « jaunes ». Nous citerons Julien Durand, porte-parole de l’Acipa, principale association de lutte contre l’aéroport : « L’unité de l’action et de l’opposition se vit tous les jours sur la zone. Nous sortons de six mois d’occupation militaire, qui a occasionné la destruction de maisons, d’outils de travail, la pression militaire sur les habitants de la zone. J’appelle ã mettre à leur juste place les dégradations matérielles de samedi par rapport aux préjudices physiques que nous avons connus. Parmi nous, certains ont perdu un œil et ont eu des orteils arrachés. »
La préfecture de Loire-Atlantique a publié fin 2013 les décrets nécessaires à l’ouverture des travaux mais aucune intervention n’est attendue sur le terrain avant les imminentes élections municipales et européennes. La lutte continue. Cette manifestation, malgré la violence et la tension créée par les forces répressives de l’État bourgeois, n’ont pas empêché une masse de plus en plus importante de se déplacer.
25-02-2014
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