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Mobilisations des intermittents et précaires contre le nouvel accord sur l’UNEDIC
par : Pierre Reip

02 Apr 2014 | Dans le climat social ambiant des plus moroses, la mobilisation des intermittents et précaires contre le nouvel accord sur l’assurance chômage (UNEDIC) détonne. L’esprit de 2003 semble renaître. La mobilisation des travailleurs du monde du spectacle et des arts, sans précédent depuis 1968 avait alors conduit (entre autres…) à l’annulation du festival (...)
Mobilisations des intermittents et précaires contre le nouvel accord sur l’UNEDIC

Dans le climat social ambiant des plus moroses, la mobilisation des intermittents et précaires contre le nouvel accord sur l’assurance chômage (UNEDIC) détonne. L’esprit de 2003 semble renaître. La mobilisation des travailleurs du monde du spectacle et des arts, sans précédent depuis 1968 avait alors conduit (entre autres…) à l’annulation du festival d’Avignon et permis le maintien du régime des intermittents, sans pour autant pouvoir empêcher un recul [1] des droits.

La mobilisation de cette année, commencée à la mi-février est importante. Les trois manifestations du 27 février, du 12 et du 20 mars ont rassemblé chaque fois plus de 10.000 personnes. Elle jouit d’un soutien populaire non négligeable et l’occupation de l’Opéra pendant les négociations (jeudi 20 et vendredi 21 mars), ainsi que celle du Carreau du temple [2] lors du week-end du premier tour des élections municipales ont contribué ã sa médiatisation.

Les nouvelles négociations autour de l’assurance chômage -qui ont lieu tous les trois ans- ont mis le feu aux poudres. Celles-ci ont débouché vendredi 21 mars vers minuit sur un accord scélérat, signé par la CFDT [3], FO et la CFTC. La CGT et la CFE-CGC ont pour leur part refusé de parapher le document. La CGC a même annoncé qu’elle retirait sa signature du Pacte de Responsabilité pour protester contre ce nouvel accord qu’elle juge « défavorable aux classes moyennes ». Michel Sapin a salué « la responsabilité dont ont fait preuve les négociateurs » (syndicats et organisations patronales). Aurélie Filippetti qui clame défendre les intermittents a quant ã elle « salué cet accord des partenaires sociaux » en annonçant que le régime des intermittents était sauvé… « grâce à la mobilisation du monde de la culture »…

Derrière ce morbide concert de louanges qu’en est-il de l’accord ?

Les annexes 8 et 10 concernant les 110000 intermittents sont certes maintenues…mais de nouvelles négociations sont prévues à la fin de l’année et le MEDEF entend bien les supprimer pour de bon. Il ne s’agit donc que d’un maigre sursis…tout le reste n’est qu’attaques que le patronat justifie en faisant valoir le déficit de 4 milliards d’euros de l’UNEDIC, dont il est l’unique responsable, en licenciant ã tour de bras depuis des années…pour atteindre aujourd’hui un nombre d’allocataires de l’assurance chômage supérieur ã 2,2 millions, tandis qu’au moins autant d’autres chômeurs en fin de droit ou effacés des décomptes officiels ne touchent aucune indemnité.

La « grande avancée » brandie par Véronique Descacq de la CFDT pour justifier sa signature est l’extension des droits rechargeables à l’ensemble des chômeurs. A condition d’avoir retravaillé 150 heures, les chômeurs en fin de droit pourront être « rechargés », c’est-à-dire continuer ã toucher l’assurance chômage. Cette mesure conduira les chômeurs de longue durée ã accepter n’importe quel travail afin de pouvoir ã nouveau toucher leurs indemnités. C’est loin d’être la panacée. Cette mesure coûterait 400 millions d’euros au patronat, qui simultanément s’octroie 800 millions d’économies sur le dos des intérimaires, des intermittents, des séniors et des cadres :

 Dorénavant il faudra attendre 180 jours (six mois) au lieu de 75 pour toucher ses indemnités en cas de rupture conventionnelle d’un contrat de travail (hors licenciement économique). Cette mesure poussera les employeurs, rétifs ã concéder un chèque équivalent ã six mois de salaire, ã multiplier les licenciements pour faute grave sans fondement, ce qui ne laissera d’autre recours aux salariés que de se tourner vers les prud’hommes. Autant dire, si l’on considère les temps de procédure, que peu de dossiers aboutiront en des temps ã peu prés « normaux ».

Pour les intérimaires :

 Le système d’activité réduite (cumul d’un travail précaire avec des allocations) est remis en cause et les indemnités sont limitées ã 70% du salaire antérieur. Le régime spécifique des intérimaires (annexe 4) est vidé de son sens et leurs droits sont alignés au régime général. Ils perdraient en moyenne 20% de leurs allocations selon la CGT.

Pour les intermittents :

 Le taux des cotisations salariales et patronales passera de 10,8 ã 12,8%, ce qui entrainera une perte de salaire nette de 0,7 ã 0,8% selon la CGT spectacle et mettra en difficulté les petites compagnies.

 Le différé d’indemnisation pour les artistes et les techniciens est rallongé.

Pour les séniors :

 Les salariés de 65 ans et plus devront cotiser à l’assurance chômage.

Pour les cadres en particulier :

 Un plafond de 5475 euros est instauré pour cumuler salaire et allocations.

 Le taux de remplacement du salaire passe de 57,4 ã 57% pour les revenus supérieurs ã 2000 euros.

Ces mesures ne permettront en rien d’équilibrer le déficit de l’assurance chômage, mais sont un nouveau cadeau au patronat, sur le dos des plus précaires et des chômeurs. La meilleure façon de résoudre le problème est d’en finir avec les licenciements et de garantir un emploi pour tous ! Ce n’est pas aux salariés et aux précaires de renflouer un déficit causé par les patrons !

Dans ses différents communiqués, la Coordination des Intermittents et Précaires d’île de France (CIP IDF) -qui se réunit régulièrement en AG- rejette l’accord dans son ensemble et dénonce les conditions antidémocratiques dans lesquelles il a été signé, sous le haut patronage du MEDEF. Elle exige la reprise des négociations dans un lieu neutre, demande au gouvernement de ne pas agréer l’accord et réclame le droit de pouvoir disposer d’une salle pérenne ã Paris.

Leurs revendications ne sont pas simplement défensives puisque les intermittents exigent le retour aux 507 heures en 12 mois [4] et que la Plateforme revendicative du comité de suivi regroupant syndicats (CGT spectacle, sud culture), associations, collectifs (CIP IDF) soit discutée.

Cette mobilisation des intermittents est exemplaire car non corporatiste. Les intermittents se font les portes voix de l’ensemble des précaires. L’auto-organisation et la coordination dont font preuve les intermittents qui se réunissent régulièrement et dans toute la France dans des AGs pouvant attendre 300 personnes comme le jeudi 20 mars à l’Opéra, ainsi que la radicalité des modalités d’action (occupations, manifs sauvages) sont elles aussi remarquables.

Ainsi, c’est en AG à l’opéra de Paris le soir du 21 mars qu’intermittents et précaires ont décidé d’occuper le Carreau du Temple. Dès samedi après-midi gardes mobiles et CRS ont entouré le Carreau du temple avec un dispositif policier de grande ampleur (Photos) ne laissant entrer et sortir personne, et n’hésitant pas ã agresser des occupant-e-s, qui ont été expulsés manu militari quelques heures après les résultats du premier tour des élections municipales, le lundi matin 24 mars au matin. Anne Hidalgo avait auparavant accueilli les intermittents venus lui rendre visite dans son QG de campagne avec les CRS. La Mairie de Paris et le gouvernement PS ont encore une fois montré qu’ils étaient les meilleurs exécuteurs des basses œuvres du MEDEF.

Le mouvement des intermittents n’a pas dit son dernier mot. Des actions ont eu lieu depuis le 23 mars dans toute la France et une manifestation est prévue ã 11h30 le 4 avril au Trocadéro. Espérons que la mobilisation puisse fédérer d’autres secteurs. Rendez-vous le 12 avril avec les autres secteurs en lutte (notamment postiers et enseignants) !

31/04/14

 
 
  Video: http://www.youtube.com/watch?v=hn0Zysk_y8Y

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