Alors que le gouvernement bat des records d’impopularité, le Front de Gauche (FdG) n’a pas capitalisé le légitime mécontentement contre la politique néo-libérale menée par François Hollande. Pourquoi ? Pourquoi cet espace électoral a été majoritairement occupé par l’abstention ? Les élections municipales ont montré mieux que toute autre chose la faiblesse stratégique du projet porté par le FdG.
Fort du troisième réseau d’élus locaux après le PS et l’UMP, le PCF jouait une fois de plus sa survie financière lors de ces municipales. En effet, à la différence des autres partis, la moitié du budget du PCF provient des contributions des élus. Durant toute la campagne électorale, le PCF et le PG -les deux principales forces du FdG- se sont déchirées. Le PCF se présentant en liste commune dès le 1er tour avec le PS, et ce pour moitié dans les trente plus grandes villes de France. Le PG, quant à lui, a préféré maintenir son autonomie au premier tour en recherchant des alliances avec le partenaire mineur de la majorité gouvernementale, Europe Ecologie – Les Verts (EELV).
L’érosion croissante de la bureaucratie du PCF
Lors de ces élections, le PCF et ses apparentés ont perdu un certain nombre de bastions historiques tels Bagnolet, Bobigny ou Saint-Ouen, des villes communistes depuis la fondation du parti en 1920. Au total, le PCF gère désormais 133 mairies de plus de 3 500 habitants (contre 185 en 2008), 62 de plus de 10 000 habitants (contre 81 en 2008), 21 de plus de 30 000 habitants (contre 28 en 2008). Ainsi, si le PCF demeure la force municipale hégémonique à la gauche du PS, il fait les frais de l’abstention massive de l’électorat de gauche et poursuit son érosion. Lors de cette échéance électorale, ce déclin a atteint 25 ã 30 %, soit le plus fort taux de défaites depuis les années 80.
Traditionnellement, lorsque le PC perdait une municipalité, celle-ci tombait dans l’escarcelle socialiste. Mais cette fois-ci, une majorité des pertes a profité à la droite plutôt qu’aux socialistes. Face au PS assumant l’impopulaire politique gouvernementale, le PCF a certes perdu des mairies comme Bagnolet ou Vaulx-en-Velin, mais a su résister à l’offensive menée ã Saint-Denis ou Gardanne et reprendre Aubervilliers. A Nîmes, par exemple, la liste FdG menée par le PCF, réalise 12 % des voix au premier tour derrière le PS (15 %), qu’elle double au second tour avec 15 % contre 14 % au parti gouvernemental. Lorsque le PCF a assumé la confrontation avec le PS, il en a recueilli les fruits. Les principales défaites du PCF ont eu lieu dans les localités où il représentait la majorité de gauche ã Aubagne, au Blanc-Mesnil, ã Bobigny ou ã St-Ouen. Autrement dit, lorsque le PCF a participé au « rassemblement » de la gauche dans sa totalité, faisant cause commune avec l’ennemi des travailleurs qu’est le PS, il a partagé son discrédit et perdu de nombreuses municipalités.
Si les alliances du PCF avec le PS ne datent pas d’aujourd’hui, la situation du PCF est telle que celui-ci ne peut pas échapper ã cette logique mortifère qui le rend dépendant du PS, alors que c’est -en partie- cette même dépendance qui le mine.
Cependant, l’explication première de la situation difficile du PCF que nous venons d’évoquer est ã chercher du côté de son fonctionnement et de son orientation politique. En effet, le PCF est d’une part incapable de mobiliser véritablement les classes populaires des villes qu’il dirige, notamment ã cause de sa gestion bureaucratique -qui consiste ã pratiquer des redistributions clientélistes- fortement entravée par la baisse des budgets de l’Etat versés aux collectivités locales pour cause de crise de la dette.
Mais d’autre part, la gestion pro-patronat et sécuritaire, notamment ã St-Ouen, contre les intérêts de sa propre base sociale, est un élément déterminant pour expliquer sa déroute dans plusieurs villes.
Les espoirs et les mirages du PG
Le PG a choisi la ligne politique de l’autonomie au premier tour à l’égard du PS. Sans implantation locale extrêmement développée, il a obtenu des résultats limités ã Paris (5,1 %), Toulouse (5,1 %), Lille (6,2 %) ou Bordeaux (4,6 %) en-deçà des résultats de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle de 2012, mais supérieurs aux scores de la LCR aux élections municipales en 2008. A Paris, Toulouse ou Lille, contrairement aux volontés du PG, le PS a refusé la fusion des listes. Ainsi obligée de se maintenir au second tour contre la liste socialiste, la liste PG a eu un résultat significatif dans le 20ème arrondissement de Paris (13,7 %). Les résultats du PG n’ont pas connu de résultats à la hauteur des espérances de Jean-Luc Mélenchon parvenant ã concurrencer le PS dans un nombre limités d’endroits seulement.
Les envolées lyriques mélenchoniennes sont souvent éloignées de la réalité, en tentant de généraliser la victoire ã Grenoble où sous la direction d’un militant EELV, ancien cadre licencié pour s’être opposé ã un plan social, la liste EELV / PG a emporté la mairie. Ainsi, Eric Coquerel, secrétaire national du PG, affirme au lendemain du premier tour que le score de listes EELV / PG « renforce la crédibilité de l’opposition de gauche » ; le même proclamant au soir du second tour, sur la base des résultats grenoblois une nouvelle majorité de gauche incluant les écologistes. Pourtant, si EELV est sorti du gouvernement, il ne se revendique pas d’ « une opposition de gauche » et s’affirme par la voix de sa secrétaire nationale Emmanuelle Cosse dans la majorité présidentielle et non dans « une opposition stérile », déclarant au Monde que « l’idée d’un grand soir contre un PS hégémonique versus une nouvelle gauche vertueuse et formidable est un doux rêve ». Le parti vert s’est d’ailleurs abstenu face ã plusieurs contre-réformes que le gouvernement Ayrault a promulgué : l’Accord National Interprofessionnel qui facilite les licenciements ou la réforme des retraites qui allonge la durée de cotisation pour l’ensemble des travailleurs. Quelle opposition peut être construite avec un parti qui n’en veut pas ?
10/04/14
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