Dans une salle bondée et pendant presque six heures, les représentants des différents secteurs de travailleurs des Rencontres du syndicalisme combatif de la banlieue nord de Buenos Aires ont vivement débattu. La réussite de la rencontre, qui s’est achevée par le vote de nouvelles résolutions, a été portée par les ouvriers nombreux et déterminés, fruit de plusieurs semaines de débats, d’assemblées dans les usines et d’actions antérieures, organisés en vue de cette large rencontre ouvrière.
La rencontre
Lorsque les colonnes ouvrières ont commencé ã affluer sur le lieu, les camarades de Donnelley se sont fait remarquer par leur cortège de 130 travailleurs. Leurs banderoles bordeaux, leurs chants et leur de lutte en ont fait des acteurs centraux lors de cette rencontre. Il s’agit d’une usine d’un peu plus de 300 travailleurs, ayant mené un nombre considérable d’assemblées générales, d’actions de diffusion, qui a réussi ã inciter plus d’un tiers de sa base ã se mobiliser après être entrée en conflit avec la direction patronale. Ils sont arrivés accompagnés des camarades de Printpack (industrie graphique) et de sa commission interne [1]. Derrière eux arrivaient les camardes de l’Alimentation : les très représentatifs Kraft, Pepsico, et Stani entre autres, qui, lors des commissions, ont organisé une réunion exceptionnelle avec 120 travailleurs pour discuter des problèmes qui subissent ces camarades.
Arrivèrent ensuite des camarades du SMATA [2], puis une délégation des camarades de Lear et sa commission interne accompagnant les délégués persécutés de Volkswagen. Puis, ce sont les camarades de Gestamp dont les travailleurs licenciés sont sur le pied de guerre, suite ã des luttes récentes et intenses. Enfin, d’autres activistes du secteur automobile et derrière eux, les délégations de SHELL, de CALSA d’Avellaneda, et des céramiques Neuquen, toujours en lutte. Issus de la zone industrielle de Pilar, des membres d’Unilever, de Procter & Gamble, ainsi qu’une importante délégation du FATE – malgré l’absence du SUTNA San Fernando [3] -refusant de participer ã cette rencontre- été également présents. Sont arrivés de Campana des travailleurs de SIDERCA [4], et des centaines d’autres qui commencent ã s’organiser dans nombre d’usines de pièces détachées automobiles, de caoutchouc, de plastique, métallurgiques… Environ cent travailleurs enseignants du SUTEBA de Tigre, de San Martín, de General Sarmiento et d’Escobar ont également participé.
Les commissions internes combatives, telles ceux de Donnelley, Pepsico, Lear, Printpack, du SUTEBA tigre, Kraft, entre autres, se sont retrouvés sur la tribune, accompagnés des représentants des différents secteurs.
Interventions
Du haut de la tribune, les porte-parole du mouvement ouvrier sont intervenus. Javier « poke » Hermosilla- membre de la commission interne de Kraft -, prend le premier la parole, et expose les raisons de la rencontre. Il s’agit notamment de la nécessité de se réunir et de construire l’unité dans les luttes. Il faut, dit-il, prendre le contre-pied des direction patronales, des bureaucraties syndicales, et du gouvernement. Il fait référence notamment à la déclaration faite par Cristina Kirchner, lorsque, accompagnée du secrétaire générale du SMATA Pignanelli, elle a eu le culot de déclarer que les syndicats en révolte s’attaquent directement au gouvernement, mais pas aux entreprises. C’est pourtant ce même Pignanelli qui donne son aval aux licenciements de Gestamp ou de VW. Javier cite encore la CGT de Caló [5] , où les bureaucrates défendent Massa [6], et poussent au renvoi des activistes – dans les usines Shell et Kromberg, par exemple. Chacune des interventions de la tribune concernait l’organisation de la lutte, dont la conclusion centrale a été le vote des résolutions qui suivent. La contribution du camarade Jorge « loco » Molina, de Donnelley, porte sur les expériences d’auto-organisation, de lutte et de débat politique qui ont été menées dans son usine, afin de les diffuser et développer un activisme conscient. La conclusion de cette partie de la rencontre arrive avec Alfredo Cáceres, secrétaire général de SUTEBA Tigre. Tous les intervenants ont insisté sur l’offensive menée par les patrons et les bureaucraties syndicales contre le prolétariat. Les licenciements de Gestamp, de Kromberg, de VW en sont la preuve. Ils ont insisté sur la nécessité de faire de la banlieue Nord un espace inaccessible aux attaques patronales, de catalyser les forces déjà en action qui commencent ã agir comme un seul homme. S’ils s’en prennent à l’un d’entre nous, ils s’attaquent ã nous tous ! L’un des exemples cités par les orateurs a été le piquet de grève commun qui ont monté des activistes des différentes usines devant Volkswagen. Le rassemblement de plus de trois cents ouvriers a fait échouer une nouvelle attaque d’un gang du SMATA.
Suite à la prise de parole par une partie de la tribune, Les portes-paroles nationaux de la Rencontre du syndicalisme combatif, dont dont Rubén « Pollo » Sobrero (cheminots). Claudio Dellecarbonara (travailleur du métro) cède sa place pour permettre l’intervention de la camarade Lorena Gentile (Commission interne de Kraft) au nom des centaines de femmes ouvrières présentes en cet instant.
Ce sont ensuite les porte-parole des luttes de Gestamp, de Kromberg, de Calsa, de cerámica Neuquén, de Shell, de VW Pacheco et Córdoba (qui rapportent les persécutions dont sont victimes les camarades de l’usine métallique de Valo). Puis, différentes commissions se sont réunies.
Résolutions
Des centaines d’interventions ont alimenté le débat autour de dizaines d’expériences, donnant progressivement forme aux résolutions votées par la suite. La commission de l’alimentation, avec 120 travailleurs, a préparé une série de résolutions spécifiques à leur secteur qu’ils ont ensuite proposées au vote.
Après le débat, des dizaines de coordinateurs se sont approchés de la tribune pour donner lieu aux votes. En déterminant les différentes actions ã mener pour avancer dans le processus de lutte des classes, contre le patronat et contre le gouvernement -ce dernier cherchant ã se défausser sur nous du poids de la crise économique- les résolutions furent un moment clé de la journée.
Entre-temps, d’autres dirigeants parmi les organisations politiques ayant appelé au rassemblement prirent la parole. Parmi eux, Juan Carlos Giordano pour IS, et le député du PTS ã Buenos Aires, Christian Castillo.
1- L’une des premières résolutions votées a été d’approfondir la campagne contre les licenciements à l’usine Gestamp, de dénoncer la militarisation du conflit, et de participer au rassemblement prévue devant l’usine ã 7h du matin pour mardi prochain, ainsi que l’avait décidé l’assemblée des licenciés.
2- Dans le secteur de l’alimentation, où se mène une négociation paritaire [7], une manifestation a été prévue le 3 juin, en direction des bureaux de la FTIA et du STIA [8] pour exiger qu’aucun accord ne soit signé sans qu’un vote en amont dans les assemblées détermine les pourcentages ã négocier et un plan de lutte solidaire avec les travailleurs de CALSA.
3- De même, elle a adopté la proposition des camarades de Donnelley et d’Unilever, visant ã organiser un rassemblement massif aux portes de leurs usines, avec pour double objectif de répondre aux menaces de licenciement et d’obtenir la satisfaction de leurs exigences, parmi lesquelles, la fin du travail le samedi.
4- Parmi les autres résolutions votées à l’unanimité : mise en place d’une campagne de résistance ã aux attaques menées à la fois par la bureaucratie du SMATA et son gang contre les délégués indépendants de VW et de camarades de Gestamp et Lear. Par là est revendiqué le droit des travailleurs ã se défendre face aux attaques menées par la bureaucratie syndicale ; ceux-là mêmes qui sont responsables de l’assassinat de Mariano Ferreyra et qui ont collaboré avec la dictature militaire.
5- Fut aussi votée la solidarité avec le camarade Franco Villalba- membre de la comission interne- d’ALICORP, attaqué par le patronat et les jaunes du syndicat.
6- Suite à la grande grève générale du 10 avril dernier, les participants aux Rencontres se sont prononcés contre la trêve des centrales syndicales d’opposition. Ils exigent une grève de 36 h avec une mobilisation vers la Plaza de Mayo, visant ã que la crise ne soit pas payée par les travailleurs mais par les patrons.
7-Parmi les différentes résolutions, a été voté le plan d’action contre les projets de loi du gouvernement qui interdisent les blocages de routes, pour l’acquittement et la libération des travailleurs du pétrole de Las Heras, la participation à la manifestation du 17 juin en direction de la Plaza de Mayo.
8-Dans cette perspective, a également été adopté l’appui aux projets menés par les députés du FIT, concernant l’interdiction du chômage technique et des licenciements, la gratuité des transports pour les étudiants, et un projet commun avec d’autres groupes parlementaires (développés par l’EMVJ [9]) contre la criminalisation des luttes et l’arrêt de tous les poursuites judiciaires de tous les milittants.
9-Une résolution a établi le caractère indépendant et d’opposition de la rencontre vis-à-vis de toutes les ailes de la bureaucratie syndicale ; que ce soient ceux qui soutiennent le gouvernement (la CGT de Caló, la CTA de Yasky), ou bien les « opposantes » des CGT Moyano et Barrionuevo, la CTA de Micheli.
10-Par ailleurs, il a été question de poursuivre les efforts pour organiser de nouvelles Rencontres à l’échelle nationale et de multiples Rencontres régionales rassemblant les secteurs antibureaucratiques et combatifs.
11-Pour conclure, il y a eu un débat sur la nécessité de l’unification des conflits en cours (Gestamp, Calsa, Shell, Cerámica Neuquén, etc.), où fut adopté à l’unanimité une journée nationale de piquets de grève et une nouvelle manifestation vers la Plaza de Mayo.
Ce sont donc quelques-unes des résolution votées, qui montrent la position combative des travailleurs et la nécessité d’une réponse concrète aux attaques du patronat. Ces mesures ont été encadrées par résolution de lutte pour un plan d’action national contre l’austérité et pour percer le plafond que veulent imposer le gouvernement, les gouverneurs et les patrons lors des négociations salariales.
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