Par Quentin GIRARD (envoyé spécial ã São Paulo)
Assemblée des grévistes du métro de São Paulo, le 8 juin. (Photo Reuters)
CHRONIQUE DU CONTRE MONDIAL
Felipe Guarnieri, 28 ans, est l’un des grévistes. Ils exigent un réajustement salarial, et se disent prêts ã continuer.
Felipe Guarnieri a 28 ans. Engagé au Ler-Qi, Liga Estratégia Revolucionária - Quarta Internacional, un petit mouvement trotskiste, il a décidé, après des études de sciences sociales ,de travailler au métro de São Paulo pour l’engagement politique fort qui y existe. Il est actuellement délégué syndical de la station Santa Cruz.
Pour cette première chronique du contre mondial, vue par les manifestants eux-mêmes, Felipe Guarnieri nous parle de la grève en cours dans le métro de la ville la plus peuplée du Brésil.
« Les revendications ont commencé en mai. Au départ, le syndicat réclamait 35% d’augmentation, notamment pour faire reconnaître la pénibilité de notre travail. Pour le moment, le gouvernement de l’Etat de São Paulo, qui est du PSDB, Parti de la social-démocratie brésilienne, ne propose que 8,7%. Nous voulons au moins un peu plus de 10% d’augmentation, qui est pour nous une barre symbolique. Mais le salaire n’est pas tout, nous voulons vraiment aussi de meilleures conditions de travail. La majorité d’entre nous gagne entre 600 et 3 000 reais par mois (entre 200 et 1 000 euros), il n’y a pas de plan de carrière, le boulot est très dur. Le monde entier nous regarde mais si on ne trouve pas une solution, nous sommes prêts ã continuer, même pendant les matchs.
« Dimanche, il y a eu une grande assemblée générale, plus de 2 000 employés du métro sont venus et nous avons décidé ã une large majorité de continuer ã manifester lundi, malgré les risques. Un juge a déclaré que la grève était illégale, du coup, le syndicat du métro risque plus de 500 000 reais par jour d’amende par jour (163 000 euros). On a l’impression de ne plus avoir le droit de faire grève, de ne plus vivre en démocratie et que les juges sont complètement liés au parti au pouvoir. La seule politique de négociation est la répression.
« Cette nuit nous allons construire des barricades dans le métro, pour empêcher que la direction fasse repartir les lignes. Ensuite, nous irons manifester dans la rue. Vendredi, à la station Ana Rosa, les policiers sont intervenus violemment, six personnes ont été blessées et un leader syndical a été arrêté.
« D’ordinaire, les gens ã São Paulo ne supportent pas vraiment les grèves, mais cette fois-ci je crois qu’ils sont plutôt solidaires. Nous donnons de la visibilité ã un vaste mouvement social qui a commencé il y a plus d’un an. Ce n’est pas que nous, ce sont aussi les éboueurs, les universités, etc. Il y a en permanence des manifestations, un mouvement général de colère. Des milliards de réais ont été dépensés pour les infrastructures de la Coupe du Monde, nous voulons la même chose pour l’éducation, la santé, les transports en commun.
« Depuis que le Parti des Travailleurs est au pouvoir, il a montré qu’il n’hésitait pas ã s’allier avec les partis de droite localement et ã mettre en place une politique surtout favorable aux patrons. »
Recueilli par Quentin Girard, envoyé spécial ã São Paulo.
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