Un Boeing 777 Malaysian Airlines avec 295 passagers s’est écrasé le jeudi 17 près de Shakhtarsk, une cinquantaine de kilomètres à l’est de Donetsk en Ukraine. Cet événement a très vite engendré une grave crise internationale aux conséquences imprévisibles. Comme nous avons signalé auparavant, la crise ukrainienne est un point d’inflexion de la géopolitique internationale et crée des fortes tensions et divergences, non seulement entre la Russie et les puissances occidentales, mais également entre ces dernières, notamment les Etats-Unis et l’Allemagne.
A la crise de la NSA et l’expulsion du principal représentant des services secrets états-uniens de l’Ambassade américaine ã Berlin (chose que jusque-là ne se faisait que pour des Etats « parias » tels que la Corée du Nord et l’Iran, comme le souligne le Guardian du 11 juillet), s’ajoute la politique agressive et dans une grande mesure irresponsable du gouvernement américain en Ukraine. Celle-ci est en train d’ouvrir une brèche sans précédent entre la puissance hégémonique déclinante à l’échelle mondiale – les Etats-Unis – et celle qui s’est imposé depuis cinq ans comme puissance incontestable en Europe – l’Allemagne.
Le caractère imprévisible des Etats-Unis dans son acharnement souvent désordonné ã éviter l’inévitable déclin de son hégémonie [1] amène certains cercles du pouvoir en Allemagne ã s’interroger sur l’intérêt de rester accroché ã une alliance avec les Etats-Unis, alliance qui a été centrale pour l’ordre établi dans l’après-guerre, et ã pencher pour un rapprochement avec la Russie.
Côté ukrainien, la situation sur le terrain militaire n’a cessé de se dégrader ces derniers jours pour les forces liées au gouvernement qui ont totalement échoué ã acculer les forces rebelles et ã couper leur liaison avec la Russie. Il y a par ailleurs de plus en plus de médias (dont récemment la BBC) qui dénoncent « l’infiltration » de secteurs fascisants venus de l’étranger parmi les soutiens du soi-disant gouvernement démocratique de Kiev.
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant qu’Obama ait tenté il y a quelques jours de renforcer les sanctions contre la Russie, notamment avec une limitation de l’accès ã des financements à long terme pour les établissements financiers russes, nouvelle qui a été reçu plutôt froidement en Europe occidentale.
En effet, il faut savoir que la France, qui jusqu’à il n’y a pas longtemps était clairement « atlantiste », a commencé ã prendre ses distances à l’égard des Etats-Unis après que ceux-ci aient ouvertement critiqué la vente de deux navires de guerre Mistral à la Russie et aient également imposé des lourdes sanctions économiques (à hauteur de neuf millions de dollars) à la BNP Paribas pour ne pas avoir respecté l’embargo ã Cuba, Iran et Soudan. Il s’agit de l’amende la plus élevée qui n’ait jamais été appliquée contre une banque, en plus dans un contexte où cet embargo avait été décidé par les Etats-Unis de façon unilatérale.
C’est dans ce contexte que s’écrase l’avion de Malaysian Airlines. N’est-ce pas le prétexte idéal cherché par les Etats-Unis pour contrecarrer toutes ces tendances contraires ã sa domination ? Nous ne le savons pas encore. Mais ce qui est sûr c’est que la grande machine des médias anglo-saxons a été mise en route, ce qui peut faire monter la tension très vite. Lorsqu’ une catastrophe de ce type, survenue ã quelques heures de plusieurs capitales européennes, peut être un engrenage de la crise géopolitique internationale, on voit bien qu’on atteint un niveau de crispation inédit depuis des décennies.
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