Le texte ci-dessous reprend, sous la forme d’une synthèse, l’introduction et la conclusion de Daniela Cobet pour le CCR au sein du débat organisé par le Comité Exécutif du NPA lors de son université d’été 2014.
Pour répondre à la question posée par le titre de ce débat, il faut inévitablement revenir sur la crise que traverse le NPA depuis plusieurs années. Les succès partiels que nous avons eu ces derniers mois ne la résolvent pas, même si nous pouvons en tirer une conclusion : que c’est lorsque le NPA a été capable de se démarquer du Front de Gauche qu’il s’en est le mieux sorti. D’abord en Bretagne, autour de la politique d’un pôle ouvrier au sein des manifestations appelées par les bonnets rouges, ensuite pendant la grève des cheminot-e-s où il a défendu sur le terrain une politique radicalement opposée ã celle des amendements Chassaigne, et encore sur la Palestine où il a été la seule organisation politique ã appeler aux rassemblements interdits par la Préfecture.
Un retour sur la fondation du NPA
Les raisons de cette crise remontent à la fondation même du NPA. Celle-ci répondait ã un problème réel, c’est-à-dire de savoir comment organiser politiquement des milliers de travailleur-se-s et de jeunes qui voyaient avec beaucoup de sympathie la LCR et en particulier Olivier Besancenot et qui pour une partie avaient participé ã une série de mobilisations dans le cadre du cycle ouvert par 1995. Il était juste de se poser cette question et de réfléchir à la façon pour l’extrême gauche de dépasser les forces dont elle disposait alors. L’enjeu aurait été néanmoins d’entamer avec tou-te-s ces nouveaux-elles militant-e-s les discussions et la pratique commune qui auraient rendu possible de les convaincre du projet révolutionnaire.
Mais au lieu de ça, les majorités successives ont fait le choix d’éluder les débats stratégiques, congrès après congrès, en en faisant de véritables tabous. On a accusé les tendances et courants qui tentaient de défendre leurs positions de « dégouter les militant-e-s ». Or les militant-e-s ne sont pas hostiles aux débats d’idées, comme le montre cette salle bien remplie. Le problème c’est que bien souvent les militant-e-s ont eu du mal ã cerner les divergences qui pouvaient être à l’origine de tensions aussi importantes au sein de la direction. Car ã force de ne pas discuter des questions stratégiques, nos débats ont été saucissonnés en questions d’apparence tactique, des débats sur les priorités et sur les problèmes de fonctionnement, dépourvus de cohérence globale. Car la tactique n’est qu’une manifestation de la stratégie ã un moment et un lieu précis et on ne se donne pas les mêmes priorités ou l’on ne prône pas le même type de militantisme selon que l’on se prépare pour la perspective stratégique d’une insurrection ou bien d’un « gouvernement de rupture » vaguement soutenu par des mobilisations.
Cette absence de délimitations stratégiques a eu un prix élevé, notamment ã partir de la création du Front de Gauche. Car face ã une aspiration en partie légitime de la part de larges couches de travailleurs et de jeunes ã une « unité de la gauche », il aurait fallu être en mesure de donner des raisons sérieuses de garder son indépendance et le NPA n’en a pas été capable. Il est donc apparu comme sectaire et forcément de moins en moins utile. Comme le disait un dirigeant trotskiste latino-américain, lorsque le même film est projeté dans une grande salle et dans une petite, les gens choisissent plutôt la grande. Contrairement aux promesses de part de la majorité selon lesquelles notre rapprochement avec les réformistes servirait à les « fragiliser », c’est plutôt eux qui nous ont « fragilisés ».
Chercher des réponses dans la lute de classes
C’est dans ce sens que la majorité tente maintenant de cristalliser nos débats entre ceux qui voudraient construire un grand ou un petit parti est d’autant plus faux que celle-ci, avec sa politique « large » est la principale responsable que notre parti soit devenu de plus en plus petit. Mais aussi car des expériences comme celle du FIT (Front de l’extrême Gauche et des Travailleurs) en Argentine montrent qu’il est possible de faire des bons scores électoraux et d’avoir un écho large sans abandonner les axes centraux de notre programme et de notre stratégie et de tenter de les transformer en force militante révolutionnaire, car la question n’est pas juste de faire des voix, mais de savoir ce que l’on en fait.
Les camarades qui se reconnaissent dans la sensibilité dite Contre-courant essayent d’éviter le débat sur le type de parti que nous voulons construire par la formule-pirouette « parti révolutionnaire de masses ». De façon assez contradictoire, il s’agit des mêmes camarades qui tissent un tableau assez sombre sur la situation politique, la dégradation du rapport de forces et le bas niveau de conscience de classe des masses. Comment peut-on donc se poser la question de construire un parti révolutionnaire de masse dans une situation qui n’est pas révolutionnaire et où les masses le sont encore moins ?
Est-ce que cela veut dire que le constat exprimé par la formule d’une crise du capitalisme qui ne profite pas aux anticapitalistes mais plutôt à l’extrême-droite serait une fatalité ? Nous ne le pensons pas ! Car contrairement ã ce qu’affirment certains, depuis la création du NPA il y a eu d’énormes opportunités au sein de la lutte de classes, autour de dizaines et dizaines de grèves dures contre les fermetures d’usine, de la lutte contre la réforme des retraites jusqu’à la récente grève des cheminots. Si notre parti avait été capable de converger et de devenir une alternative dans ces luttes pour des milliers de travailleur-se-s d’avant-garde, s’il avait pu se doter d’un profil lutte de classes et révolutionnaire, radicalement distinct de celui d’une gauche institutionnelle largement discréditée, on aurait pu peut-être faire des pas en direction de la construction d’un véritable parti d’avant-garde, quantitativement et qualitativement supérieur au NPA, capable d’offrir ã des franges larges de notre classe une perspective opposée ã celle du FN face à l’effondrement des principaux partis du régime.
Vers le congrès : trois positions semblent se dessiner
C’est donc dans le contexte de cet échec et d’une crise profonde et prolongée du NPA qu’auront lieu les débats du prochain Congrès. Au-delà des tendances préalablement existantes, trois grandes positions semblent s’y dessiner :
La première consiste ã réaffirmer aveuglement les axes de l’orientation qui a obtenu une (courte) majorité lors du précédent Congrès, ã savoir l’idée d’une « opposition de gauche au gouvernement » liée à la perspective stratégique d’un « gouvernement anti-austérité ». Si nous avions déjà , il y a deux ans, critiqué durement ces formules extrêmement ambiguës, le développement de la situation politique les rend encore plus graves. Car le fait de continuer à les proférer dans le contexte d’une sorte de grande primaire de la « gauche » allant jusqu’à EE-LV et les mécontents du PS en vue des prochaines élections pour savoir qui hégémonisera l’espace laissé par la politique de plus en plus libérale du gouvernement place le NPA, qu’on le veuille ou non, dans le même camp que tous ces politiciens institutionnels largement rejetés par les classes populaires et autour du projet d’une gauche plurielle renouvelée. La poursuite d’une telle orientation ne fera qu’approfondir la crise du parti et le diluer politiquement dans cette ambiance front-populiste.
Face ã cela, une partie de la majorité se tourne vers l’idée d’une sorte de « réforme » du NPA, qui le débarrasse de cette orientation et le recadre autour d’une espèce de retour idyllique ã un NPA des origines, mais sans poser les débats stratégiques indispensables et longtemps évités. Il s’agit d’une fuite en avant qui en aucun cas ne pourra sortir durablement le parti de sa crise.
La troisième position, celle que nous défendons consiste ã affronter ces débats de façon ouverte, en proposant de trancher trois questions fondamentales et liées entre elles :
· La perspective stratégique de la prise du pouvoir par la voie insurrectionnelle, de la destruction de l’Etat bourgeois qui détermine le caractère ouvertement révolutionnaire de notre parti.
· L’affirmation de la centralité de la classe ouvrière, non pas dans un sens mythifié et exclusiviste comme peut l’entendre LO, mais en tant que sujet hégémonique capable d’articuler autour de lui les combats de l’ensemble des exploité-e-s et des opprimé-e-s.
· La question, qui en découle, d’un parti pour la lutte de classes, de combat, de militant-e-s convaincus et heureux de consacrer la plus grande partie de leur temps et de leur énergie à la tâche passionnante de préparer la destruction du système capitaliste et de ce monde d’exploitation et de misère.
Certains font appel aujourd’hui à la responsabilité et nous accusent de ne vouloir que construire nos propres minorités sans chercher ã gagner la majorité du parti. Nous allons les rassurer (ou pas) : nous chercherons ã regrouper, bien au-delà des frontières de nos courants et tendances actuels, tou-te-s les camarades qui partagent cette perspective et qui souhaitent développer une pratique militante en cohérence avec cela, pour devenir majoritaires et apporter enfin une réponse de fond à la crise du parti. Les discussions d’ores et déjà entamées en particulier entre le CCR et le courant Anticapitalisme et Révolution en vue d’une plateforme commune pour le Congrès sont un pas en ce sens. C’est ça, selon nous, la seule attitude véritablement responsable.
* Crédit photo : Photothèque Rouge.
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