Ce jeudi, Sarkozy a annoncé sur son compte facebook son « retour » à la politique française. Avec cette décision, à la différence du retour de De Gaulle en 1958, l’histoire se répète d’emblée comme tragédie et comme farce.
Sarkozy espérait apparaître comme le sauveur de la France, exactement comme cela s’était produit avec le retour du Général De Gaulle en 1958 face à la crise politique et étatique produite par la guerre d’Algérie, et aux courts-circuits engendrés dans les institutions et le système des partis. Pourtant, son retour se fait par la petite porte.
L’ex-président s’est vu obligé de revenir batailler pour les primaires de l’UMP qui auront lieu le 29 novembre prochain, destinées ã élire son président. Ce n’est pas le scénario rêvé pour Sarko qui s’imaginait lui-même comme la dernière carte en France face à l’approfondissement de la crise économique, de la crise politique ouverte dans le gouvernement de Hollande et dans la Vème République [1] , dans le contexte d’une avancée de l’extrême droite de Marine Le Pen, dont le parti est devenu depuis les élections européennes le premier de l’Hexagone.
La course d’obstacles de l’ex-président est en effet énorme.
Convoqué dans les tribunaux pour des cas de corruption, il n’est pas surprenant qu’il ait nommé comme directeur de campagne Frédéric Péchenard, un « grand flic ». Péchenard a été le Directeur Général de la Police National (DGPN) sous sa présidence et a fait une longue carrière dans la police judiciaire. Il avait déjà nommé un autre flic, Michel Gaudin (ancien préfet de la police de Paris et ex-DGPN) comme directeur de son cabinet après sa défaite de 2012. Avec cette « garde prétorienne » il cherche ã se protéger et s’informer de l’évolution de cette avalanche d’affaires. Au niveau interne, il retrouve un parti en faillite économique et traversé par une guerre des chefs des plus intestines, mais également divisé sur les orientations politiques fondamentales, que ce soit par rapport à l’Europe ou au cadre d’alliances ã réaliser pour freiner la poussée du FN. Cela n’est pas par hasard que dans son long communiqué posté sur facebook, il ne nomme jamais son parti, affirmant seulement postuler comme candidat à la présidence de sa « famille politique » : « Je proposerai de la transformer de fond en comble », il ajoute, « de façon ã créer, dans un délai de trois mois, les conditions d’un nouveau et vaste rassemblement qui s’adressera ã tous les Français, sans aucun esprit partisan, dépassant les clivages traditionnels qui ne correspondent plus aujourd’hui à la moindre réalité. »
S’il gagne ces primaires, il devra ensuite affronter son principal adversaire interne, Alain Juppé, ancien premier ministre, qui s’est déjà présenté comme candidat de l’organisation conservatrice pour les présidentielles de 2017. Le candidat officiel à la présidentielle sera désigné, également par des primaires, en 2016. Les derniers sondages indiquent que seul Sarkozy ou Juppé seraient capables de bloquer l’accès au pouvoir de l’ultra-droitière Marine Le Pen à la présidence de la République au second tour si les élections avaient lieu aujourd’hui.
Le retour anticipé de Sarkozy est une expression du climat délétère de la vie politique française, dont témoignent conjointement la toute dernière conférence de presse tenue par Hollande, ridicule par ses démonstrations d’impuissance et de faiblesse, la crise de la droite traditionnelle, et l’avancée de l’extrême droite. Il pensait revenir à la politique aux primaires de 2016, et lancer une campagne politique éclair. Selon le quotidien Le Monde, ses conseillers pensaient qu’il avait toutes les raisons de rester retiré de la vie politique le plus longtemps possible pour ainsi se reconstruire une virginité politique dans l’opinion publique. Mais l’antisarkozisme étant si présent dans la population (les politiques d’Hollande sont vues par la majorité de la classe ouvrière et des secteurs populaires comme comparables, sinon pires que celles de Sarkozy), il prend aujourd’hui ce risque pour tenter d’incarner l’objectif idéal de tous ces opposants. Dans les couloirs de l’Elysée, le retour de l’ex-président a été vécu comme un soulagement. Il pourrait en effet constituer une cible facile pour un PS très affaibli, qui pourrait l’utiliser pour dire qu’eux ne font pas de l’austérité, que l’austérité c’est Sarkozy, et que si celui-ci revient, ce sera pour liquider le « modèle social » français.
Pourtant, ces dernières décennies, les uns et les autres, en alternance, détruisent toujours plus ce « modèle social ». De toutes ces manœuvres politiques, seule Le Pen peut sortir renforcée, c’est pourquoi il est urgent d’avancer une alternative ouvrière et populaire capable d’affronter les différents partis de la bourgeoisie française.
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