A droite, le retour « officiel » de Sarkozy nous prépare une bonne vieille guerre des chefs. Ce n’est pas sans rassurer Hollande et Valls, dans un sens : une façon d’oublier leurs soucis avec la gauche de leur majorité ; des soucis très relatifs, par ailleurs, car de l’autre côté de l’échiquier politique, les « frondeurs », les saillies de Martine Aubry et les velléités, à la gauche du gouvernement, de mettre sur pied une nouvelle majorité rose-rouge-verte ou de nouveaux attelages politiques VIème républicains nous réservent tout autant que Sarko des plats réchauffés dont on a déjà goûté de par le passé. Mais pour se préparer au combat dont nous avons besoin, la « gauche de la gauche » ou la gauche de gouvernement ne nous sont pas d’une grande utilité, bien au contraire.
S’il y a bien quelque chose qu’il faut prendre au sérieux chez les frondeurs du PS, ce n’est pas tant leur détermination politique que ce qu’ils reflètent. C’est en effet la première fois depuis les gouvernements Rocard, Cresson puis Bérégovoy entre 1988 et 1993, qu’un premier ministre socialiste ne dispose que d’une majorité relative à l’Assemblée, non pas en raison d’élections législatives adverses que d’une majorité fragmentée. Le régime Vème républicain, censé donner une forte assise aux gouvernements en place en leur évitant d’avoir ã subir les aléas de majorités parlementaires mouvantes, comme sous la IIIème ou la IVème, commence ã faire eau, et la nomination de l’ex-premier flic de France ã Matignon n’y changera rien.
Abstention et mascarade
D’un point de vue politicien, en revanche, les dés étaient pipés d’avance et Valls savait d’entrée de jeu que ces grands turbulents que sont les frondeurs allaient simplement s’abstenir, se gardant bien de mettre en danger son gouvernement. La recette est vieille comme l’Union de la gauche, puisque c’est ce que pratiquaient les députés communistes sous Mitterrand après 1984.
Toutefois, et c’est intéressant, une partie des députés PS, classés « ã gauche » dans la presse sans que cela ne veuille dire grand-chose en dernière instance, commencent ã juger que leur propre survie politique est plus compromise par la politique actuelle du gouvernement que par la cacophonie qu’ils peuvent produire. Cette situation de nervosité, qui témoigne de la crainte de ces Messieurs et Dames de se prendre une raclée en cas d’élections, anticipées ou non, les mène ã essayer de se démarquer de Valls-Hollande pour tenter de faire bonne figure auprès de leurs électeurs ou de feindre d’avoir « arraché » des concessions de gauche. Il n’est pas certain, cependant, que les annonces gouvernementales d’augmenter les petites pensions de moins de 1200 euros mensuelles de 40 euros annuels, de porter le Minimum vieillesse de 792 ã 800 euros, ou la promesse de supprimer la première tranche de l’impôt sur le revenu pour les ménages modestes suffisent ã faire revenir vers les socialistes des électeurs dégoutés. Ces modifications à la marge (la veille d’une loi de finance qui promet de nouvelle coupes) et la crainte de perdre leur train-de-vie actuel ont suffit en tout cas pour faire revenir à la raison des « frondeurs » qui vont continuer leur petite guéguerre sans rien remettre en cause sur le fond.
Fête de l’Huma : « vive les frondeurs » ?
C’est ce qui rend encore plus illusoire la ligne actuelle du PCF, un coup invité à l’Université d’été du PS ã La Rochelle avec les écolos et les radicaux pour parler de l’union de la gauche, invitant ã son tour à la Fête de l’Huma les députés frondeurs pour causer de ce qui serait une union « vraiment ã gauche », tout ce petit monde a les yeux rivés sur de nouvelles combinaisons parlementaires, assez peu probables au jour d’aujourd’hui, qui pourraient accoucher d’un hypothétique gouvernement rose-rouge-vert. Patrick Le Hyaric a déclaré en clôture de la Fête de l’Huma que la gauche était « malade [et avait organisé] la liquidation après-vente du discours du Bourget de la guerre à la finance ». Les promesses, comme disait Pasqua, n’engage que ceux qui les reçoivent et ceux qui font mine d’y croire. Le PCF continue ã penser, après le programme commun de 1972 qui a servi ã Mitterrand pour se mettre le pied à l’étrier de l’élection présidentielle, après l’expérience désastreuse d’Union de la gauche entre 1981 et 1984 et celle de la Gauche plurielle entre 1997 et 2002, qu’une « gauche bis », avec une Martine Aubry ã Matignon ou des communistes pourvus de maroquins ministériels changeraient quelque chose à la situation actuelle. Cela changerait surement quelque chose aux finances du parti, mais rien pour les classes populaires. Aubry le dit en privé par ailleurs : « les objectifs de Valls sont bons, c’est la méthode qui est ã changer ».
Mélenchon à la recherche d’une nouvelle politique. Sera-t-elle plus correcte que par le passé ?
Puisqu’on parle d’Aubry, passons maintenant ã Mélenchon, qui a été son collègue entre 2000 et 2002 sous Jospin, le premier ministre qui a privatisé plus que la droite ne l’avait fait auparavant, celui des lois de flexibilisation du marché du travail sous couvert de 35 heures et des interventions impérialistes contre la Serbie-Kosovo en 1999 et contre l’Afghanistan en 2001. Echaudé par les mauvais coups des apparatchiks du PCF qui ont collé aux basques du PS pour les municipales du printemps dernier, l’apparatchik du Parti de Gauche a décidé de se retirer de la coprésidence du Front de Gauche qui, de toute façon, n’existe plus que sur le papier.
Mélenchon, donc, reprend son antienne sur la VIème République et, attiré par les scores de Podemos de l’autre côté des Pyrénées, dit vouloir créer un mouvement du même type en France. Sur la VIème République, le problème n’est pas une question de numération mais de contenu de classe. Certes, la République gaulliste est un régime antidémocratique et monarchisant, mais reste ã savoir si on la remplacera par un régime républicain replà¢tré ou si on entend combattre pour une démocratie plus large pour tou-te-s les travailleur-euse-s et jeunes de l’Hexagone, quels que soient leurs papiers, ce qui faciliterait la lutte pour en finir avec la toute puissance du patronat et pas simplement « le pouvoir de la finance ». Sur la question d’un « Podemos ã bonnet phrygien », version française de la formation espagnole, la question repose d’une part sur les limites de ce nouvel avatar de la « gauche de la gauche réformiste », comme l’a été ã une époque Syriza [mettre en réf. L’article de Seb et le dernier article de Phil sur Syriza au gouvernement provincial dans l’Attique]. L’autre problème, mais pour Mélenchon, cette fois-ci, c’est qu’il n’a pas existé un France de mouvement comparable ã celui des Indignés et qui donnerait une base réelle au nouveau projet mélenchonien. D’autre part, quand explosion il y a eu, comme en Bretagne, l’automne dernier, le sénateur du PG s’est retrouvé avec la bureaucratie syndicale, ã Carhaix, en soutien au gouvernement, au lieu de manifester avec les travailleurs et la population en colère, ã Quimper. Au Sénat, avant les congés d’été, les « amis » communistes de Mélenchon ont joué peu ou prou le même rôle au cours de la grève de la SNCF, demandant aux cheminots de revenir çà la raison. Les velléités de Melenchon de se poser en « rénovateur » de la politique hexagonale finissent là .
Contre l’austérité ou contre le gouvernement « de gauche » ? Quel mouvement du monde du travail et de la jeunesse pour faire reculer Hollande-Valls-Macron ?
Pendant ce temps, les courants qui gravitent ou qui gravitaient autour du Front de Gauche entendent apporter leur pierre à l’édifice de cette nouvelle reconfiguration politicienne de la gauche de la gauche. Participer à l’organisation la plus large et unitaire possible d’une riposte de l’ensemble du monde du travail et de la jeunesse contre les attaques du gouvernement, les licenciements et la répression ? Aucunement. L’idée serait de transformer le Collectif du 12 avril et du « Collectif 3A » ou Collectif Anti-Austérité. [mettre les articles / txt du dossier NPA]
On l’aura compris : loin d’être un outil pour la lutte, ce collectif est le cadre d’un rassemblement organique et permanent défendant un programme anti-néolibéral qui serait le lieu, pour certain, de possibles lancements de candidatures électorales ou de tambouille politicienne pour constituer, dans le cadre de cette république ou d’une autre, une force rassemblant la gauche radicale et la gauche modérée « vraiment ã gauche » dans une logique, en dernière instance, front-populiste. Au lieu de lutter pour un véritable front unique ouvrier de l’ensemble des organisations syndicales et politiques disposées ã avancer dans la lutte contre la politique pro-Medef du gouvernement, la direction du NPA fait office de caution de gauche de ce nouveau cartel d’organisations. Mélangeant les drapeaux de l’anticapitalisme ã ceux de l’anti-néolibéralisme, la direction du NPA troque le cadre nécessaire de ce qui devrait être l’unité d’action en vue de la mobilisation des masses et la liquidation de notre propre programme derrière les alliances politiques avec les réformistes. Que la direction du NPA soit de cette logique ne peut que desservir les intérêts politiques du monde du travail et de la jeunesse. S’il y a un mouvement large ã construire, pour préparer la contre-offensive, il ne saurait être pensé pour être compatible avec des combinaisons politiciennes mais devrait naître sur des bases claires, contre la politique du gouvernement, contre le Pacte de Responsabilité, contre les licenciements, pour les salaires et le pouvoir d’achat et contre les aventures militaires de l’Elysée, car seul un véritable mouvement de classe fera reculer les Hollande, les Valls et les Macron, seul un véritable mouvement de classe permettra d’éviter qu’un Sarkozy ou qu’une Le Pen ne soient vus comme la moins mauvaise des solutions face à l’écœurement ressentie par les classes populaires au vu de ces deux années de présidence socialiste.
26/09/14
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