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Kobané et les contradictions des oppresseurs et des opprimés
par : Claudia Cinatti

22 Oct 2014 | Au plus fort du siège de Kobané par l’Etat Islamique (EI, ou ISIS de son ancien nom), le secrétaire d’Etat nord-américain John Kerry, expliquait que la « situation humanitaire » dans cette ville de Syrie à la frontière de la Turquie, et majoritairement kurde, n’avait pas d’intérêt stratégique pour les Etats-Unis. Derrière ce langage diplomatique, on peut (...)
Kobané et les contradictions des oppresseurs et des opprimés

Au plus fort du siège de Kobané par l’Etat Islamique (EI, ou ISIS de son ancien nom), le secrétaire d’Etat nord-américain John Kerry, expliquait que la « situation humanitaire » dans cette ville de Syrie à la frontière de la Turquie, et majoritairement kurde, n’avait pas d’intérêt stratégique pour les Etats-Unis. Derrière ce langage diplomatique, on peut comprendre les intérêts géopolitiques : Kerry dit qu’à Kobané, l’ennemi de l’ennemi n’est pas forcément l’ami des Etats-Unis. La raison est simple : la résistance kurde en Syrie est dirigée par le Parti de l’Union Démocratique (PYD) et ses milices, les Unités de Protection du Peuple (YPG-YPJ), une fraction radicale du mouvement national kurde liée au Parti des Travailleursdu Kurdistan (PKK) dont le siège est en Turquie, inscrit sur la liste des organisations terroristes des Etats-Unis et de l’Union Européenne.

Les problèmes ne s’arrêtent pas là . La Turquie, membre de l’OTAN et ayant adhéré à la coalition anti-EI dirigée par Washington, a refusé d’intervenir contre l’EI de l’autre côté de sa frontière. Le calcul du gouvernement d’Erdogan est le même que celui des Etats-Unis : il a choisi de laisser faire l’EI, pour éviter que ne se fortifie la position des kurdes, peuple qu’il opprime à l’intérieur de la Turquie. Comme si cela ne suffisait pas, il a même bombardé des positions du PKK, mettant en péril le processus de paix qu’il était en train de négocier avec le leader kurde, en prison, Abdullah Öcalan.

Mais les avancées de l’EI en Irak, qui se consolide dans la province sunnite de Anbar et est aux portes de Bagdad, ont apparemment obligé le gouvernement de Barack Obama ã changer d’avis. Des fonctionnaires nord-américains ont reconnu avoir eu un contact indirect avec des membres du PYD, à la suite duquel ils ont augmenté les bombardements aériens contre les positions de l’EI ã proximité de Kobané. Des 54 attaques aériennes lancées cette semaine en Syrie, 53 visaient la zone de Kobané. Cela a apparemment renversé la dynamique des trois dernières semaines : l’EI a reculé et les milices kurdes disent avoir récupéré 70% de la ville et les zones alentours. Si dans le mois dernier, la ville de Kobané n’est pas tombée aux mains de l’EI, c’est grâce à la résistance héroïque des milices du YPG-YPJ, qui, sans la moindre aide, ont affronté cette force réactionnaire. Aujourd’hui, les Etats-Unis prétendent s’arroger la possible victoire ã Kobané, voulant ã tout prix présenter un succès dans une guerre qui n’est pour le moins pas gagnée. Mais une chose est l’image renvoyée, et une autre est le rapport de forces réel. Les stratèges du Pentagone signalent les failles de la stratégie d’Obama : la force aérienne toute seule ne pourra pas « dégrader et détruire » l’EI, qui contrôle un territoire de la taille de la Belgique, où sont concentrées une grande partie des réserves pétrolières de l’Irak. Et pour l’instant, les Etats-Unis ne trouvent pas de volontaire de confiance et efficace pour faire office de troupe terrestre.

Au sein des membres de la coalition, la non-implication de la Turquie délivre les autres pays arabes, qui ont moins d’intérêts en jeu, de l’obligation d’envoyer des troupes terrestres. En Irak, une partie de l’Armée officielle a été démembrée et celle qui reste n’a ni la capacité ni la volonté de combattre. Et une part importante des milices sunnites et des ex-officiels et fonctionnaires du régime du Parti Baath se sont ajoutés aux troupes de l’EI. Au Kurdistan irakien, les soi-disant redoutables peshmergas, liés aux partis kurdes pro-Etats-Unis, n’ont pas pu résister à la première attaque de l’EI, et ceux qui se fortifient aujourd’hui sont des secteurs liés au PYD syrien. En Syrie, selon un rapport récemment présenté au Congrès nord-américain, les « rebelles modérés » appuyés par les Etats-Unis et autres puissances pour faire tomber Bachar Al Assad, sont virtuellement inexistants : il y a environ 1500 fractions armées dans l’opposition syrienne. De plus, ce rapport donne déjà pour morte l’Armée Syrienne Libre (ASL) qui a cessé d’exister comme organisation et opère comme franchise pour des milices ayant des intérêts distincts.

Enfin, dans les zones de Syrie sous contrôle des rebelles ont eu lieu des manifestations populaires contre les bombardements de la coalition, majoritairement pour dénoncer la mort de civils, et dans d’autres cas, contre la stratégie nord-américaine qui objectivement, pour le moment, a donné un répit au régime d’Assad. Obama résiste à la pression de divers alliés, comme la Turquie, qui cherchent à l’entrainer davantage dans la guerre civile syrienne. Mais pour l’instant il n’a toujours pas pu expliquer comment séparer la défaite de l’EI avec ce conflit syrien, une guerre civile ã plusieurs facettes, qui s’étend à l’ensemble de la région et ã travers la question kurde, et s’étend vers l’Union Européenne.

Bien sûr, il n’y a pas de contradictions seulement chez les oppresseurs. Les Etats-Unis ont été capables de manipuler en leur faveur la question kurde en Irak, où ils ont appuyé non seulement le Parti Démocratique du Kurdistan, un secteur conservateur du clan Barzani, mais aussi l’Union Patriotique du Kurdistan, autrefois radicale. Ceci peut également se produire en Syrie.

 

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