La résistance au projet s’est construite par l’intermédiaire de plusieurs types d’organisations : le collectif Testet, qui a été fondé dès 2011 pour défendre la zone humide, a de longue date dénoncé la rétention des avis défavorables lors de l’enquête publique par les autorités ainsi que le refus de la part du Conseil Général de tout dialogue avec les opposants ; la Confédération Paysanne, qui s’oppose traditionnellement à la politique agricole de la FNSEA ; des associations écologistes ; et enfin les zadistes, qui occupent le terrain depuis une année déjà .
Si le collectif Testet procède surtout sur le plan juridique en épuisant tous les recours possibles, les zadistes, eux, ont surtout tenté de lutter chaque jour sur le terrain contre la garde mobile qui protègent les machines et les empêche de dialoguer avec les ouvriers présents (pour la plupart étrangers, intérimaires et maîtrisant peu le français). Les zadistes et tous les sympathisants qui les rejoignent régulièrement dans la zone dévastée, quotidiennement victimes de violences policières (flashball, grenades lacrymogènes) mais aussi d’humiliations et d’intimidations, ont ainsi vu leurs affaires personnelles (dont les papiers d’identité) incendiées, la nourriture gazée, les campements détruits, et ce parfois même avant que l’huissier ne soit passé pour procéder à l’expulsion. Beaucoup ont été blessés, et certains hospitalisés (par exemple lors des affrontements de début septembre) avant les événements dramatiques mais prévisibles ayant conduits à la mort de Rémi Fraisse.
La presse et les politiques, jusqu’à José Bové, EELV, ou le Front de Gauche, se sont empressés avec plus ou moins de nuance de pointer du doigt les « casseurs » et de séparer les « bons militants » pacifistes qui rendent hommage ã Rémi Fraisse ã coup de fleurs et de hérissons, des dangereux autonomes violents, tous donnant de fait crédit au discours gouvernemental qui n’a pas hésité ã condamner les violences des manifestants au nom du pacifisme de Rémi Fraisse. A l’opposé de cette dichotomie, sur le plan de la stratégie capable de construire un mouvement d’ensemble contre l’Etat bourgeois, le gouvernement et sa répression, il est surtout déterminant d’analyser comment la forme et les cadres politiques d’organisation des militants zadistes traduisent un réel manque de perspective au plan stratégique, et ce indépendamment de leur positionnement plus pacifique ou plus porté à l’affrontement, formés à l’expérience de Notre-Dame-Des-Landes (élément qui contribue ã expliquer la radicalité des affrontements récents ã Nantes même).
Dominé par une tendance anarchisante et autogestionnaire, les zadistes réduisent en grande majorité le « politique » aux « politiciens », et sur cette base refusent toute structuration qui serait susceptible d’être appuyée, et donc récupérée, par des partis, toutes les organisations politiques étant mises dans le même panier. D’où des contradictions multiples, ã deux niveaux principaux : 1) confusion de la tactique (construction ponctuelle et localisée d’un rapport de forces avec le dispositif policier, au Testet ou dans une manifestation) et de la stratégie (conditions requises pour créer un mouvement global de résistance dessinant la capacité réelle non seulement de stopper, mais surtout de faire plier le gouvernement), confusion donnant lieu ã un activisme de harcèlement des forces de répression ou du capital qui, souvent, s’en trouve autoalimenté. 2) Appels ã une mobilisation « nationale » ou « citoyenne » faisant le pari bien classique d’une multiplicité de soulèvements individuels spontanés sans structuration collective assumée, et en particulier avec refus d’appeler, même au travers d’interpellations critiques, à l’intervention des forces politiques en l’état, organisatrices du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux. Et pourtant, seule une stratégie ne faisant pas l’impasse sur ces points de levier permettrait d’initier le mouvement de masse, par-delà l’affaire particulière de ce barrage et la seule préoccupation écologique, nécessaire pour affronter efficacement la politique anti-ouvrière, anti-sociale et destructrice de l’environnement, de ce gouvernement d’assassins à la solde des patrons [voir http://www.ccr4.org/A-une-semaine-du-meurtre-de-Remi-Fraisse-par-la-police-L-Etat-veut-interdire-toute-riposte-collective-contre-son-crime].
Ce gouvernement est la pointe avancée d’une véritable guerre menée, par-delà la criminalisation des « nouveaux djihadistes verts » (selon la formule d’un dirigeant de la FNSEA), contre les travailleurs, les classes populaires, et naturellement contre la jeunesse. De Malik Oussékine ã Rémi Fraisse, de Zyed ã Bouna, il faut bien comprendre qu’il n’hésitera pas ã tuer de nouveau si c’est nécessaire, comme en témoignent les quadrillages militaires et la répression féroce qui a continué de s’abattre sur les récentes manifestations de colère qui se sont déroulées en province et ã Paris. Notre contre-offensive doit être à la hauteur de cette guerre.
04/11/2014
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