Depuis le week-end dernier, près de 4000 travailleur-se-s des raffineries sont en grève aux États-Unis. Cette lutte fait suite à l’échec des négociations d’une nouvelle convention collective entre le syndicat United Steelworkers (Métallurgistes unis) et les principales entreprises pétrolières. Une première à l’échelle nationale depuis 1980. Cette grève, bien que limitée, témoigne non seulement de la détermination des travailleur-se-s de rattraper une décennie de stagnation salariale et de dégradation continuelle de leurs conditions de travail, mais aussi d’un certain renouveau du mouvement ouvrier états-unien, qu’on observe notamment depuis la grève des enseignant-e-s de Chicago de 2012 et de celle des travailleur-se-s de la restauration rapide.
La grève a commencé le dimanche 1er février matin dans 9 raffineries face à l’intransigeance des multinationales pétrolières. Alors que le syndicat venait de rejeter une cinquième proposition qui ne satisfaisait en rien les revendications des travailleur-se-s, les représentants de Royal Dutch Shell qui menaient les négociations pour l’ensemble de l’industrie, ont quitté la table des discussions. Ces derniers se servent de la récente baisse, très importante, des prix du pétrole comme prétexte pour ne rien là¢cher. Pourtant ils ont vu plus que doubler la valeur de leurs actifs, s’envoler leurs profits et continuent ã offrir à leurs PDG des primes dont les montants s’élèvent sans aucun doute ã plusieurs millions d’euros depuis 2012.
Le mécontentement et la frustration chez les travailleur-se-s ne font que croître depuis quelques années. La dernière convention collective y est pour quelque chose. En effet, celle-ci s’est soldée par un gel des salaires et a imposé 20 % du coût de l’assurance de santé sur les épaules des travailleur-se-s. De plus, leurs conditions de travail et de sécurité ont connu une importante dégradation : des journées de travail de 12 heures, des semaines de travail de 14 jours consécutifs, des accidents de travail de plus en plus fatals. A cela s’ajoutent des coupes budgétaires et un manque de surveillance, lesquels ont préparé le terrain pour des explosions fatales, comme dans une raffinerie de BP où 15 travailleur-se-s ont été tué-e-s et 170 blessé-e-s en 2005. Et tout cela dans l’impunité totale : des conditions de travail déplorables, donc, qui ne sont pas loin de rappeler celles des mineurs au début du XXe siècle.
Les travailleur-se-s espèrent gagner des augmentations de salaire ainsi que de meilleures conditions de travail et de sécurité. Mais tout laisse ã penser que le syndicat n’est pas prêt ã aller jusqu’au bout. Son président a déjà déclaré sans scrupule que cette grève n’a rien ã voir avec les salaires. Son appel à la grève s’est limité ã 9 des 65 raffineries du pays où le syndicat est présent, soit un peu plus de 3800 des 30000 travailleur-se-s qu’il organise au total. Si la grève reste ã ce niveau d’intensité, elle ne pourra bloquer que 10 % de la capacité de production du pétrole du pays, alors même qu’une grève de toutes les raffineries représentées par United Steelworkers pourrait en bloquer jusqu’à 64 % !
Le syndicat essaie ainsi ã tout prix de diminuer d’emblée l’impact de la grève. Par exemple, l’une des raffineries fonctionnait déjà ã la moitié de sa capacité réelle de production. Dans un autre cas, les travailleur-se-s font un piquet de grève devant une raffinerie ã Texas City, alors que leurs collègues d’une deuxième raffinerie dans la même ville continuent ã travailler. Par ailleurs, depuis des années, la direction d’United Steelworkers s’oppose ã toute lutte conséquente et collabore pleinement à la restructuration de l’industrie pétrolière au nom de la dite « défense des conditions de travail et de vie des salarié-e-s » et de la « compétitivité de la Nation ».
Néanmoins, les travailleur-se-s du pétrole semblent déterminé-e-s, comme d’autres secteurs du monde du travail, ã rattraper plus d’une décennie de stagnation salariale et de baisse généralisée de leur niveau de vie. Certain-e-s grévistes affirment ne pas comprendre les limites que souhaite imposer le syndicat au mouvement. Ils et elles commencent même ã appeler de leurs vœux ã un élargissement de la grève à l’ensemble des raffineries représentées par United Steelworkers, voire à l’ensemble de l’industrie. Le développement de cette grève dans les jours, les semaines, voire les mois ã venir pourrait être essentiel dans le processus de recomposition du mouvement ouvrier états-unien.
04/02/2015.
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