25.000 personnes selon la presse et la police grecque, surement au moins le double, se sont rassemblées vendredi 3 juillet en face du parlement hellénique pour dire « NON » aux injonctions de la Troïka. Presque autant, ã quelques mètres de là , manifestaient pour le « OUI ». Expression des pronostics serrés pour le vote de dimanche, ces rassemblements sont aussi la traduction d’un processus de polarisation de la société grecque.
Deux campagnes très polarisées
Depuis mercredi, jour où les dernières tentatives de négociation de Tsipras avec la Troïka ont échoué et que la tenue du référendum a été confirmée, ce sont avant tout les échos d’une campagne furieuse pour le « oui » qui se font entendre. Le grand patronat grec, allié de la Troïka, et la presse mènent une grande offensive pour que le « oui » l’emporte dimanche. Plusieurs témoignages de travailleurs évoquent des arriérés de salaires autant que des pressions pour que les salariés « votent bien » au référendum. Certains patrons affirment que si le « non » l’emporte ils seraient « obligés » de fermer leurs entreprises. Les organisations patronales ont même mis en garde sur le fait qu’une possible victoire du « non » menacerait les 2,5 millions d’emplois dans le secteur privé.
Les partis pro-Troïka (ND et PASOK), responsables dans une très grande mesure de l’état économique catastrophique du pays, mènent aussi campagne pour le « oui ». Selon eux ce serait « le futur européen » de la Grèce qui serait menacé. Le nouveau parti libéral Potami s’est joint ã eux. De même, honteusement, la direction de la puissante centrale syndicale du secteur privé GSEE, sur la direction de laquelle le PASOK et ND ont une influence déterminante, a rejoint le camp du « oui ».
Dans le camp d’en face nous trouvons ã côté de Syriza plusieurs organisations et groupes d’extrême gauche, comme la coalition anticapitaliste Antarsya, qui appellent ã voter « non » tout en se différenciant du gouvernement dirigé par Alexis Tsipras. Et à la différence de la centrale des salariés du privé, le puissant syndicat des fonctionnaires ADEDY s’est positionné publiquement pour le « non ».
Alors que Tsipras n’a de cesse de répéter que la victoire du « non » doit renforcer la position de son gouvernement face aux créanciers, qu’en cas de victoire du « non » il y aurait un accord avec la Troïka dans 48h, les organisations ã sa gauche déclarent mettre l’accent sur les mobilisations contre tout type de mesure d’austérité. Cependant, exceptés quelques petites manifestations ou meetings, pour le moment aucune dynamique importante de mobilisation indépendante du gouvernement ne semble se développer.
Quant au parti communiste, le KKE, il dénonce aussi bien l’austérité imposée par la Troïka que les accords que Syriza se dit prêt ã signer. Présentant le référendum comme un piège il invite ses adhérents et sympathisants ã voter nul ce dimanche. Toute « radicale » que puisse paraître cette position, et même si le référendum apparaît comme une sorte d’impasse pour les classes populaires, l’orientation du KKE continue ã être marquée par l’autoproclamation et le refus systématique de construire un front unique des organisations du mouvement ouvrier à la gauche du gouvernement et indépendantes de celui-ci pour s’opposer précisément aux politiques qu’il dénonce. En ce sens sa politique depuis plusieurs années ã constitué et constitue encore un obstacle à l’unification du camp des exploités et des opprimés.
Incertitude et instabilité
Une seule certitude pour lundi matin prochain : l’instabilité politique et économique va continuer, voire s’approfondir, quel que soit le résultat du référendum. Les différents sondages donnent parfois le « non » en tête, d’autres le « oui », mais toujours avec des scores très serrés. Beaucoup d’indécisions persistent. Et les hésitations pendant la semaine de Tsipras et de son gouvernement n’ont évidemment fait que semer encore des doutes.
Alors que la campagne de propagande des capitalistes se poursuit ã quelques heures du vote, ce vendredi soir le Financial Times a publié une information selon laquelle la Grèce serait en train de préparer un plan de « sauvetage interne » en confisquant 30% des épargnes des comptes de plus de 8.000 euros. Ce que le ministre de l’économie grec Yanis Varoufakis a tout de suite démenti sur son compte Twitter, affirmant qu’il s’agissait d’une rumeur que l’Association des Banques Grecques avait elle-même démentie dès le vendredi matin.
Etant donné la radicalité de la mesure on peut effectivement se demander s’il s’agit d’un plan qui serait actuellement réellement étudié par les banques grecques, ou s’il s’agit tout simplement d’une manœuvre des médias impérialistes pour ajouter encore plus d’incertitude et de nervosité dans la situation.
Quoi qu’il en soit, et quel que soit le résultat du référendum il semble peu probable que les banques grecques rouvrent dès lundi ou mardi prochains. Le plus vraisemblable est qu’elles ne rouvriront qu’une fois qu’un nouvel accord sera signé avec la Troïka… si jamais un accord peut être trouvé.
Mais pour le moment, les expectatives portent avant tout sur ce qui va se passer dimanche. La population, malgré les limitations de retrait d’argent, semble calme. Cependant, il est trop tôt pour affirmer que ce calme relatif va perdurer. Au contraire, ces rassemblements massifs qui se sont tenus vendredi soir montrent une polarisation grandissante de la société, qui inquiète certains analystes. C’est ainsi que le journal conservateur grec Kathimerini exprimait ses craintes face ã cette situation : « cela aurait été bien d’avoir plus d’une semaine pour mener ce débat [sur les mesures d’austérité], mais peut-être aurions-nous assisté, dans ce cas, ã encore plus de polarisation et d’incertitude ».
Au-delà du résultat du référendum, la question centrale pour la classe ouvrière, la jeunesse et l’ensemble des opprimés sera de développer une dynamique de lutte et de mobilisation indépendantes du gouvernement pour, ainsi, pouvoir lutter contre les attaques des capitalistes locaux et de la Troïka.
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