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Les PASO, le péronisme et le trotskysme argentin
par : Fernando Rosso , Juan Dal Maso

18 Sep 2015 | Quel rapport entre consolidation du score électoral du trotskysme en Argentine, le péronisme au pouvoir et une certaine radicalisation politique et sociale dans le pays ? Quelles perspectives cette situation ouvre-t-elle pour les révolutionnaires ? Fernando Rosso et Juan Dal Maso reviennent dans cet article traduit de l’espagnol sur ces questions (...)
Les PASO, le péronisme et le trotskysme argentin

Quel rapport entre consolidation du score électoral du trotskysme en Argentine, le péronisme au pouvoir et une certaine radicalisation politique et sociale dans le pays ? Quelles perspectives cette situation ouvre-t-elle pour les révolutionnaires ? Fernando Rosso et Juan Dal Maso reviennent dans cet article traduit de l’espagnol sur ces questions et tentent d’apporter quelques éléments de réponse pour comprendre ce qui se joue en Argentine, pour l’extrême gauche.

Cristina Kirchner avait fait 54% lors des élections présidentielles de 2011. C’était le résultat de plusieurs années d’accumulation du pouvoir du kirchnérisme dans un contexte de recomposition de l’autorité étatique à la suite de la crise de décembre 2001. Le rebond économique et le fait que l’opposition se trouvait comme jamais dans un état de fragmentation étaient deux autres facteurs d’explication. Les résultats du scrutin, alors, donnaient une bonne image du succès relatif de la politique restaurationniste du kirchnérisme. Les élections d’octobre 2015, en revanche, auront lieu dans un contexte de plus grande « crise d’autorité ».

1. La société argentine est complexe et contentieuse, caractérisée par une tradition nationale politiquement conservatrice mais socialement beaucoup plus revêche. Parmi ceux qui y ont contribué, au fil de son histoire, outre les peuples originaires [dans leur résistance à la Conquête], on doit également compter les gauchos, les exilés de la Commune de Paris et l’influence de la révolution russe, les immigrés anarchistes espagnols et italiens, l’influence du syndicalisme révolutionnaire, du communisme, du trotskysme et du « péronisme ouvrier ». De ce point de vue, la société argentine n’est pas une simple chambre d’enregistrement des mécanismes bonapartistes de prise de décisions internes qui régit le péronisme.

En d’autres termes : « la cheffe », à savoir Cristina Kirchner, peut certes choisir qui sera son dauphin [en l’occurrence Daniel Scioli]. Mais les « gens normaux » sont rétifs à la mise en place d’une telle discipline.

2. D’un autre point de vue, cette tendance « centripète » par en haut s’oppose aux tendances « centrifuges » qui caractérisent historiquement les conflits du Parti Justicialiste [péroniste] de la province de Buenos Aires [la première région du pays d’un point de vue démographique et économique, centrale, par conséquent, pour toute élection], de même qu’à travers la crise du « pouvoir territorial » qui a caractérisé Buenos Aires et sa grande banlieue.

Entre ces deux tendances contradictoires et complémentaires, « l’autonomie de l’électeur » s’est considérablement accrue, dans les limites imposées, bien entendu, de ce système qui favorise les partis les plus puissants et dans le cadre d’une situation globalement conservatrice. Cela s’est vu tout autant dans le score important obtenu par la candidate de droite María Eugenia Vidal [qui faisait figure d’outsider contre les péronistes] dans la province de Buenos Aires que dans le vote « contre la caste politique au service des capitalistes » qui s’est porté sur Nicolás Del Caño dans le cadre des primaires internes du Front de gauche et des Travailleurs [et lui a notamment permis de gagner contre Jorge Altamira, figure emblématique, pourtant, de l’extrême gauche argentine, candidat à toutes les présidentielles depuis 1989].

3. Ce début de « crise d’autorité » ressemble fortement à une crise des appareils politiques et de leurs rapports respectifs avec ce qui a constitué pendant des décennies des clientèles électorales, notamment dans la province de Buenos Aires. Il ne s’agit pas, par conséquent, d’une « crise de l’Etat dans son ensemble », ce qui est cohérent, si l’on tient compte de la situation globalement conservatrice qui caractérise l’Argentine, d’un point de vue politique et compte-tenu du degré de contrôle des différentes variables économiques, bien que tout cela doive s’insérer dans le cadre d’une certaine « usure du modèle kirchnériste ».

Mais si l’un des trois instruments de contention du péronisme que l’on appellera « Triple B », à savoir Barons politiques, Bureaucratie syndicale et police de la province de Buenos Aires, la « Bonaerense », venait à entrer en crise dans l’un des centres stratégiques du pays, alors les conséquences seraient importantes et cela serait le symptôme non seulement d’un changement du climat politique, mais également du climat social.

Dans les districts électoraux de la « banlieue profonde » de la capitale, où le rapport avec l’Etat et le gouvernement compte énormément, le Front pour la Victoire [de la présidente Kirchner] obtient des victoires confortables. là où le tissu politique et social est plus complexe, en raison, notamment, de la renaissance et de la recomposition du monde du travail, alors là le poids des barons et la dépendance à l’Etat kirchnériste diminuent et se relativisent. A cela il faut rajouter les divisions internes du péronisme [avec la candidature dissidente de Sergio Massa, péroniste de droite, et des dissensions au sein même du kirchnérisme, dans la province de Buenos Aires].

Il s’agit, ici, de l’expression, dans la conjoncture, de déplacements dont les racines plongent dans le passé récent : le péronisme a été remis en question également en 2001 [au cours de la crise et à travers le slogan « que se vayan todos ! », scandé lors des mobilisations massives de décembre 2001 ayant abouti au renversement du président De La Rúa]. Le kirchnérisme s’est présenté par la suite comme un péronisme « différent » et « nouveau », même si, en dernière instance, il a servi à restaurer l’ancien. Sans compter une série de défaites enregistrées par le péronisme au sein du mouvement ouvrier. Avec la crise du système des « barons », l’instrument de contention par excellence reste entre les mains de la bureaucratie syndicale péroniste.

4. Il faut prendre sérieusement en compte ce rejet de la caste politique. Il s’agit d’un phénomène international qui s’est vérifié au cours des expériences les plus récentes, à travers Occupy, le mouvement de la jeunesse mexicaine YoSoy132 ou encore Podemos. En Argentine, cette tendance a une histoire propre, néanmoins, et d’autres caractéristiques.

C’est cette tendance qui a dominé en 2001, même si elle ne s’est pas ancrée d’un point de vue de classe, en raison des faiblesses de l’extrême gauche et d’un mouvement ouvrier qui traversait, alors, une mauvaise passe. Cette tendance a, par la suite, était expropriée et instrumentalisée par la restauration kirchnériste.

Mais cette tendance a refait son apparition, ces dernières années, à la faveur du retour de la question sociale que le kirchnérisme n’a non seulement pas su résoudre mais qu’il a, y compris, aggravé, avec l’augmentation du travail au noir, l’intensification du pillage des ressources naturelles minières par les multinationales, l’aggravation des violences faites aux femmes, des bavures policières, l’appui donné par la bureaucratie syndicale aux gels de salaire.

Cela explique pourquoi le FIT a un appui au sein des secteurs salariés et syndiqués qui ont été à l’origine de différentes expériences, qu’il s’agisse du « syndicalisme de base » ou des mouvements dont ont été à l’initiative les jeunes, les femmes ou les travailleurs précaires qui n’ont pas de syndicat et dont la seule représentation est, par conséquent, le FIT.

A l’inverse de ce que disent certains, pour qui le vote pour Del Caño s’explique par le fait que « les fainéants et les bons-à-rien ne savent pas bien voter », la grille de lecture à développer devrait être radicalement opposée : le fait que le phénomène de rejet de la caste politique s’identifie à l’extrême gauche trotskyste et à ses slogans au lieu de verser dans la « non-politique » représente une avancée pour aller dans le sens de la construction d’une nouvelle identité de classe au sein du mouvement ouvrier.

Dans ce cadre, et bien qu’il ne restent que deux mois pour d’ici aux élections d’octobre pour consolider et élargir les résultats, les PASO indiquent un défi à relever, qui avait déjà été soulevé par les bons scores de 2013du FIT : cette émergence politique qui consolide le FIT et qui est l’expression, pour partie, d’un développement social chez les femmes, la jeunesse et au sein du monde du travail commence à générer de nouvelles forces en vue d’une tâche stratégique : le combat pour récupérer les syndicats des mains de la bureaucratie syndicale et le combat pour la recomposition combative et lutte de classe du mouvement ouvrier, et ce pour développer une politique hégémonique à large échelle.

 

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