France
Après le gros débrayage ã PSA Mulhouse, la colère s’étend dans l’ensemble du groupe PSA
13/09/2013
* Vincent Duse, ouvrier du montage et militant CGT sur le site PSA Mulhouse, membre du Conseil Politique National du NPA pour le Courant Communiste Révolutionnaire
A trois mois de la fin de la grève sur le site de Aulnay-sous-bois contre la fermeture, et grâce au vote des accords dits de « compétitivité » par le gouvernement Hollande-Ayrault, la direction de PSA vient de déclencher une attaque en règle contre les salaires sur l’ensemble des sites. Heureusement, la riposte ne s’est pas fait attendre. Ces attaques comprennent : a) un blocage des salaires qui pourrait durer pendant trois ans 3 ans, alors que par ailleurs les prix n’arrêtent pas de grimper. ; b) la suppression de la prime d’ancienneté versée par PSA après 20 ans de boîte, ce qui entraîne en moyenne des pertes de plus de 50 euros par mois ; c) la baisse de la prime de nuit (ou nuit partiel) qui passerait de 18% ã 15 % et qui ferait perdre 170 euros par mois ã certains salariés ; d) la suppression de la prime de rentrée de 187 euros versée fin août et qui ne fait en réalité que compenser sur un période de 4 semaines la prime de panier que les salariés ne touchent pas pendant les congés ; e) la suppression pour les sites qui en bénéficiaient de la subrogation (le système de maintien de salaire en cas de maladie) qui évite des pertes de salaire en cas d’arrêt ; f)le non-paiement des samedis obligatoires, avec la mise en place d’un compteur et d’une régularisation en fin d’année (ce qui permet ã PSA de « compenser les samedis par des périodes de chômage imposé » ; la baisse du paiement des journées de chômage partiel qui serait de 84 % contre 90 % aujourd’hui. Il s’agit d’une attaque majeure qui vise ã baisser sensiblement la part des salaires dans les dépenses du groupe PSA. Au total, la direction PSA affiche sa volonté de faire 100 millions d’économie sur le dos des salariés soit l’équivalent de 1000 € net par salarié et par an ! En s’appuyant sur la défaite de la grève de quatre mois des camarades d’Aulnay, la direction avait cru bénéficier d’un rapport de forces où la elle pouvait tout se permettre.
Mais la riposte n’a pas tardé, et pas forcément là où on l’attendait...
Dès le vendredi 6 septembre, c’est ã dire le lendemain de l’annonce des mesures de compétitivité ã PSA Mulhouse, on sentait le bon accueil reçu dans les ateliers de Ferrage, Mécanique, CPL et Montage à l’égard du défilé des militants CGT. En Mécanique certains salariés arrêtait le travail pour écouter ce que nous avions à leur dire sur le fait que la seule solution pour contrer cette attaque contre nos vies serait la mobilisation et la grève. Ça discutait bien dans tous les ateliers et même si l’ambiance n’était pas tout de suite à la lutte et au mouvement de grève, nous avons remarqué un changement dans l’état d’esprit par rapport à la possibilité d’une bagarre.
Le lundi 9 il y a même eu un arrêt de travail au secteur QCP (en bout de chaîne), une équipe où il y a une majorité d’ouvrières. Elles ont décidé de se mettre en grève une demi-heure par jour pour protester contre l’accord, en commençant dès ce lundi, malgré la pression de la CFDT et de la CFTC qui leur disait de ne pas débrayer, qu’on ne savait pas encore ce qu’il en était et qu’il fallait attendre. Elles ont tout de même cessé le travail ã 6 avec des sérieuses prises de bec avec la direction.
Dans ce contexte, la journée d’action du 10 septembre prenait un tout autre contenu et la question du lien entre les attaques ã PSA et la question des retraites était donc posée dans les faits.
La CFDT, la CFTC et leur manœuvre risquée
Le mardi matin en arrivant à l’usine nous découvrons un appel fait par ces deux syndicats pour un débrayage d’une heure sur chaque tournée... le mercredi 11 ! C’était évidemment une tentative d’éviter que la colère qui montait ã PSA Mulhouse puisse confluer avec la journée d’action interprofessionnelle et imprimer ã celle-ci un caractère plus combatif. Nous l’avons bien compris. D’autant plus qu’aucun de ces deux syndicats n’appelle au retrait pur et simple ni du projet de réforme sur les retraites (qu’ils soutiennent) ni des mesures prises par PSA pour lesquelles ils demandent des « contreparties ». Avec les camarades de la CGT, nous avons néanmoins décidé d’appuyer leur proposition, car nous savions que le front unique, même partiel, sur cette mesure précise allait donner du courage aux ouvriers et ouvrir la possibilité de déborder le cadre de l’action proposée.
Et nous avons eu raison. Après une participation pas exceptionnelle à la manifestation de mardi (mais avec un taux de grève pas ridicule non plus) le lendemain à la première heure plus de 500 ouvriers ont arrêté le travail et ont défilé dans les ateliers. Ils étaient 850 dans l’ensemble de la journée. Personne ne s’attendait ã une telle adhésion, historique dans un site ou rien de cette ampleur ne s’était passé depuis la grève de 1989 lorsque des milliers d’ouvriers ont arrêté la production pendant sept semaines pour réclamer des augmentations de salaires entre autres. La CFDT et la CFTC étaient visiblement inquiètes des forces qu’elles avaient aidé ã déchaîner sans forcément le vouloir. Elles ont essayé ã tout prix de limiter l’action en proposant aux ouvriers de ne pas défiler dans les ateliers mais d’aller plutôt devant le bureau de la direction qui se trouve... à l’extérieur du site ! Une partie des ouvriers a refusé de les suivre et a continué leur tour de l’usine. Quant ã FO, comme ã son habitude elle était la seule ã ne pas être dans le mouvement, et ã se ranger du côté des syndicats des cadres (CFE-CGC). Face ã un accord de compétitivité qui serait une véritable boucherie pour les ouvriers, sa direction ose aujourd’hui nous dire que les grévistes mettent en danger le groupe ! Et prétendre que ce qui a été obtenu après le débrayage de mercredi est en fait dû à la négociation ! Chacun pourra mesurer ã quel point ce syndicat est « indépendant », comme il le clame : oui, certes, mais des salariés et pas du patron.
La direction prend la mesure du danger
Avant même que la deuxième équipe arrive ce mercredi, la direction du groupe PSA avait déjà reculé sur une partie des mesures, et ce pour l’ensemble des salariés du groupe. C’est la preuve du danger que l’on représente. La prime de rentrée est maintenue, la prime d’ancienneté serait intégré aux salaires pour ceux qui en ont le droit aujourd’hui (mais pas pour ceux qui en auraient dans l’avenir), la prime de nuit est maintenue et le non-paiement des samedis obligatoires est limité. En fait, l’explosion de colère dans un site réputé « pacifique » comme celui de Mulhouse a tiré le signal d’alarme sur la possibilité d’un effet contagion.
Le recul partiel de la direction n’a pas pour autant suffi. L’après-midi on a été encore 350 ã débrayer dans une ambiance très combative. Le matin comme l’après-midi l’arrêt de travail a largement dépassé la durée proposée à la base. A l’équipe de nuit, qui n’était pas concernée par l’appel au débrayage, 50 ouvriers de l’emboutissage sur 60 ont arrêté le travail pendant une heure malgré une grosse pression de la direction. Toute cette combativité s’est exprimée alors même que le jour de la grève comme le lendemain des briefings ont été organisés par la direction pour nous expliquer que l’on n’avait rien compris, que tout ça était un malentendu. A ces réunions les salariés ne se sont pas laissés embobiner, ils exprimaient leur colère et beaucoup ont même refusé d’y assister. Parmi ceux qui restaient, nombreux étaient ceux qui disaient clairement que, même allégé, le projet restait inacceptable.
Et le mouvement commence ã faire tache d’huile...
Le mercredi même Varela, le directeur de l’usine de Sochaux, s’est fait hué devant des milliers de salariés lors d’une présentation de la nouvelle 308. « Varela, pas touche ã ma paie, pas touche ã mes droits ! » disait une affiche. Résultat, la direction a décidé de terminer sa présentation plus tôt que prévu. Et on ne s’est pas arrêtés là : ã Poissy, 17 caristes de l’atelier de montage ont débrayé pendant deux heures, et jeudi ã Vesoul 300 grévistes de l’équipe du matin ont mis totalement à l’arrêt le site et ont bloqué l’entrée et la sortie des camions. Vendredi 13, 200 salariés de l’équipe du matin se mettaient également en grève ã Sochaux.
Vers une action coordonnée inter-sites !
Depuis quelques jours l’idée d’un débrayage coordonné sur tous les sites faisait son chemin dans la tête des militants syndicaux et la date initialement évoquée était le 25 septembre. Mais au vu de l’actualité et des réactions de la part des salariés, cette date devra être sans doute avancée à la semaine prochaine. Elle peut marquer un point d’inflexion dans l’organisation d’une bagarre nationale capable de faire plier la direction.
Pour les ouvriers la nécessité d’un mouvement sur tous les sites va de soi. A Mulhouse certains étaient surpris (et ensuite ne cachaient pas une pointe de fierté) lorsqu’on leur disait que l’action qui avait commencé ã faire reculer la direction n’avait concerné que le site de Mulhouse.
Construire l’unité et avancer dans l’auto-organisation pour gagner
Le succès du débrayage ã Mulhouse montre que même dans des sites avec peu d’expérience de luttes ces dernières années la colère monte et qu’il y une disposition ã se battre. Il montre aussi qu’il y a chez les salariés une aspiration légitime à l’unité car on a besoin d’être soudés pour affronter la direction. C’est pourquoi il est urgent d’avancer vers la mise en place d’un cadre intersyndical dans chaque site et à l’échelle du groupe.
Nous ne nous trompons pas, comme nous le disions au début, sur le fait que les dirigeants de la CFDT et la CFTC n’ont pas la moindre intention de mener une bataille jusqu’au bout pour le retrait de toutes les mesures du plan de compétitivité. Néanmoins il existe aujourd’hui des nombreux syndiqués de ces deux organisations qui veulent se battre et exercent de fait une pression sur leurs dirigeants. Si leurs dirigeants là¢chent l’affaire en cour de route, ce sera une expérience précieuse qui ne fera que renforcer les équipes combatives.
Mais ce cadre intersyndical ne suffit pas. Il faut que les travailleurs se saisissent de l’avenir du mouvement et prennent eux même les décisions. Ce pourquoi il faut commencer ã mettre en place site par site des comités de lutte avec des représentants élus dans chaque atelier ou secteur, quelque soit leur syndicat et qu’ils soient syndiqués ou non. Cela peut démarrer par des réunions de secteur et des réunions syndicales ouvertes aux non-syndiqués jusqu’à être en mesure d’avancer vers ce type d’organisation. Les syndicats devront ensuite se soumettre aux décisions de la base. Une prochaine étape serait de coordonner ces comités à l’échelle nationale avec un comité inter-sites qui décide d’un plan de lutte qui devra passer forcément par la grève pour gagner contre la direction.
Il faut bloquer les accords de competitivité partout !
PSA n’est en fait que le cas le plus emblématique de ce qui est en train de se passer dans de nombreuses entreprises avec des effets sur des dizaines de milliers de salarié-e-s : ã STX Saint-Nazaire, à la Française de Mécanique ã Douvrin, ã Ascométal, ã Behr France, à la SBFM ã Caudan (groupe Renault), dans le groupe ELBA, ã Michelin, chez Renault... Et cela ne va faire que s’accélérer puisque la loi n’a été validée et publiée que mi-juin, et c’est ã partir de maintenant qu’elle va se mettre en place !
Dans ce contexte, une lutte à l’échelle de l’ensemble du groupe PSA peut devenir un exemple pour des milliers de salarié-e-s qui vont subir les mêmes attaques, voire pire, avec les accords de compétitivité. Elle pourrait aussi devenir un moteur pour la lutte contre la nouvelle attaque du gouvernement, celle sur les retraites. Nous, les militants combatifs et révolutionnaires du groupe PSA avons donc une grande responsabilité et beaucoup de travail devant nous !
13/09/2013