Elections au Brésil
Dilma a gagné mais le gouvernement sort affaibli
28/10/2014
La présidente sortante, Dilma Russef, a été réélue avec 51,64% des voix face ã Aécio Neves qui a obtenu 48,36% des voix. Pour une élection présidentielle au Brésil, c’est la différence la plus courte depuis 1989, lorsque Collor de Melo et Lula s’étaient affrontés.
Malgré la victoire, le Parti des Travailleurs (PT) de Dilma et Lula sort plus affaibli que lors des trois dernières élections, plus encore si l’on prend en compte qu’il devra gouverner un pays qui a connu des mobilisations populaires importantes depuis juin 2013 et dont l’économie est de plus en plus détériorée. Quant à la droite (Parti Social Démocrate du Brésil -PSDB), elle la situation ne lui a jamais été aussi favorable depuis qu’elle a perdu la direction du pays en 2002 face au PT.
Une victoire au goût amer
Lors des élections de 2010, Dilma avait obtenu 55,8 millions de votes au deuxième tour, c’est-à-dire 56% des voix. Cette fois-ci, la candidate du PT a obtenu 54,5 millions de votes, 1,3 millions de moins. Mais au-delà de ces voix passées du PT vers le PSDB, la droite a aussi récolté les 6 millions de voix correspondantes à l’augmentation des votes valides. C’est cela qui explique qu’alors que le candidat de l’époque, José Serra, avait gagné 43,7 millions de voix, Aécio en obtient aujourd’hui 51 millions.
Dans l’Etat de Sao Paulo, le PT a enregistré une défaite importante. En 2010, il y avait obtenu dans 10,5 millions de voix, un chiffre tombé ã 8,5 millions cette année. Si on additionne les 1 million d’électeur supplémentaires ayant soutenu le PSDB, la chute de Dilma atteint 10%.
Dans l’Etat de Santa Catarina la situation n’a pas été très différente : le vote pour le PT a chuté de 8%. A Rio et ã Minas Gerais, malgré le fait que Dilma arrive en tête, elle perd 6% des voix. A Parana, la droite a gagné dès le premier tour tandis que Dilma perdait 5% des voix. A Rio Grand do Sul et ã Espiritu Santo, le PT chute de 3%.
Autrement dit, dans les régions sud et sud-est (les plus riches du pays) le PT a soit été vaincu soit a été fortement touché et en sort affaibli. Dans tous ces Etats il n’y a pas seulement eu un transfert de voix mais la droite a même augmenté son nombre d’électeurs.
A Brasilia, alors qu’en 2010 Dilma avait obtenu 53% des voix contre Serra, Aécio obtient aujourd’hui 62% contre 38% pour le PT. Dans l’Etat de l’Amazonas, malgré le fait d’arriver en tête, le PT perd 16% de ses voix. A Goias, l’Etat le plus grand de la région centre-ouest, la droite gagne ã nouveau faisant le PT chuter de 6%.
La principale contre-tendance ã cet affaiblissement du PT a été la région nord-est. Si l’on additionne tous les Etats du nord-est et l’Etat du Para (qui est l’Etat de la région Nord qui touche le nord-est), le PT a progressé de 1% par rapport ã 2010, soit 1,7 millions de voix.
Un gouvernement affaibli
Dans la dernière ligne droite, le PT a réussi ã mobiliser un secteur plus large de sa base en affirmant que la victoire éventuelle du PSDB aurait comme conséquence une vague conservatrice et droitière sur le pays. En même temps, cette polarisation qui a permis ã Dilma d’obtenir la victoire augmente les contradictions de son nouveau gouvernement.
D’un côté, cette polarisation n’a été possible qu’en cachant le fait que les trois premiers mandats du PT se sont basés sur des alliances avec une partie des secteurs les plus réactionnaires et oligarchiques de la politique brésilienne ; sur la négation des droits démocratiques les plus élémentaires ; et sur les faveurs faites aux grands monopoles capitalistes au détriment des revendications les plus urgentes des couches populaires, ce qui s’est exprimé en juin 2013.
Autrement dit, pour dialoguer avec les envies de changements qui traversent la société brésilienne, le PT a dû créer des attentes et alimenter des illusions sur le fait que le nouveau gouvernement sera plus ã gauche que le précédent.
D’autre part, ces illusions et attentes vont se heurter ã un gouvernement qui devra répondre aux exigences d’austérité de la part du patronat pour faire face à l’aggravation de la situation économique. Ainsi, même si ce n’est pas encore clair quels seront les rythmes, nous pouvons nous attendre ã des coupes dans les dépenses sociales pour faire face à l’endettement de l’Etat, ã une augmentation du chômage pour faire face à l’inflation, une augmentation des impôts, etc.
De plus, étant donné que la droite est sortie renforcée par les élections, le PT sera davantage dépendant des alliances avec les oligarchies réactionnaires, ce qui renvoie aux calendes grecques les promesses électorales comme l’octroi des droits démocratiques les plus essentielles pour les femmes et les LGBT, ou encore le droit à l’avortement.
Autrement dit, les attentes les plus ã gauche se heurteront ã un gouvernement plus affaibli et plus ã droite. Il s’agit d’une perspective qui laisse ouverte la possibilité d’un resurgissement des forces libérées dans les grandes mobilisations de juin 2013 et les grèves qui ont touché le pays ces derniers mois.
27/10/2014.