Les p’tits papiers et le contrôle ouvrier…
La lutte des travailleuses et des travailleurs de M-Real pour le maintien de l’emploi
06/11/2011
Par Nicolas Sambat
« M-Real vous voulez vous barrer ? Barrez-vous, l’usine on va la faire tourner ». Voilà ce que disait Thierry Philippot, secrétaire CGT du comité d’entreprise, lors de la journée porte ouverte de production sans patron que les salariés de l’usine de papeterie ont organisée samedi dernier. Plus de 2000 visiteurs ont répondu à leur appel lorsqu’ils ont décidé de s’approprier l’outil de travail et faire tourner l’usine l’espace d’une journée afin de montrer que leur usine est en bonne santé, contrairement ã ce que raconte le patron de la multinationale finlandaise, Mikko Helander. L’usine existe depuis 1954. 630 salariés y travaillent et leur savoir-faire ainsi que la haute technologie des machines en font l’une des plus performantes d’Europe. Les M-Real étaient fiers de nous les montrer samedi dernier. Et pourtant Mikko Helander veut fermer le site et mettre laisser les travailleuses et les travailleurs sur le carreau.
Il semble quand même « s’inquiéter du sort des salariés » disaient ironiquement les ouvriers samedi samedi.
Il semble quand même « s’inquiéter du sort des salariés » disaient ironiquement les ouvriers samedi samedi. En effet Helander ne veut pas d’un repreneur qui ferme au bout de deux ans et mette les salariés dehors. Deux repreneurs sont d’ailleurs en concurrence : le thaïlandais Double A et le français Fin’activ mais les négociations n’ont pas abouti car selon M-real « ni l’un ni l’autre n’ont pu apporter les garanties suffisantes pour assurer la pérennité, même ã court terme, du site d’Alizay et l’avenir des salariés concernés ». Quel cynisme du patron qui s’inquiète tout d’un coup de « l’avenir des salariés » alors que lui même est en train de les licencier !
Ce sont aux travailleurs eux-mêmes de s’inquiéter de leur avenir et de le prendre en main. Que ce soit M-Real ou des repreneurs, les patrons n’ont que faire de l’avenir des salariés. Leur seul but est de maximiser leurs profits en les exploitant ou en les jetant quand ils estiment n’en avoir plus besoin. Face à la fermeture annoncée de l’usine les salariés revendiquent le maintien du site et de leurs emplois, quitte ã ce que ce soit un autre patron qui reprenne l’entreprise et c’est bien normal. Mieux vaut garder son travail sous un autre patron que de partir avec des indemnités éphémères pour au final se retrouver au chômage.
En organisant cependant la journée porte ouverte de samedi les M-Real n’ont pas seulement montré que l’usine fonctionnait bien. Ils ont aussi montré qu’ils étaient capables de la faire tourner sans patron. Une usine peut fonctionner sans patron, mais pas sans ouvriers. C’est aussi ce que montrent les ouvrières et ouvriers de Zanon en Argentine depuis 10 ans. D’ailleurs, ceux-ci ont adressé un communiqué de solidarité aux travailleurs de M-Real (reproduit ci-dessous). En France, depuis fin août, les Fralib se posent la question de relancer la production de thé eux-mêmes en gardant la marque Eléphant. Les Philips ã Dreux ont fait l’expérience de 10 jours de contrôle ouvrier de la production en janvier 2010 avant que la direction n’y mette fin avec la complicité du syndicat vendu FO.
Mais pour faire fonctionner une usine sans patron encore faut-il assurer l’approvisionnement en matière première ainsi que la vente du produit fini, surtout dans un marché capitaliste hostile. C’est là où le mot d’ordre de « nationalisation des entreprises qui ferment ou qui licencient sans indemnisation ni rachat sous contrôle des travailleurs » prend tout son sens. De plus les M-Real produisent du papier, soit une des fournitures les plus utilisées dans les Ministères, l’administration, les écoles, etc. Autrement dit, ce ne sont pas les débouchés qui manquent en la matière. L’Etat qui « sauve » les banques et versent des millions, voire des milliards parfois aux entreprises capitalistes, comme dans le cas de l’industrie automobile, devrait être en mesure d’assurer ces débouchés semble-t-il…
Bruno Le Maire, ministre du gouvernement Sarkozy et député de l’Eure, se dit « mobilisé depuis plus d’un an pour l’avenir du site d’Alizay ». Décidément, c’est comme avec le patron ! Le ministre semble lui aussi s’inquiéter de l’avenir des salariés ! S’il veut vraiment sauver le site et les emplois, pourquoi ne se mobilise-t-il pas pour la nationalisation de M-Real en laissant les salariés gérer eux-mêmes la production ? Les Zanon depuis 10 ans, les Philips pendant 10 jours, et, dans une certaine mesure, les M-Real samedi dernier, ont montré la voie ã suivre face à la crise capitaliste et à la multiplication des licenciements. Mais en plus de devoir se réapproprier l’outil de travail pour aller vers une expropriation généralisée des entreprises, il faudra aussi mettre en place un gouvernement des travailleurs, non pas seulement pour assurer un plan de production, mais aussi pour lui donner un autre sens, la mettre au service des besoins de la population.
Les salariés de M-Real sont en grève depuis le 18 octobre dernier et ont réussi ã obtenir le paiement des jours de grève après avoir couper l’électricité des bureaux de la direction. Au-delà de l’anecdote de la coupure d’électricité, cela montre que lorsque les travailleurs sont déterminés, ils peuvent obtenir ce qu’ils veulent. La fermeture définitive du site s’annonce pour fin novembre. Plus que jamais il faut multiplier les actions de solidarité et être inconditionnellement aux côtés des salariés, à l’image de la journée de samedi ; à l’image des ouvriers de Zanon qui leur ont adressés un communiqué de solidarité depuis l’Argentine.
A Fralib comme ã M-Real ou PSA Aulnay et Sevelnord : nationalisation sans indemnité ni rachat des entreprises qui ferment ou licencient, sous contrôle des travailleuses et des travailleurs !
01/11/11