FT-CI

Chili : Vive la lutte des étudiants et des travailleurs

La rentrée [de la lutte] des classes au Chili

15/09/2011

L’hiver austral chilien a été chaud. En dépit de l’ouverture de négociations entre le gouvernement de droite de Sebastián Piñera et la direction bureaucratique du mouvement étudiant et enseignant, la jeunesse chilienne n’a pas baissé les bras et continue ã réclamer le droit ã une éducation gratuite, publique, laïque et de qualité. Elle continue ã protester contre un des piliers du régime post-Pinochet qui fait de l’enseignement un secteur qui, plus que dans n’importe quel autre pays, est étroitement lié aux intérêts du patronat et du privé qui fait sur le dos de la jeunesse de juteux profits.

A la différence du mouvement lycéen de 2006, la « révolte des pingouins » comme sont appelés au Chili les lycéens en raison de leur uniforme, le mouvement de la jeunesse de 2011 n’a pas seulement joui au cours de ces trois derniers mois d’un soutien encore plus important de l’ensemble de l’opinion publique et des classes populaires. Les 24 et 25 août le pays s’est retrouvé paralysé par une grève générale de 48 heures en appui à la jeunesse. Face à la pression existante ã sa base et bien qu’ayant tout fait pour que le secteur privé ne soit pas pleinement en capacité de se joindre à l’appel, la Centrale Unique des Travailleurs, codirigée par le centre-gauche (la « Concertation [1] ») et le PC a été contrainte d’appeler à la grève.

Les violences policières ont redoublé d’intensité tout comme la combativité de la jeunesse étudiante à laquelle se sont joints les lycéens des établissements généraux, techniques et professionnels. C’est ainsi que le meurtre du jeune Manuel Gutiérrez le 25 août par les carabiniers, loin d’entamer la détermination du mouvement, a fait vaciller un peu plus Piñera et son gouvernement. Après avoir eu recours, sans succès, à la répression et à l’instauration de l’état d’urgence le 4 août, il ne restait plus à la droite chilienne que d’essayer d’ouvrir des négociations avec les étudiants, lycéens et enseignants. Tirant parti d’une des plus grandes faiblesses du mouvement, ã savoir l’absence de coordination par en bas apte ne serait-ce qu’à contrôler la direction réformiste des syndicats étudiants en enseignants, aux mains des Jeunesses Communistes, du PC et de la Concertation, Piñera a réussi ã remporter une première victoire partielle après trois mois de grandes difficultés.

Rien n’a été négocié puisque le gouvernement ne veut rien là¢cher si ce n’est de vagues promesses de réformes législatives visant ã faire de l’éducation gratuite un droit. La direction de la Confédération des Etudiants du Chili (CONFECH), dirigée par les JC et Camilla Vallejo, ainsi que le syndicat enseignant (Colegio de Profesores) ont néanmoins accepté le dialogue pourri offert par Piñera afin de lui redonner un peu d’oxygène. Pire encore, la base même de la discussion avec le gouvernement qu’ont acceptée ces dirigeants ne fixe même pas comme seuil minimal de négociation l’instauration du droit à l’éducation publique, gratuite, laïque et de qualité immédiatement (ce qui reviendrait ã revenir sur la Loi Générale d’Education (LGE) de 2009, héritière de la vieille Loi Organique Constitutionnel sur l’Enseignement (LOCE) instaurée par Pinochet trois jours avant de quitter le pouvoir en 1990 et qui fixe le cadre de l’éducation capitaliste néolibérale qui est en place au Chili). C’est dans cette même logique que Camila Vallejo a tenté de décommander au dernier moment la manifestation du 8 septembre en raison du décès, sur l’île de Juan Fernández, de plusieurs personnalités populaires du monde du spectacle et de la télévision. Elle a dû revenir sur ses propos et la jeunesse est ã nouveau descendue dans la rue, notamment le 8 au soir ã Santiago, la capitale. Trois jours plus tard, le 11 septembre, une date qui au Chili est synonyme du coup d’Etat fascisant lancé par l’Armée sous la houlette des Etats-Unis contre le mouvement ouvrier et populaire et le gouvernement de gauche d’Allende en 1973, les rues du pays ont ã nouveau été le théâtre de manifestations.

Par-delà les manœuvres du gouvernement qui compte bien bénéficier du soutien de la bureaucratie étudiante et enseignante afin de canaliser la colère de la jeunesse, par-delà une certaine lassitude qui se fait sentir dans certaines universités et sur laquelle les médias insistent pour en appeler à la fin des mobilisations, le mouvement chilien est riche en enseignements.

A court terme, le conflit initié il y a trois mois par les étudiants et les lycéens est un véritable casse-tête pour le gouvernement autant que pour les directions majoritaires du mouvement de jeunesse. Se rendre en rase campagne en négociant a minima avec le gouvernement pourrait en effet coûter très cher à la CONFECH, ouvrant une brèche sur sa gauche, ce que le PC cherche ã éviter ã tout prix.

Pour ce qui est de l’impact plus global du mouvement, il faut avant tout tenir compte du fait que l’on a souvent présenté le Chili « démocratique » de l’après-Pinochet comme l’exemple même de l’économie de marché ã suivre en Amérique latine. Avec des taux de croissance importants (pour le plus grands bénéfice des multinationales européennes très présentes dans le pays), une stabilité politique supérieure au reste de ses voisins, un gouvernement de centre-gauche ayant gouverné sans interruption de 1990 ã 2010, on voulait faire passer le Chili comme le modèle ã suivre où, après les années noires du pinochétisme, le centre-gauche administrait « démocratiquement » l’héritage néolibéral et le modèle économique mis en place sous la dictature. Mieux encore avec l’élection de Piñera en 2010, bénéficiant jusqu’à il y a peu d’un soutien apparemment sans faille dans l’opinion, il semblait que les Chiliens eux-mêmes avaient réhabilité une droite qui disait avoir rompu avec son passé fascisant.

La réalité était bien autre. Les grèves dans le secteur minier notamment avaient déjà montré les failles de ce consensus apparent. Le mouvement de la jeunesse a fait le reste. Les étudiants et les jeunes ont non seulement fait émerger le Chili des quartiers populaires, des « poblaciones », celui des enfants des classes populaires forcés de travailler et de s’endetter pour se payer le lycée et l’université. Il a également agi en caisse de résonnance des contradictions sociales et politiques du pays, battant en brèche la popularité de Piñera et permettant au mouvement ouvrier de commencer ã revenir sur le devant de la scène en dépit de toutes les défaites subies depuis prés de quarante ans, ã commencer par la tragédie du 11 septembre 1973.

Tout ceci donne un « argument » chilien de plus aux révolutionnaires et ã une jeunesse qui, au niveau mondial, souffre directement des conséquences directes de la crise capitaliste. On l’a vue à l’œuvre au cours du printemps arabe et elle continue ã être en première ligne, que ce soit en Tunisie dans les manifestations qui se poursuivent en province ou encore dernièrement devant l’ambassade israélienne au Caire, payant un lourd tribut. On l’a vue à l’œuvre dans les rues des grandes villes anglaises et leurs périphéries-ghettos cet été, lançant un coup de semonce, ã sa manière et avec son niveau de conscience, ã une bourgeoisie bien élevée qui n’a pas hésité ã agir contre elle comme elle l’avait déjà fait contre les Irlandais et autour de laquelle a fait bloc la droite comme les libéraux et le parti travailliste. La jeunesse, comme dans toutes ces époques qui sont les prolégomènes ã de grandes crises non pas seulement économiques mais également de classe, montre de quoi elle est capable. La jeunesse chilienne a relevé le défi donc. A nous, révolutionnaires, d’en tirer les enseignements afin de nous préparer.

Nous présentons ci-dessous deux articles extraits de Clase Contra Clase, le journal de nos camarades du Parti Révolutionnaire des Travailleurs (PTR), section chilienne de la Fraction Trotskyste-Quatrième Internationale. Son courant universitaire, Las Armas de la Crítica, a été particulièrement actif au cours des dernières semaines, en lien avec Abran Paso, courant révolutionnaire intervenant au sein de la jeunesse ouvrière, dans les services, l’agro-industrie et les mines ainsi que dans les lycées techniques et professionnels. Dans différentes villes, Santiago, mais aussi Antofagasta, Arica, Valparaiso et Temuco, les camarades ont été à l’avant-garde de la lutte pour défendre la perspective non négociable du droit ã une éducation de qualité, gratuite et laïque, pour que le mouvement de la jeunesse se dote de ses propres organes de coordination et d’auto-organisation afin de battre en brèche la direction bureaucratique de la CONFECH, pour organiser dans la rue, dans les occupations de lycées et de facs et sur les barricades, la résistance face aux forces de répression et aux carabiniers, pour construire l’unité ouvrière-étudiante et pour défendre la perspective d’une Assemblée Constituante libre et souveraine basée sur la mobilisation en cours et son approfondissement pour en finir avec le terrible héritage de la dictature et de la « démocratie » qui lui a succédé et a maintenu l’essentiel de sa politique économique et sociale. L’ensemble de ces analyses ainsi que d’autres informations se trouvent sur la page web des camarades,

11/09/11

  • NOTAS
    ADICIONALES
  • [1La « Concertation » est un cartel de partis de centre-gauche modérés qui regroupe notamment la Démocratie Chrétienne et le Parti Socialiste. La Concertation a gouverné le Chili de 1990, au moment de la « Transition démocratique », jusqu’en 2010. L’ensemble des gouvernements de la Concertation, jusqu’à celui de Michelle Bachelet, a pris bien soin de ne pas bousculer l’agenda néolibéral qui a commencé ã être mis en œuvre au Chili dès le lendemain du coup d’Etat de 1973 par les économistes de l’école de Chicago de Milton Friedman qui avaient trouvé dans le pays de Pinochet un terrain grandeur nature pour leurs expériences économiques férocement anti-ouvrières et antipopulaires.

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