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Le dossier syrien, révélateur de la crise de l’hégémonie américaine

01/10/2013 ou comment les va-t-en-guerre font face ã quelques menues difficultés…

Le dossier syrien, révélateur de la crise de l’hégémonie américaine

Les embûches auxquelles les projets guerriers de Barack Obama et de son (désormais) fidèle chien-de-garde François Hollande ont dû faire face par rapport au dossier syrien agissent, en quelque sorte, en révélateur de la crise de l’hégémonie des Etats-Unis en tant que principale puissance dominant et contrôlant les coordonnées géopolitiques du système capitaliste mondial.

Isolé sur le plan international, là¢ché par son plus fidèle allié, la Grande-Bretagne, où le Parlement a refusé de suivre le Premier-ministre David Cameron, incapable d’entraîner derrière lui les « pays émergents » lors du sommet du G-20 de Saint-Pétersbourg, sans même parler de l’opposition très ferme de la Russie et de l’opposition, au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU, de Moscou et de Pékin, il ne restait plus ã Obama qu’à chercher du côté du Congrès un hypothétique soutien pour son aventure militaire contre Bachar Al-Assad. Mais le rejet dans l’opinion publique américaine de à l’idée d’une nouvelle intervention militaire extérieure et le probable rejet parlementaire ont fini par convaincre le président étasunien de se saisir de la proposition russe pour se sortir momentanément du bourbier syrien dans lequel il avait déjà commencé ã s’enliser. Bien qu’il ait trouvé une porte de sortie, Obama n’en est pas moins affaibli sur le plan intérieur et risque de finir son mandat comme un « canard boiteux », ou « lame duck », pour reprendre cette expression chère aux analystes politiques américains. De façon plus significative, la crise syrienne est appelée ã avoir des conséquences beaucoup plus stratégiques sur la puissance hégémonique que sont les Etats-Unis et ã sérieusement entamer la façon dont cette puissance sera désormais perçue sur l’échiquier international.
Du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale

Jamais depuis 1945 la Maison Blanche n’avait eu ã faire face ã une opposition aussi décidée non seulement de la part de l’opinion publique américaine mais également du Congrès où les interventions militaires extérieures sont généralement approuvées sans trop de remous.

Le ras-le-bol de la population est manifeste. Il ne s’agit pas seulement d’une crise de confiance vis-à-vis des politiques et de leurs mensonges. On se souvient, en effet, des « preuves » exhibées par Colin Powell, le secrétaire d’Etat de George Bush fils, à la tribune des Nations Unies, pour justifier l’intervention contre l’Irak de Saddam Hussein en 2003. Le rejet est bien plus profond. Selon une enquête publiée par The New York Times et CBS quelques jours avant la consultation du Congrès, 75% des personnes interrogées croyait effectivement que le gouvernement syrien « avait probablement fait usage » d’armes chimiques contre des civils, mais même dans ces conditions une écrasante majorité se disait opposée ã une possible riposte militaire des Etats-Unis comme le proposait Obama. C’est cette pression qui a poussé les parlementaires ã camper sur leurs positions en dépit de l’énergie déployée par la Maison Blanche pour qu’ils soutiennent une intervention. Tout ceci est lié à l’héritage paralysant que traînent les Etats-Unis des bourbiers afghan et irakien, exacerbé bien entendu par la crise économique actuelle. Les Américains ne sont pas convaincus que les deux guerres aient eu une quelconque utilité pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale mais savent en revanche combien elles ont coûté au contribuable alors que le réseau d’infrastructures du pays (hôpitaux, écoles, routes et ponts, pour ne prendre que ces exemples), ne cesse de se détériorer et que pendant ce temps, la situation de l’emploi continue d’être catastrophique.

Quel contraste avec « le bon vieux temps » des années 1950 et 1960 ! A l’époque, l’impérialisme étasunien intervenait ã sa guise, au nom de « la lutte contre l’expansion du communisme », pure justification, en fait, pour éviter la victoire des processus révolutionnaires dans la périphérie capitaliste, dans les colonies de l’époque et les pays semi-coloniaux, la zone la plus instable de l’ordre mondial qui avait été dessiné à la suite des Conférences de Yalta et Potsdam. L’impérialisme américain connaissait alors un véritable boom économique. Son hégémonie n’avait aucun rival chez les autres puissances impérialistes, pouvait compter sur une large base sociale de soutien en interne et au niveau international et Washington pouvait utiliser cet argument de la « menace communiste » afin de compacter l’opinion publique étasunienne, mettre au pas ses alliés et supporter les coûts de son interventionnisme sur l’échiquier international. Il suffit de penser que la guerre du Vietnam, à l’image de la guerre de Corée, bénéficiait d’un large soutien au sein de l’opinion publique dans un premier temps. Ce n’est que des années plus tard, avec l’embourbement américain dans la péninsule indochinoise, la résistance héroïque du peuple vietnamien et la hausse des pertes du côté de l’armée américaine qu’un mouvement anti-guerre puissant a commencé ã voir le jour.

Le sentiment de panique provoqué par les attentats du 11 septembre 2001 au sein de l’opinion publique américaine a permis ã Bush de soutenir une politique néo-impérialiste sans avoir ã en payer le prix fort dans un premier temps. Mais les interventions en Afghanistan puis en Irak ont eu un effet boomerang, sapant les bases au sein de l’opinion de toute nouvelle aventure extérieure. Cela ne veut aucunement dire que cette situation actuellement défavorable pour la domination étasunienne soit définitive. Il suffit de penser au retournement de situation, à la suite de la poussée de la contestation post-guerre du Vietnam, qui s’opéra par la droitisation de la situation intérieure après l’arrivée de Ronald Reagan à la Maison Blanche et l’offensive néolibérale lancée au niveau mondial au cours des années 1980. Aujourd’hui cependant, nous nous trouvons dans une phase ascendante de la contestation de la politique impériale. Parallèlement, et à la différence du passé, les retombées des actions impérialistes ne se redistribuent plus de façon aussi uniforme. Au contraire, on assiste ã une polarisation sociale croissante aux Etats-Unis entre une majorité de la population qui voit ses conditions de vie reculer ã grands pas et, de l’autre, une élite de plus en plus riche. C’est dans cette situation qu’il faut chercher le manque de légitimité interne des interventions impérialistes pour lesquelles les étasuniens pauvres et les chômeurs font figure de chair-à-canon pour l’armée US. C’est cette nouvelle configuration sociopolitique qui rend plus compliquée la construction d’une solide base sociale réactionnaire ã même de soutenir l’interventionnisme impérialiste et la reconstituer signifierait passer par de nouvelles convulsions sociales internes ou externes permettant de consolider des solutions bonapartistes à l’image de ce qu’à l’époque de Bush les néoconservateurs avaient tenté de mettre en œuvre sans y réussir.

Le prix ã payer pour être « le gendarme de l’ordre mondial »

Washington doit également tenir compte du prix ã payer de plus en plus élevé qu’implique le fait d’être « le gendarme de l’ordre mondial ». Alors certes l’écrasante suprématie militaire étasunienne est le meilleur des dissuasifs, jusqu’à aujourd’hui en tout cas, face ã toute velléité de remise en cause ouverte de cette domination de la part des autres puissances impérialistes. En même temps, l’arsenal militaire américain a pour fonction de garantir la reproduction capitaliste à l’échelle mondiale et jouit en ce sens du soutien des autres Etats impérialistes. Les Etats-Unis sont vus, par ces derniers, comme la garantie, en dernière instance, face ã toute instabilité géopolitique ou tout soulèvement révolutionnaire dans le monde bien que les mésaventures des dernières années génèrent de plus en plus de points de tensions entre Washington et ses alliés, comme on a pu le constater avant le début de l’intervention en Irak en 2003 ou, encore aujourd’hui, autour du dossier syrien.

Derrière ces difficultés croissantes ã jouer le rôle de « premier gendarme du monde » il faut également chercher les transformations significatives qu’ont connues les rapports entre les pays impérialistes ou centraux et la périphérie capitaliste ou semi-coloniale à la suite, notamment, des intenses luttes de libération nationale qui ont émaillé tout le XXe siècle. La prédominance urbaine des pays ã contrôler, par rapport ã des structures sociales fondamentalement rurales et agraires à l’époque classique de l’impérialisme de la fin du XIXe et du XXe siècles, les nouvelles possibilités offertes en termes de communication et, fondamentalement, une plus grande conscience politique des peuples de la périphérie capitaliste posent davantage de problèmes aujourd’hui, pour les impérialistes, qu’il y a un siècle par exemple. Tout ceci limite fortement la fonction des interventions impérialistes ou, en tout cas, en augmente énormément les coûts, comme l’ont expliqué les marxistes révolutionnaires avant et pendant l’offensive étasunienne déployée par Bush.

Ces difficultés croissantes ã faire usage de la force et l’inefficacité croissante d’une telle option dans la résolution des confits ont été ã plusieurs reprises soulignées par l’une des figures les plus emblématiques de l’establishment américain, Zbigniew Brzezinski, politicien réaliste et pragmatique par excellence, aux états de service assez évocateurs pendant la Guerre Froide, puisqu’il a été l’un des principaux artisans de la débâcle soviétique en Afghanistan dans les années 1980 où il n’a pas hésité ã armer l’opposition islamico-conservatrice au régime de Kaboul, y compris un certain Oussama Ben Laden, de façon ã ce que les soviétiques connaissent, à leur tour, leur propre Vietnam. Au cours d’un discours en Pologne fin 2012 l’ancien conseiller à la sécurité nationale a indiqué ã ses homologues actuels que le « mouvement de résistance, au niveau international, conduit par un activisme populiste, face au contrôle extérieur, est en train de menacer la construction d’un nouvel ordre mondial ». Selon Brzezinski, la domination américaine n’est plus possible en raison d’un changement social accéléré provoqué par « la communication de masse instantanée [qui aurait généré de façon croissante] un réveil universel et massif de la conscience politique ». De ce point de vue, « il est prouvé qu’il est de plus en plus difficile de liquider une résistance persistante et motivée de peuples politiquement conscients et historiquement chargés de ressentiment face ã tout contrôle extérieur » [1]. Brzezinski est revenu sur ses propos il y a quelques semaines dans une interview à la télévision allemande, s’interrogeant sur l’efficacité et même la possibilité de l’usage de la force pour résoudre la crise syrienne : « si l’on tient compte de ce que j’ai appelé dans mes écrits ‘le réveil politique global’, une politique axée sur l’usage de la force soutenue fondamentalement par l’Ouest et, parfois, par d’anciennes puissances coloniales, ne me semble pas le meilleur des chemins ã prendre pour apporter une solution aux problèmes régionaux (…) Les principales puissances mondiales (…) doivent également faire face ã une réalité nouvelle : alors que leur puissance de feu militaire n’a jamais été aussi importante, leur capacité ã imposer leur contrôle sur des masses éveillées à la conscience politique n’a jamais été aussi basse. Pour parler encore plus crument : auparavant, il était plus aisé de contrôler un million de personnes que de tuer un million de personnes. Aujourd’hui, il est infiniment plus facile de tuer un million de personnes que de contrôler un million de personnes » [2].

L’ensemble de ces éléments montrent, à l’encontre de toute vision vulgairement caricaturale, que l’impérialisme américain n’est aucunement limité par sa sur-extension impériale au sens où il serait incapable de soutenir le prix ã payer en termes de Produit Intérieur Brut. Au cours de la Guerre Froide, Washington a consacré une portion beaucoup plus importante de son PIB au budget militaire. La sur-extension qui affecte de plus en plus les Etats-Unis en tant que garant, en dernière instance, de l’ordre mondial, tient au fait qu’ils sont appelés ã maintenir l’ordre dans un nombre croissant de pays périphériques, un nombre en tout cas plus important que celui qu’est disposé ã tolérer l’opinion publique américaine et que les secteurs « contrôlés » sont disposés ã permettre.

Aux racines des zigzags de la politique étrangère d’Obama

C’est dans ce cadre général qu’il faut entendre les changements et les oscillations continues de la position d’Obama par rapport au dossier syrien. En arrivant à la Maison Blanche, l’objectif d’Obama était ne se s’engager dans aucune guerre, en élevant le seuil du « casus belli », ã savoir les raisons ou justifications en fonction desquelles les Etats-Unis choisissent d’entrer en guerre, par rapport ã ce qui avait été la règle pour le Pentagone depuis la fin de la Guerre Froide avec, notamment, l’Opération Tempête du désert et les interventions en Somalie, au Kosovo, en Afghanistan et en Irak. L’objectif d’Obama était d’éviter de jouer un rôle majeur dans les crises jusqu’à ce qu’un équilibre réactionnaire renouvelé ne soit trouvé. C’était une des leçons qui avaient été tirées de l’échec irakien, lorsque la chute du régime de Saddam Hussein a brisé l’équilibre des forces régionales au profit de l’Iran. L’idée était donc de jouer un rôle moins important dans la gestion du système international ou tout au plus de participer ã des coalitions, mais certainement pas d’être un acteur central et encore moins de façon isolée, et ce pour donner la priorité aux intérêts essentiels des Etats-Unis. Il suffit, de songer à l’intervention contre la Libye de Mouamar Kadhafi au cours de laquelle Washington a laissé la première place ã Paris et ã Londres.

C’est ce qui explique la célèbre « ligne rouge » fixée par Obama par rapport ã Damas. Jamais la Maison Blanche n’aurait pu penser que d’une façon ou d’une autre elle aurait été franchie. Néanmoins, une fois l’usage d’armes chimiques prouvé – des armes considérées comme des armes de destruction massive et comme une menace pour les Etats-Unis –, le seuil stratégique ou la « ligne rouge » fixée par Obama se lézardait ã nouveau. Parallèlement, l’idée d’un génocide a réveillé les partisans des interventions humanitaires, au sein de l’administration démocrate comme dans l’opposition si l’on pense aux prises de position du sénateur John McCain. C’est cette contradiction qui explique les zigzags d’Obama. D’un côté, stratégiquement, il ne voulait pas entendre parler de la Syrie. Mais la question « idéologique » des armes de destruction massive et de l’intervention humanitaire l’ont obligé ã changer de positionnement. C’est en ce sens qu’il a brandi la menace de la guerre sans réellement mettre tout le poids des Etats-Unis dans la balance pour appuyer l’option militaire. Cette position, ou plutôt cette contradiction dans les termes, ã savoir annoncer la guerre tout en la réduisant ã une simple posture, a passablement excédé les partisans d’une action militaire américaine pour renverser le rapport de force sur place entre le régime d’Assad et « les rebelles » tout en encourageant les opposants aux menaces proférées par Obama, ã commencer par la Russie.

Une nouvelle fenêtre de tir mise ã profit par la Russie

Pour de nombreux analystes, la gestion de la crise syrienne par la Maison Blanche n’est pas sans rappeler celle de l’administration Carter, il y a plus de trente ans, lors de la crise des otages de l’ambassade américaine de Téhéran en 1980, notamment à la suite de l’échec de l’opération militaire qui était sensée les libérer [3]. Aujourd’hui, le Kremlin essaie de mettre ã profit une nouvelle fenêtre de tir créée par les oscillations d’Obama. C’est en ce sens que Vladimir Poutine a proposé un accord, à la mise en œuvre complexe par ailleurs, visant ã détruire le stock d’armes chimiques syriennes. Ce faisant, Moscou a offert une planche de salut ã Obama, lui permettant de gagner du temps et de renvoyer ã plus tard des décisions difficiles ã prendre. C’est la première fois que la Russie est en capacité de jouer un rôle de temporisateur et de médiation dans une crise majeure depuis la fin de l’Union Soviétique, lorsque Moscou fut complètement marginalisée au moment de l’invasion du Koweit par les troupes irakienne en 1990 suivie de l’intervention conduite par les Etats-Unis début 1991.

Si la Russie sort renforcée de cette crise, son habilité diplomatique est moins due ã ses mérites propres qu’à la faiblesse des États-Unis. En réalité la Russie n’est pas redevenue une des « grandes puissances mondiales », ce sont les Etats-Unis qui ne sont plus ce qu’ils étaient auparavant. C’est en ce sens que les thèses de ceux qui voient dans la victoire diplomatique russe un retour à l’ère de la Guerre Froide ou la preuve d’un « basculement du monde » au bénéfice des nations émergentes et au détriment des vieilles puissances occidentales sont sans réel fondement [4]. Les capacités militaires de la Russie sont bien inférieures ã celles des États-Unis. Les fondements économiques et politiques sur lesquels prend appui Moscou, en grande partie liées ã son rôle d’exportateur de matières premières, sont extrêmement faibles. A cela il faudrait ajouter que la Russie actuelle est loin de jouer le rôle qui était celui de l’URSS, notamment en fonction de son contrôle ouvrier mondial. Le « soft power » de la Russie de Poutine et de son gouvernement autoritaire et bonapartiste est, en ce sens, proche de zéro.
La politique extérieure américaine n’est pas une réédition du vieil isolationnisme… c’est le fruit du déclin impérial

Derrière la réticence d’Obama ã avoir recours à la force, il y a le déclin de la puissance américaine issu des défaites essuyées en Irak et en Afghanistan, et des obstacles rencontrés par Washington pour rétablir sa domination sur une région stratégique encore secouée par les processus complexes qui découlent des printemps arabes et, avec, pour en toile de fond, la crise capitaliste internationale. Quelques jours avant l’intervention télévisée d’Obama sur CNN, l’analyste étasunienne Hillary Mann Leverett, co-auteur de Going to Teheran, soulignait combien le problème stratégique réel était « qu’après les invasions de l’Irak, de l’Afghanistan et de la Libye – avec ã chaque fois un résultat de moins en moins efficace et un retour de bâton de plus en plus fort –, [les Etats-Unis] se trouvent dans une position où, s’ils attaquent la Syrie en suivant le plan Obama, cela montrerait au monde entier que la puissance militaire, politique et économique des Etats-Unis est en sérieux déclin » [5].

Les conséquences de cette faiblesse stratégique que la crise syrienne a révélée ont d’énormes implications dans la capacité des États-Unis ã exercer leur rôle de « premier flic de la planète » et ã imposer leurs intérêts à leurs partenaires et ennemis. Une faiblesse de Washington ã ce niveau aurait des conséquences à long terme et pourrait encourager d’autres pays comme l’Iran ou la Corée du Nord ã défier plus ouvertement les diktats de la Maison Blanche et de ses alliés. Ainsi, au Moyen-Orient, l’accord avec les Russes a été vu plutôt favorablement par l’Iran. En revanche, un possible rapprochement diplomatique entre Téhéran et Washington alarme au plus haut point les adversaires de l’Iran, au premier rang l’Arabie Saoudite et Israël [6]. La Turquie est également inquiète de la récente influence russe dans la région. Par-delà le Proche et Moyen-Orient, l’image des Russes obligeant les Américains ã faire marche arrière est appelée ã avoir des répercussions très importantes, notamment aux marges de la Fédération russe et au sein de l’ancien glacis soviétique, en Ukraine et en Azerbaïdjan, des pays clefs pour l’approvisionnement en hydrocarbures et gaz, mais également en Europe de l’Est où le capital russe est en train de regagner des positions à la faveur de la crise européenne et d’un certain désengagement américain lié à l’urgence des problèmes proche et moyen-orientaux. À peine sortie de son action en Syrie, la diplomatie américaine a reçu un nouveau coup en Amérique Latine avec la décision de Dilma Rousseff de reporter sa visite aux Etats-Unis pourtant préparée de longue date par le Département d’État et qui devait sceller la réconciliation entre Brasilia et Washington à la suite des révélations sur l’espionnage de la NSA vis-à-vis de la présidence brésilienne. là encore, la faiblesse montrée par les États-Unis par rapport à la Syrie se répercute sur d’autres dossiers.

L’ensemble de ces éléments indiquent que nous sommes peut-être face ã un nouveau saut dans la perte de l’hégémonie américaine. L’analyste et historien britannique Timothy Garton Ash le dit par ailleurs sans ambages dans les colonnes du Guardian : « pour décrire cette attitude qui se perçoit aujourd’hui aussi bien chez les démocrates que chez les républicains on utilise fréquemment un terme peu imaginatif : ‘l’isolationnisme’. Il est vrai que, périodiquement, les États-Unis se replient derrière leur immense indifférence continentale, à l’image de ce qui s’est passé après la Première Guerre mondiale. Mais aujourd’hui, la situation est tout autre. Même s’il est évident que la réticence actuelle ã intervenir est liée pour partie ã ce passif étasunien, elle s’inscrit aujourd’hui dans le cadre d’un pays qui n’est pas en pleine ascension sur l’échiquier international mais qui, au contraire, est bien conscient (et inquiet) de son déclin relatif », poursuit Garton Ash avant de conclure sur une note extrêmement sombre que « vis à -vis des nombreux détracteurs ou même des ennemis des États-Unis en Europe et dans le reste du monde, je ne leur dit qu’une chose : si vous n’aimez pas l’ancien monde dans lequel les États-Unis intervenaient sans cesse, il reste ã savoir ce que vous penserez d’un monde nouveau où ils n’interviendraient plus » [7].

Ce saut dans la crise de l’hégémonie américaine ne veut pas dire que les États-Unis ont cessé de représenter la principale puissance impérialiste au niveau mondial. Cela ne signifie pas non plus que Washington ne va plus poursuivre des politiques agressives partout où se trouveraient en jeu les intérêts nationaux étasuniens, en évitant notamment que sa supériorité maritime ne soit remise en cause, par exemple que ne prenne corps une puissance contre-hégémonique en Eurasie qui puisse lui disputer le contrôle des mers. Cela ne veut pas non plus dire que cette faiblesse pourra être mise ã profit automatiquement par les masses ouvrières et populaires, notamment lorsqu’elles ont à leur tête des directions réactionnaires. C’est ce que l’on peut voir encore aujourd’hui en Irak, où l’on assiste ã une recrudescence de la guerre civile entre sunnites et chiites, ou encore en Afghanistan, où Washington essaye de négocier avec les Talibans. Il est vrai, en revanche, qu’en raison du rôle étasunien en tant que garant de la gouvernance capitaliste au niveau international, le monde, soumis ã une plus grande instabilité et ã des crises politiques ã répétition, devient plus dangereux pour les intérêts impérialistes, notamment américains. En ce sens, il est temps que les révolutionnaires transforment cette crise historique du principal gendarme impérialiste mondial en force, audace et conviction pour être en phase avec les enjeux de la situation actuelle et surtout aider les travailleurs ã être à la hauteur des événements beaucoup plus convulsifs auxquels nous pourrions prochainement assister.

24/09/13

  • NOTAS
    ADICIONALES
  • [1« Brzezinski : ‘popular resistance’ is derailing the new worl order », infowards.com, 26/11/2012.

    [2Mikael Thalen, « Brzezinski : ‘Global political awakening majing Syrian war difficult », Storyleak, 29/08/2013.

    [3Au moment de la crise des otages, on disait de Carter que « l’on ne prépare pas un mariage en s’entourant de toutes les précautions nécessaires en cas de divorce ». Carter, en effet, avec des Etats-Unis encore sous le choc de la défaite au Vietnam, ne savait pas choisir entre la ligne dure de son conseiller à la Sécurité nationale, Zbigniew Brzezinski et l’approche plus modérée de son Conseiller d’État de l’époque, Cyrus Vance. Obama, de son côté, n’a pas trouvé d’opposition particulière chez ses proches conseillers, à l’image de Susan Rice, à la tête du Conseil de Sécurité Nationale, Samantha Power, la nouvelle ambassadrice des Nations Unies (toutes deux définies par la presse comme des « internationalistes humanitaires ») ou chez son secrétaire d’État John Kerry. Les doutes vis-à-vis d’une intervention en Syrie manifestés par ce dernier tiennent ã sa personnalité mais également à la crainte de prendre des risques après les défaites en matière de politique extérieure essuyées par Bush.

    [4Dans le cas du « basculement du monde », il s’agit de la thèse défendue par François Sabado au sein de l’ex Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale. Voir ã ce propos J. Chingo, « ‘Basculement du monde’ ou énième ‘basculement théorico-stratégique’ ? », 25/05/2012

    [5Analyse de Hillary M. Leverett, « The Syrian crisis and America’s counterproductive quest for Middle eastern hegemony”, reproduite sur goingtoteheran.com, 13/09/13.

    [6Téhéran a passé prés d’une décennie ã essayer, sans succès, d’obliger les États-Unis ã négocier, sans y parvenir. La politique agressive de l’ex président iranien Mahmoud Ahmandinejad n’a pas été suffisante pour mettre Washington ou ses adversaires régionaux comme l’Arabie Saoudite autour d’une table de négociations. Dans la mesure où, plus que jamais, les États-Unis ont besoin des services de Téhéran pour éviter un nouvelle catastrophe au Moyen-Orient, l’Iran pourrait avoir une occasion unique d’établir un nouveau rapport avec les Etats-Unis, d’autant plus que la nouvelle administration iranienne, dirigée par Hassan Rouhani, fait de son mieux pour adopter une attitude conciliatrice.

    [7T. Garton Ash « This crisis resolves little in Syria but says a lot about the United States », The Guardian, Londres, 11/09/13.

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