Olivier Besancenot ne se présentera pas aux présidentielles de 2012
Le problème n’est pas le porte-parole mais l’orientation et le type de parti que nous voulons construire
13/05/2011
La semaine dernière, dans une lettre adressée aux militants du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Olivier Besancenot a fait part de sa décision de ne pas se représenter aux élections de 2012 comme candidat aux présidentielles. La nouvelle a créé un nouveau choc au sein du NPA alors que le parti n’est pas encore remis de la crise de stratégie ouverte lors du premier congrès. Parallèlement cette annonce a été reçue avec un enthousiasme certain par le Front de Gauche de Mélenchon qui voit son espace électoral à la gauche du PS s’élargir.
Alain Krivine lui-même a été contraint de l’admettre : « sur le plan électoral, ça peut être moins bon. C’est peut-être un cadeau indirect ã Mélenchon » (Le Journal du Dimanche, 8/5/2011). Même le PS s’est félicité de l’annonce : « Le PS se voit débarrassé d’un concurrent qui captait un électorat beaucoup plus large que celui de l’extrême gauche. ‘On peut se dire positivement que cela va limiter la division de la gauche’, remarque Benoît Hamon, porte-parole du PS » (Libération, 6/5/2011).
Des arguments de gauche qui ne remettent pas en question la politique et l’orientation opportunistes de la direction actuelle du NPA
Dans sa lettre Olivier Besancenot affirme qu’il n’a jamais voulu être « l’éternel candidat d’extrême gauche » et met en garde contre « les risques de la personnalisation ã outrance » des leaders politiques et contre « la dynamique consensuelle qu’impose la joute électorale et médiatique ã répétition ». Ces arguments de gauche sur l’un des risques que pose le terrain électoral, l’un des moins favorables aux les révolutionnaires car totalement dominé par la bourgeoisie, que ce soit ã travers le système électoral lui-même ou le contrôle des médias, ne remettent pas en question l’orientation opportuniste sur laquelle la direction actuelle mène le parti.
Le problème en effet n’est pas tant le porte-parole que la stratégie et le type de parti que nous construisons. Le fossé entre la popularité d’Olivier Besancenot et celle du NPA n’est pas seulement le résultat de l’action des médias mais celui d’une construction politique délibérément basée sur l’occupation d’espaces politiques vides (électoraux, syndicaux, etc.) et non sur une construction organique au sein de la classe ouvrière et de la jeunesse exploitée et opprimée.
L’absence d’une délimitation programmatique et de classe claire, implicite dans les principes fondateurs du parti, ne peut que donner lieu ã une grande hétérogénéité et ã des orientations politiques diverses et souvent opposées. Cela est vrai aussi bien sur le terrain électoral, syndical que sur celui de la lutte de classes. C’est ce qu’on a pu voir ã différentes occasions, dans plusieurs élections depuis la fondation du NPA, dans l’orientation que les militants défendent dans les syndicats où ils interviennent ou encore dans le manque d’objectifs et de programme d’action communs lors du récent mouvement contre la réforme des retraites. Toutes ces caractéristiques font que le parti n’a que très peu d’identité au-delà de Besancenot lui-même et de sa popularité. Plus grave encore ces ambiguïtés ont fait obstacle ã ce que, dans la mesure du possible, le NPA représente une alternative pour les milliers de travailleurs et de jeunes mobilisés qui voulaient aller plus loin que la politique de conciliation des classes de la bureaucratie syndicale au cours du puissant mouvement de l’automne dernier. Ces ambiguïtés sont aussi un obstacle pour que surgissent de nouvelles générations de dirigeants et de cadres révolutionnaires formés ã « l’école de guerre » que sont le luttes, les grèves contre l’Etat bourgeois, le patronat, la bureaucratie. Ces luttes représentent le lien ou les tâches préparatoires entre la lutte quotidienne et la lutte pour le pouvoir. Ce rapport, la direction du NPA l’articule généralement autour d’un pragmatisme opportuniste ou alors autour de mots d’ordre repeints en rouge mais vide de sens.
C’est en cela qu’Olivier Besancenot embellit dans son courrier la situation et le rôle joué par le parti quand il affirme : « cela signifie qu’ici et maintenant, nous appelons, sans relà¢che et en conscience, tous les anonymes ã s’approprier leur destinée. Voilà pourquoi nous exaltons systématiquement les classes populaires ã faire irruption sur la scène politique en brisant les enceintes dressées par les politiciens dans le but de nous tenir ã distance de l’arène, là où se jouent nos vies. Partout où nous intervenons, nous portons ce message original et subversif : dans les quartiers populaires, les entreprises, les lycées, les facs, sur les marchés, dans les manifs, pendant les élections. Ce message tout terrain qui est la marque de fabrique de notre parti, nous ne devons pas le ternir au nom d’un quelconque « réflexe » électoral ». Il s’agit-là dans un certains sens du discours du NPA qui attire des secteurs contestataires du salariat et de la jeunesse et sur quoi repose la popularité de Besancenot chez ces mêmes secteurs. Force est de constater cependant qu’aujourd’hui ce discours n’est pas réellement porté par une pratique et une orientation conséquentes ã même de transformer cette popularité et ces sympathise en une force militante active et gagner réellement au parti et aux idées révolutionnaires ces jeunes et travailleurs contestataires.
Le NPA à la croisée des chemins
Olivier Besancenot jouait jusqu’à présent, en raison de son poids spécifique, un rôle d’unificateur de l’ensemble du parti, un rôle qu’il lui était d’ailleurs de plus en plus difficile ã jouer. Sa décision de ne pas être candidat en 2012 pourrait approfondir et accélérer les délimitations au sein du parti. Sa décision peut renforcer en interne ceux qui cherchent un front politique avec le Front de Gauche dont la position se consolidait d’ailleurs depuis le dernier CPN. Il suffit de penser que le jour même où l’on apprenait par voix de presse la décision d’Olivier Besancenot Léonce Aguirre signait un appel dans Le Monde « Pour une candidature de la gauche de transformation sociale et écologique en 2012 » aux côtés d’autres personnalités de « l’autre gauche » comme Clémentine Autain ou Christophe Aguiton. Face ã cette alternative stratégique diamétralement opposée ã une politique d’indépendance de classe et qui se maintient clairement dans le cadre du régime démocratique bourgeois les plaintes et les divers appels formulés par les camarades de la Plateforme 2 sont parfaitement impuissants. Ces deniers affirment dans leur motion : « nous demandons ã Olivier de reconsidérer son choix afin de permettre au parti d’en discuter collectivement ». Bien que leurs arguments pour remettre en question la décision de Besancenot soient justes lorsqu’ils soulignent que « la raison pour laquelle le choix de se présenter ou non à l’élection présidentielle ne peut pas être une décision seulement personnelle qui mettrait le parti devant le fait accompli », ils mettent le doigt malgré eux sur l’une des caractéristiques intrinsèques du NPA. Il s’agit d’un parti au sein duquel c’est fondamentalement le porte-parole et son entourage qui décident de presque tout, en dehors des instances démocratiques du parti lui même.
Ce type de fonctionnement n’est pas nouveau. Toutes proportions gardées il est assez analogue à la façon dont fonctionnait la social-démocratie allemande avec sa fraction parlementaire ainsi que sa fraction syndicale au début du XXe siècle. Il s’agit de la méthode qui a progressivement corrompu ce grand parti ouvrier, le conduisant vers une adaptation au régime démocratique bourgeois qui a abouti à la trahison ouverte au début de la Première Guerre Mondiale. Le NPA n’a pas encore d’élus parlementaires dans une large mesure en raison du système électoral français antidémocratique qui nie la représentation proportionnelle. Mais la manière dont fonctionnent ses porte-paroles (ainsi que les membres de la direction dont les propos sont systématiquement relayés par la presse) est assez similaire ã celle de la vieille social-démocratie. Malheureusement, Olivier Besancenot ne critique pas cet aspect de la « personnalisation » qui est peut-être la plus délétère dans la mesure où elle transforme la majorité des militants en sujets passifs, à l’opposé de ce que Besancenot propose comme modèle de société.
Tout ceci n’est pas discuté par Besancenot. Peut-être parce que cela le conduirait ã débattre stratégiquement du type de parti nous voulons construire. Cela tient ã notre avis ã sa lecture erronée de la bureaucratisation de l’ex-URSS et de la dégénérescence du parti bolchevik. C’est pour cela notamment que dans un entretien ã propos des processus révolutionnaires arabes réalisé après son refus de candidature Besancenot déclare : « j’ai vu, quand je suis allé en Tunisie et en Egypte, que les révolutions n’avaient pas besoin de leader, de substitut ou d’avant-garde autoproclamée. Que le peuple fait bien irruption sur la scène politique et que c’est justement pour cela que nous militons. Et nous, ici et maintenant, c’est ce que nous devons faire ã notre échelle » (Médiapart, 7/11/2011). A l’inverse de ce qu’affirme Olivier Besancenot ce n’est pas pour que les masses fassent irruption sur le devant de la scène historique que l’on a besoin de révolutionnaires. Comme le soulignait Trotsky dans le prologue de La Révolution russe « le trait le plus incontestable de la Révolution, c’est l’intervention directe des masses dans les événements historiques. D’ordinaire, l’État, monarchique ou démocratique, domine la nation ; l’histoire est faite par des spécialistes du métier : monarques, ministres, bureaucrates, parlementaires, journalistes. Mais, aux tournants décisifs, quand un vieux régime devient intolérable pour les masses, celles-ci brisent les palissades qui les séparent de l’arène politique, renversent leurs représentants traditionnels, et, en intervenant ainsi, créent une position de départ pour un nouveau régime ». Les révolutionnaires sont nécessaires pour que toute cette énergie révolutionnaire ne soit pas dispersée dans des combats isolés et pour pouvoir les canaliser vers la prise du pouvoir. C’est précisément ce qui n’a pas encore pu être fait en Tunisie ni en Egypte. Il faudrait pour cela pouvoir disposer d’un parti clairement révolutionnaire qui se construit au préalable. Les camarades du CCR-Plateforme 4 luttent pour cette perspective, la seule ã même d’éviter une nouvelle déception et un nouvel échec pour le NPA.