Argentine :
Lettre ouverte du Parti des travailleurs pour le socialisme (PTS-FTQI) à la gauche ouvrière et socialiste
16/12/2007
La lettre ouverte reproduite ci-dessous a été discutée et votée par plus de cent délégués venus de toute l’Argentine lors de la Conférence Nationale du PTS (Parti des travailleurs pour le socialisme, membre de la Fraction Trotskyste-Quatrième Internationale, FTQI) le 16 décembre 2007. Le PTS l’a remise le 18 décembre aux directions du Partido Obrero [1] , de Izquierda Socialista [2] et du Movimiento al Socialismo (MAS) ã qui il a aussi demandé une rencontre afin de connaître leurs positions concernant sa proposition.
Le Groupe CRI, qui avait déjà publié le texte de la campagne commune du PTS, d’IS et du MAS pour les élections d’octobre dernier en Argentine (dans Le CRI des travailleurs n° 28, septembre-octobre 2007), estime que cette démarche à l’égard des organisations qui se réclament du marxisme révolutionnaire est un véritable modèle d’orientation à la fois claire quant aux principes, unitaire et volontaire. Au moment où, en France, se mènent notamment des débats sur un « nouveau parti anticapitaliste » (l’initiative de la LCR), sur un « nouveau parti ouvrier » (créature du PT) ou encore sur la question des alliances admissibles dans le cadre électoral (alliance sans principe de LO avec le PS dès le premier tour), il est clair que ce document peut être médité avec grand profit par les militants révolutionnaires qui veulent à la fois rester d’authentiques marxistes et ne pas s’enfermer dans le sectarisme générateur d’impuissance et de sclérose politiques.
Aux camarades du Partido Obrero (PO), des organisations qui ont fait partie du Frente de Izquierda y los Trabajadores por el Socialismo [3] , ã Izquierda Socialista (IS), au MAS ainsi qu’à tous les groupes et militants de la gauche ouvrière et socialiste [4] , aux travailleurs et étudiants lutte de classe.
Ouvrons ensemble le débat sur la construction d’un Parti révolutionnaire commun.
Notre parti, le PTS, considère urgent de chercher l’unité entre tous ceux et celles qui se réclament de la gauche ouvrière, socialiste et révolutionnaire.
Nous sommes particulièrement préoccupés par le retard de la préparation d’une direction politique et d’un parti révolutionnaire qui puissent intervenir de manière décisive dans l’avenir alors que se préparent de nouvelles crises économiques, politiques, et des affrontements de classe. C’est, de notre point de vue, la principale conclusion que nous pouvons tirer des journées révolutionnaires de décembre 2001 [5] .
Cristina Kirchner [6] , lors de son discours d’investiture, les a qualifiées de « d’événements tragiques ». La principale tragédie de cette crise a été l’absence d’une direction politique qui aurait pu éviter que cette catastrophe économique soit en dernière instance payée par les travailleurs ã travers les mécanismes de dévaluation du peso et le paiement de salaires dans cette devise dévaluée alors que le dollar fort était synonyme de très forte rentabilité pour les grands patrons industriels et l’agriculture d’exportation. La récente crise financière internationale - qui a commencé au cœur du centre capitaliste, les États-Unis - ne mettra pas seulement fin à la croissance économique, mais pourrait également engendrer de nouvelles convulsions sociales. Même s’il est trop tôt pour en annoncer les rythmes, les crises reviendront avec leur lot de misère pour les travailleurs et le peuple. C’est la fin d’une étape qui a permis de dévier les journées de 2001 sur la base d’illusions de millions de personnes qui ont pensé pouvoir améliorer leur niveau de vie petit ã petit alors qu’aujourd’hui réapparaissent les signes d’une crise capitaliste.
De la même manière, l’ensemble des gouvernements latino-américains qui ont réussi ã dévier politiquement l’hostilité des masses à l’égard du « néo-libéralisme » montrent aujourd’hui des signes d’usure et d’épuisement. Au Venezuela par exemple, alors que la droite - ultra partisane du « non » au référendum [7] - n’a pas fait un score plus important que lors des dernières élections présidentielles, des millions de travailleurs qui jusque-là appuyaient Chávez, fatigués par les promesses non tenues du « socialisme avec les patrons », ont rejeté - par l’abstention et dans une moindre mesure par le vote nul - la réforme constitutionnelle, et ce au moment même où le régime chaviste prépare des accords avec la droite pro-étasunienne qui, après avoir échoué dans le passé dans sa tentative de coup d’État, continue aujourd’hui ã conspirer, se parant d’oripeaux « démocratiques ». En Bolivie, la droite - renforcée par des années de mesures conciliatrices menées ã son égard par Evo Morales - demande ã ses partisans de descendre dans la rue et proclame l’autonomie des régions qu’elle gouverne afin de répondre ã sa façon, de manière réactionnaire, à l’urgence des revendications paysannes et ouvrières qui ont vu le jour avec les soulèvements de 2003. Tout ceci n’est que le présage de futurs affrontements de fond laissant apparaître une tendance larvée à la guerre civile.
Dans ce cadre, les premiers jours de gouvernement de Cristina Kirchner ont laissé apparaître de premières tensions qui en annoncent d’autres. Le second mandat des Kirchner sera plus ouvertement réactionnaire que le premier. Le Pacte Social qu’ils veulent imposer « par en haut » se base sur de fortes augmentations des prix, des restrictions salariales, l’augmentation de l’exploitation ouvrière ã travers des clauses de productivité, la répression de l’avant-garde et des nouveaux délégués issus des luttes, mais également par le biais de la création d’une force politique « officialiste » capable d’appuyer ces « politiques étatiques ». Ce dernier élément est extrêmement important dans la mesure où, loin de supposer que la croissance économique sera éternelle, les Kirchner et leurs partisans se préparent pour les futures crises et ont besoin d’un parti qui puisse jouer un rôle de contention comme l’a déjà fait le vieux Parti Justicialiste (péroniste) après les journées révolutionnaires de 2001.
Il est clair qu’au sein d’une fraction de la classe ouvrière on assiste à l’émergence d’une nouvelle génération qui commence ã faire sa propre expérience avec le « kirchnérisme ». L’arrivée sur le marché du travail de trois millions de nouveaux travailleurs ne subissant plus désormais comme avant la peur du chômage, l’inflation et les bas salaires - la clef du succès du « modèle » des Kirchner - ont entraîné la recomposition de la classe ouvrière, comme en témoigne sa plus grande disposition à la lutte ainsi que la création de nouvelles organisations. La classe ouvrière a commencé une phase d’apprentissage : des fractions de quasiment toutes les branches de l’activité économique sont entraînées dans la mobilisation et, avec des inégalités d’un secteur ã un autre, font l’essai de formes de lutte et d’organisation, commencent ã élire de nouveaux dirigeants et progressent dans leur expérience. Dans ce cadre, les actuelles luttes économiques tendront ã se transformer en des luttes politiques qui finiront par affronter le gouvernement et son Pacte Social.
Enfin, face aux prochaines crises, différentes variantes de centre gauche se mettent sur pied et veulent se présenter comme quelque chose de nouveau alors qu’elles ne font que rééditer les vieilles recettes du passé. Comme lors du déclin [Ã la fin des années 1990] du ménémisme [politique néo-libérale brutale du président Menem] on commence ã voir apparaître des « dissidents » au sein même de la direction des partis patronaux qui ne sont capables que de mener ã de nouvelles impasses. (...) Toute variante de conciliation de classe amène ã subordonner les travailleurs aux alliances avec des partis patronaux qui se présentent comme « progressistes », mais finissent par être des « alternatives » utiles aux capitalistes mais désastreuses pour le peuple travailleur.
Deux dangers
Face ã ces possibles scénarios nous voyons deux graves problèmes dans les orientations de la gauche et tous deux sont un obstacle sur la voie de la préparation d’une direction révolutionnaire.
Le premier écueil consiste ã céder aux nouveaux projets du centre gauche. C’est la politique de ceux qui parlent de « nouvelles gauches » sans délimitation de classe, de « partis larges » qui cherchent « l’unité entre les réformistes et les révolutionnaires » ou de « fronts anti-libéraux » permanents avec le centre gauche. Ils rabaissent le programme ouvrier et socialiste et transforment des tactiques indispensables comme la participation aux élections ou la conquête de positions au sein des syndicats en une orientation stratégique. Il ne s’agit en fait que d’une sorte d’actualisation de la vieille idée de la « stratégie d’usure » apparue au début du siècle dernier dans le mouvement ouvrier et qui était avancée par la social-démocratie allemande. Celle-ci soutenait que la classe ouvrière deviendrait dominante par voie pacifique et évolutive de par son poids numérique en conquérant des syndicats et des « majorités parlementaires » sans avoir besoin pour autant besoin d’une stratégie pour détruire l’État capitaliste. Il s’agit d’une stratégie qui ne vise pas ã préparer des partis révolutionnaires pour la lutte de classe, mais ã construire des partis cherchant des marges de manœuvre au sein même du régime et qui entendent profiter des « espaces » qui s’ouvrent à la gauche des gouvernements actuels. C’est là la politique du PSOL [8] au Brésil ou de son imitateur argentin, le MST de Vilma Ripoll [9] .
Nous pensons que l’autre danger est que ceux qui se revendiquent de la stratégie révolutionnaire ne mettent pas tout en œuvre en vue d’une politique de rapprochement visant ã regrouper toutes les forces possibles ou au moins clarifier nos différences afin de ne pas retarder la construction d’un véritable grand parti révolutionnaire. Il ne suffit pas de maintenir chacun de notre côté une certaine « clarté politique » en attendant que les prochaines crises entraînent un renforcement de nos courants respectifs. Nous y insistons : les crises ne signifient pas automatiquement un renforcement de la gauche révolutionnaire si nous ne les affrontons pas préparés à l’avance avec des dizaines de milliers de militants réellement implantés dans les principales concentrations ouvrières, populaires et étudiantes du pays.
Notre appel n’a rien ã voir avec une certaine routine, imposée par le régime, d’ouvrir des débats au sein de la gauche en phase préélectorale. Notre urgence est due à la nécessité de prise de conscience par tous de la difficulté de construction d’un tel parti qui ne peut être crée du jour au lendemain ni même s’improviser au beau milieu des crises mais doit au contraire se forger au préalable au contact des formes les plus diverses de luttes, depuis les grèves économiques actuelles qu’il nous faut considérer comme de véritables « écoles de guerre » jusqu’à la structuration d’éléments d’autodéfense contre la répression étatique ainsi que diverses expériences préparatoires aux combats décisifs futurs.
Il va de soi que chacune de nos organisations pense mener ã bien cette tâche. Il est évident cependant que tous ces efforts sont loin de couvrir l’énorme brèche qui existe entre le marxisme révolutionnaire et les secteurs avancés de la classe ouvrière. Nous croyons qu’un parti révolutionnaire commun, construit sur de solides bases stratégiques, multiplierait énormément l’efficacité de notre action.
Toute autre orientation reviendrait ã faire preuve d’un spontanéisme néfaste et ne pourrait que nous mener, que nous le voulions ou non, ã n’être que de simples « sociétés de propagande » qui ne se préparent pas ã vaincre lors des futures crises révolutionnaires. C’est pour cela que nous appelons dès aujourd’hui l’ensemble des organisations partageant une même stratégie révolutionnaire ã tout mettre en œuvre afin d’avancer dans le sens d’un parti révolutionnaire, un combat en commun qui serait reçu par les milliers de militants et de sympathisants de la gauche lutte de classe avec beaucoup d’enthousiasme.
Le test du chavisme
La croissance économique de ces quatre dernières années ainsi qu’une forte consommation des classes moyennes ont recréé sur le continent de nouvelles illusions quant à la fin annoncée des crises capitalistes et de possibles solutions ã appliquer « par en haut » dans le cadre d’un régime social inchangé. Cette tendance a eu un impact très fort sur différents secteurs de gauche où se sont renforcées les tendances réformistes. Ces dernières se basaient sur la fausse idéologie selon laquelle les gouvernements « post-néolibéraux » représenteraient des lieux de « dispute » à l’intérieur desquels les organisations ouvrières et de masse pourraient résoudre en leur faveur le rapport de force général. Sur tout le continent, la théorie des « gouvernements (et des États) en dispute » fait désormais partie du patrimoine d’un large cercle politique qui va du centre-gauche à la « nouvelle gauche » soi-disant « socialiste » mais qui se confond en fait avec le réformisme.
La version la plus droitière de cette tendance est représentée par les bureaucraties semi-officialistes de la PIT-CNT en Uruguay qui soutiennent Tabaré Vasquez, un président ouvertement pro étasunien, les secteurs de la « gauche » du PT brésilien ou encore la direction officielle de la CTA en Argentine, qui cherche ã se faire une place de négociateur au sein du « Pacte Social » proposé par Cristina Kirchner et fait même partie de la majorité municipale kirchnériste de Neuquén.
Il existe également des versions un peu plus « antigouvernementales » de ces tendances, avec en premier lieu en Argentine le « Proyecto Sur » [Projet Sud] porté par le cinéaste et candidat à la présidentielle Pino Solanas ainsi que par Claudio Lozano de la CTA [10] . Proyecto Sur défend un programme de « récupération du pétrole national » sans expropriation ni administration ouvrière et une « démocratie participative » au sein d’un « État national fort » à la vénézuélienne.
Pour ce qui est de la version « socialiste » de cette stratégie, on la retrouve en Argentine défendue par le MST de Vilma Ripoll. Après s’être auto-proclamé « la nouvelle gauche » sans aucune délimitation de classe, le MST en vient aujourd’hui ã appeler ã « l’unité de la gauche avec le centre gauche » de Solanas et compagnie.
Dans son actuelle version latino-américaine, cette politique consistant ã mêler le drapeau du socialisme ã celui du « nationalisme bourgeois » trouve son expression la plus achevée au Venezuela, où ses partisans sont pour participer au PSUV vénézuélien [11] , le parti du « socialisme avec les patrons » du président Chávez, le parti du gouvernement du capitalisme des entreprises mixtes entre l’État et les compagnies pétrolières étrangères.
Loin d’aller dans le sens du devoir des révolutionnaires de se retrouver en première ligne, comme lors de la tentative de coup d’État d’avril 2002, en cas d’attaques de la réaction pro-impérialiste vénézuélienne, l’adhésion au PSUV représente une subordination politique et programmatique complète au chavisme qui ne cesse de passer des accords avec la droite, lui permettant ainsi de survivre.
Fidèle ã sa ligne cherchant ã modifier les rapports de forces au sein même de l’État bourgeois, le MST [argentin] et ses alliés au Venezuela, notamment Marea Clasista y Socialista, affirmaient peu avant le référendum que « la consigne de ‘Patrie, Socialisme ou la Mort, nous vaincrons’ signifie au Venezuela la formule suivante : pour vaincre, il faut combattre et démettre de leurs postes tous les bureaucrates et les corrompus » (Marea Clasista y Socialista, organe des pré-adhérents du PSUV, novembre 2007). Après la défaite de Chávez ces organisations ont approfondi cette orientation. On pouvait ainsi lire dans une déclaration du 6 décembre que, « de concert avec tous les secteurs socialistes bolivariens, nous attendons un changement profond et urgent de l’équipe de gouvernement... Il faut que le Président regarde de près cette situation qui a pesé énormément au moment de choisir pour le ‘non’ ou l’abstention ». En accord avec le discours officiel du chavisme, le MST et ses courants alliés au Venezuela ont non seulement appelé ã appuyer la réforme constitutionnelle du gouvernement, mais poussent aujourd’hui ã une sorte d’épuration d’un appareil d’État qui n’en reste pas moins garant des rapports capitalistes.
Notre courant international, la Fraction Trotskyste-Quatrième Internationale (FTQI), comme celui de IS, la UIT, du PO, le CRQI, et comme le MAS, ont adopté une position qui, en dépit de leurs variations tactiques, partait des même présupposés pour rejeter la réforme constitutionnelle chaviste. Nous avons effectivement tous dénoncé son caractère capitaliste (défense de la propriété privée) et bonapartiste face aux organisations ouvrière (négation des droits démocratiques des organisations prolétariennes), ainsi que son refus de combattre sérieusement la domination impérialiste et les grands propriétaires terriens. Nous soulignons tous la nécessité d’impulser la construction d’un parti des travailleurs qui exprime l’indépendance politique de classe face au PSUV de Chávez.
Programme et stratégie révolutionnaires
L’expérience du Venezuela montre combien il est nuisible que des organisations qui affirment faire partie du mouvement fondé par Léon Trotsky renient les principales leçons de la Quatrième Internationale et utilisent ses drapeaux pour embellir le bonapartisme bourgeois de Chávez. Trotsky ne disait-il pas en juin 1938 (« L’industrie nationalisée et la gestion ouvrière ») que « ce serait évidemment une erreur désastreuse, une parfaite escroquerie que d’affirmer que la route vers le socialisme ne passe pas par la révolution prolétarienne mais par la nationalisation par l’État bourgeois de diverses branches de l’industrie (...). Pour les marxistes, ce n’est pas la bourgeoisie qui bâtit le socialisme (...) » ?
Face ã cette « nouvelle gauche » qui parle de « socialisme bâti par la bourgeoisie », le PTS propose aux camarades du PO, de IS, du MAS, ainsi que de tous les groupes et militants de la gauche de classe, de faire tous les efforts nécessaires pour présenter aux travailleurs un parti unifié qui lutte pour la seule perspective viable, ã savoir, l’expérience vénézuélienne vient nous le confirmer ã nouveau, que la libération nationale des semi-colonies de l’oppression impérialiste et la liquidation de la grande propriété terrienne ne peuvent être menées ã bien par la bourgeoisie nationale, mais uniquement ã travers la mise en place d’un gouvernement ouvrier et de la majorité exploitée et par son État de transition vers le socialisme.
La « nouvelle gauche » se fait l’écho d’une des maximes de Chavez : « Nous ne voulons pas de la dictature du capitalisme mais nous ne voulons pas non plus de la dictature du prolétariat comme le disait Marx. Nous voulons la démocratie, le socialisme. » Le régime capitaliste ne produit pas la misère parce qu’il est antagonique avec cette « démocratie », mais parce qu’une classe minoritaire s’approprie la richesse sociale. Voici la véritable « dictature », complètement opposée ã celle de Marx pour qui les majorités devaient exercer leur « dictature » sur la minorité exploiteuse, rendant ce régime qualitativement plus démocratique.
Il n’existait pas chez Marx, Lénine, Trotsky ou ceux qui ont mis en pratique la « dictature du prolétariat » il y a quatre-vingt-dix ans en Russie, la moindre association avec l’idée d’un commandement de quelques-uns voire d’une seule personne. Bien au contraire, la « dictature du prolétariat » représentait la forme politique par laquelle les masses se dotaient de leurs propres organes d’auto-gouvernement comme lors de la Commune de Paris ou des Soviets de la Révolution Russe.
La défense la plus résolue et la clarification du terme de « dictature du prolétariat » après l’expérience stalinienne doit faire partie du combat de tous ceux qui se revendiquent de la stratégie révolutionnaire. Seul ce nouvel État des travailleurs qui remplacera les forces armées actuelles par l’armement généralisé du peuple et se basera sur un système de conseils de délégués ouvriers, peut initier le chemin vers le socialisme mais contrer également la corruption étatique sur la base de la rémunération des fonctionnaires administratifs et du gouvernement prolétarien en fonction du salaire ouvrier moyen.
Le PTS appelle les camarades du PO ainsi que tous ceux avec lesquels nous avons fait partie du Front de Gauche et des Travailleurs pour le Socialisme (FITS) ã défendre de manière unifiée une stratégie révolutionnaire face aux différentes variantes du réformisme de gauche. Unifions nos efforts en un bloc pour un parti révolutionnaire commun pour ouvrir le débat face ã tous les militants et à l’avant-garde ouvrière au sujet du programme et des méthodes pour construire le parti en accord avec cette stratégie.
Trois axes pour ouvrir le débat
Partant de ce premier point d’accord, nous ne voulons pas non plus cacher les divergences que nous avons avec les camarades du PO ou des autres courants avec lesquels nous avons construit le FITS. Nous pensons cependant que tous les débats que nous avons menés ces dernières années doivent s’inscrire dans une nouvelle perspective.
Il ne fait aucun doute qu’un véritable parti révolutionnaire unifié doit se construire sur la base du centralisme démocratique. Il ne peut être effectivement une somme de tendances permanentes qui s’annulent au moment de passer à l’action. Les « nouvelles gauches » qui défendent l’idée de partis ã fonctionnement souple où cohabitent éternellement des orientations politiques divergentes démontrent ainsi qu’elles ne cherchent qu’à construire des partis pouvant agir uniquement sur le terrain électoral. Pour intervenir dans les luttes, même les luttes syndicales et revendicatives les plus élémentaires, il est inconcevable d’agir avec deux ou plusieurs positions dans une grève, c’est-à-dire face aux bataillons centralisés du patronat, de la bureaucratie syndicale, du ministère du Travail et de la police. C’est encore moins concevable s’il s’agit de vaincre un État capitaliste qui n’hésitera pas ã utiliser tous les moyens répressifs ã sa portée afin d’écraser tout processus révolutionnaire. Ce que nous connaissons comme « centralisme démocratique » n’est pas un dogme mais bien une nécessité qui surgit au sein même de la lutte des travailleurs et du rôle de l’État bourgeois. Tout ceci ne s’obtient pas de manière immédiate bien entendu, mais découle d’un processus de débat franc, loyal et ouvert, ainsi que d’une pratique et expérience communes dans la lutte de classe.
Sans vouloir épuiser tous les sujets de discussion, nous présentons dans cette lettre quelques points de débat qui sont ã nos yeux centraux.
1. Un programme de revendications transitoires et la lutte pour des organismes qui tendent vers le double pouvoir
La recomposition actuelle de la classe ouvrière argentine se développe dans un cadre relativement calme, marqué par la croissance économique bourgeoise, ce qui se reflète dans le caractère du mouvement syndical actuel. Le poison qui se trouve dans la conscience des travailleurs est de considérer que ce développement évolutif et relativement pacifique continuera indéfiniment. Imaginer l’Argentine comme un pays économiquement stable pour des lustres n’est possible que si l’on fait complètement abstraction de la réalité internationale du capitalisme.
La croissance actuelle de la production industrielle mettra la classe ouvrière des grandes entreprises au centre des événements lors de prochaines crises, à la différence de la crise de 2001 qui survenait après des années de récession et de vagues de licenciements.
Un programme de transition qui, en partant des besoins les plus élémentaires, remette en question la propriété privée et tende un pont entre les luttes et le pouvoir des travailleurs, sera de nouveau à l’ordre du jour. La perspective de l’occupation et de l’administration ouvrières des entreprises - à l’image de celles que les révolutionnaires du PTS ont impulsées ã Zanon et ã Brukman - pourra se poser ã une échelle supérieure, c’est-à-dire dans les transports ferroviaires et le métro, dans les grands services privatisés de l’énergie, les télécommunications et la grande industrie. Il nous faut d’ores et déjà mettre en avant des mesures transitoires contre l’inflation en militant dans les syndicats pour la revendication de l’échelle mobile des salaires, tout en luttant pour des comités populaires de surveillance des prix afin de dépasser le strict cadre syndical.
De notre point de vue, toute lutte partielle pour les salaires comme la bataille pour regrouper le militantisme sur une base lutte de classe dans les syndicats afin de dépasser les directions bureaucratiques de la CTA ou de la CGT, doivent être abordées comme des répétitions générales, ã moindre échelle, de formation d’une direction révolutionnaire de la classe ouvrière, une direction révolutionnaire qui puisse offrir une solution face aux futures catastrophes dont l’intensité sera à l’image de celle de 2001. Sur cette voie, le rapprochement de nos forces aiderait ã proposer dès aujourd’hui aux nouveaux militants ouvriers, aux délégués, aux commissions internes et sections syndicales combatives et anti-bureaucratiques, un regroupement dans la perspective d’une tendance syndicale de classe.
Nous devons aborder la lutte contre le génocide de la dernière dictature militaire argentine [12] dans cette perspective révolutionnaire. Nous devons combattre la tentative de « nettoyage du vieil appareil répressif » mise en place par Kirchner, en développant une campagne qui permette de ruiner devant des millions de travailleurs le prestige de l’ensemble des forces armées, afin d’affaiblir le plus possible le pouvoir de feu de ce pilier de l’État capitaliste qui ne reculera devant aucune éventualité afin de sauvegarder l’ordre bourgeois lors des prochaines crises révolutionnaires.
Dans ce cadre d’action et d’organisation unitaire de la gauche ouvrière et socialiste, nous nous devons d’aborder une discussion stratégique pour l’ensemble des militants et de l’avant-garde ouvrière. Le centre de la méthode du programme de revendications transitoires, c’est avant tout un guide pour l’action qui permette de déborder les limites de la propriété privé et du régime bourgeois. C’est pourquoi le PTS met l’accent systématiquement sur la construction d’organisations d’autodétermination des travailleurs et des masses en lutte (comités d’usine, coordinations ou autres formes d’organisation en fonction de l’expérience des travailleurs eux-mêmes) dans la perspective de former des conseils ouvriers qui dépassent la segmentation syndicale et constituent leurs propres milices, en totale opposition avec l’État capitaliste. Cette question doit sans aucun doute faire partie intégrante d’un débat nécessaire pour aller dans le sens de la formation d’un nouveau parti révolutionnaire unifié.
2. La lutte pour l’indépendance de classe et la perspective d’un grand parti des travailleurs
Alors qu’entre 2001 et 2003 les mouvements de chômeurs et les usines occupées étaient au centre des luttes aux côtés des assemblées de quartier, depuis trois ans ce sont les travailleurs des services et de l’industrie qui entrent en lutte pour des augmentations salariales face à la dévaluation et à l’inflation ou contre les conditions de plus en plus précaires du travail. Il n’existe quasiment plus de plans sociaux dans les entreprises qui n’aient ã affronter la résistance ouvrière. On assiste également ã des expériences de réorganisation sur les lieux de travail là où, durant des années, il n’y avait pas eu de vie syndicale. Au cours des dernières années, nous avons également pu assister à l’émergence de nouveaux phénomènes populaires à l’image de la lutte de Gualeguaychú [13] ou d’autres mouvements écologistes qui remettent en question certains aspects du capitalisme. Certains secteurs du mouvement étudiant et lycéen tendent ã s’orienter ã gauche. Nous devons absolument avoir une politique vis-à-vis de ces secteurs sur la base de l’indépendance de classe, afin de construire une alliance ouvrière et populaire.
Le PTS essaie de dialoguer avec ces secteurs qui naissent à la vie politique au travers d’un mot d’ordre qui soit capable d’accélérer leur expérience : la formation d’un grand parti de la classe ouvrière. Nous sommes conscients qu’il n’existe pas encore de claires tendances à l’indépendance de classe dans des franges significatives du monde du travail au-delà de certains secteurs d’avant-garde minoritaires, fruit de la maturation de l’action ouvrière qui ne fait que commencer. Comment conquérir l’indépendance de classe de secteurs de masse sans que les travailleurs connaissent de moments fondateurs tel que put l’être le Cutralcazo [14] pour les chômeurs ? Comment conquérir cette indépendance au sein de secteurs importants sans qu’ils surgissent de rébellions contre le capital à l’intérieur même des grandes industries et entreprises ou que l’on assiste ã des mouvements de fond à l’image du Cordobazo [15] ? Nous ne pensons pas que la rupture de classe de secteurs de masse dont les liens avec le péronisme et la bureaucratie syndicale sont encore forts, puisse se faire de manière évolutive et pacifique. Nous pensons cependant que le mot d’ordre de création d’un grand parti des travailleurs peut jouer un rôle éducatif dans les secteurs qui s’éveillent à l’expérience politique et qu’elle est indispensable face aux différentes variantes de fronts de conciliation de classe que promeuvent par exemple la CTA et ATE avec « mouvement politique et social », les patrons de PME et la Fédération Agraire ou encore le regroupement de centre gauche de Claudio Lozano et de Pino Solanas. A l’intérieur de la CTA, cette évolution entraîne une crise éminemment politique et les révolutionnaires se doivent d’y intervenir en s’adressant aux sections de base des syndicats qui rejettent le Pacte Social sur la base d’une proposition allant dans le sens de la constitution d’un grand parti de la classe ouvrière.
Au Venezuela, nous nous retrouvons aux côtés des camarades de IS lorsqu’ils proposent eux aussi la construction d’un parti des travailleurs basé sur les organisations syndicales autonomes vis-à-vis de l’État. Pour ce qui est du débat national en Argentine, nous trouvons cependant que les camarades ont plutôt tendance ã mener une politique « d’unité de la gauche » sans une claire délimitation de classe.
Les camarades du MAS ont quant ã eux adopté une position proche de la nôtre, qu’ils ont baptisée « mouvement politique des travailleurs ». Il nous semble cependant qu’ils réduisent la formation d’un tel mouvement ã un acte volontariste englobant uniquement les forces organisées actuelle de la gauche, sous-estimant le travail systématique, patient et profond, de construction de véritables tendances lutte de classe au sein de l’avant-garde ouvrière.
Nous pensons de notre coté que, même en unissant les organisations de la gauche de classe et socialiste actuelles, il serait nécessaire de poser de la manière la plus large possible la question de la grande bataille ã mener pour la conquête de franges significatives de travailleurs pour l’indépendance de classe. Nous pensons que notre proposition de parti des travailleurs doit s’adresser ã toutes les organisations syndicales combatives et anti-bureaucratiques car c’est un point d’une importance tactique centrale pour ne pas céder au syndicalisme - que Lénine définissait comme une déviation bourgeoise - dans la lutte pour la construction d’un véritable parti révolutionnaire.
3. En défense du marxisme et de la stratégie pour la révolution ouvrière et socialiste
Comme le signalait déjà Lénine, suivant en cela Engels, les marxistes se doivent de donner une très grande importance à la lutte idéologique, élément indispensable, au même titre que les luttes économiques et politiques, pour forger un parti et une direction consciemment révolutionnaire se préparant ã défaire la bourgeoisie.
Si l’on tient compte du fait qu’aucune révolution ouvrière de poids décisif n’a eu lieu depuis plus de trente ans, et plus encore si l’on considère la chute du « socialisme réel » entre 1989 et 1991, les intellectuels de la bourgeoisie ont développé une véritable surproduction d’idéologies réactionnaires contre le marxisme en tant que théorie et programme pour la libération du monde du travail, des idéologies qui sont devenues en quelque sorte un lieu commun diffus et ont été adoptées par le centre gauche tout comme par les « nouvelles gauches », exerçant une influence particulièrement négative sur l’avant-garde ouvrière et de la jeunesse.
L’unité révolutionnaire de nos forces devrait permettre la défense des « fondamentaux » de la théorie marxiste qui sont à la base de la lutte pour la construction de partis révolutionnaires ancrés au sein du prolétariat, ã savoir a) la définition de la phase historique actuelle comme une époque de « crises, guerres et révolutions », et cela contre la réémergence de l’évolutionnisme bourgeois qui se trouve à la source du réformisme ; b) le rôle de la classe ouvrière comme sujet de la révolution socialiste, dirigeant l’alliance des classes exploitées et opprimées ; c) la dictature du prolétariat basée sur les organismes d’auto-organisation des masses (soviets) comme seule phase de transition possible entre la dictature de la bourgeoisie et la disparition des classes et de l’État ã travers le communisme.
Au-delà du grand point d’accord sur le Venezuela et de la stratégie révolutionnaire de laquelle nous nous revendiquons en tant qu’organisations de la gauche ouvrière et socialiste, il continue ã exister un débat quant ã nos différences théoriques et programmatiques concernant la lutte pour la révolution. Nous ne les cachons pas. Pour ne donner que quelques exemples, nous avons eu de nombreuses discussions avec les camarades du PO, notamment au sujet du rôle qu’ils donnent à la tactique du « front unique anti-impérialiste ». Nos divergences sont également assez claires en ce qui concerne la théorie, erronée ã nos yeux, de la « révolution démocratique » dans « le cadre de l’État bourgeois » face aux dictatures et aux régimes fascistes que défendent les camarades d’IS. Ils nous semblent que ces deux positions pourraient, si elles venaient ã être développées de façon conséquente d’un point de vue programmatique, mener à la subordination des révolutionnaires et du prolétariat au nationalisme bourgeois ou ã certains secteurs bourgeois « anti-fascistes ». C’est pour cela que nous devons aborder le débat sur ces questions théorico-programmatiques et toutes celles qui surgiront au cours de la discussion afin d’avancer réellement vers la construction d’un parti marxiste révolutionnaire commun.
Camarades, des milliers de militants de la gauche de classe font partie des luttes quotidiennes, dans les syndicats enseignants, dans le secteur des télécommunications, le rail, le métro, les hôpitaux. Dans l’industrie, les militants ouvriers de la gauche de classe essaient de s’organiser sur leurs lieux de travail, dans l’alimentation, le textile, le livre, la métallurgie, face à la double persécution de la dictature patronale et des bureaucrates syndicaux. Des centaines de jeunes travailleurs et lycéens sont sensibles aux idées de gauche. Dans les universités, une large frange d’étudiants de gauche participe activement à la lutte contre le régime universitaire fait de prébendes et de collusions entre le gouvernement et la droite universitaire. Les forces de gauche sont les principaux promoteurs de la lutte contre les responsables de l’enlèvement de Julio Lopez et pour l’incarcération des génocidaires. Même minoritaire encore au sein de la classe ouvrière et de la jeunesse, la gauche peut se transformer en un pôle clair d’opposition de classe et capable de s’adresser aux millions de travailleurs qui font encore confiance au kirchnérisme.
Nous proposons d’avancer dans la formation d’un Comité de liaison pour la construction d’un parti révolutionnaire, qui commence par intervenir en commun dans la lutte de classe, conduise des campagnes internationalistes et structure le débat sur les points programmatiques et sur les divergences existantes.
Nous vous faisons parvenir nos salutations révolutionnaires,
Buenos Aires, 16 décembre 2007
Conférence Nationale du PTS
NOTASADICIONALES
[1] Parti Ouvrier (PO), membre de la Coordination pour la Refondation de la Quatrième. Internationale (CRQI). Toutes les notes sont de la traduction, due ã des militants de la FTQI-Europe.
[2] Gauche Socialiste (IS), membre de l’Unité Internationale des Travailleurs (UIT).
[3] Front de Gauche et des Travailleurs pour le Socialisme, FITS. Il s’agit de la coalition électorale ã travers laquelle se sont présentés le PTS, le MAS, IS ainsi que d’autres organisations aux dernières élections générales en Argentine.
[4] « Gauche » ou encore « gauche de classe » ou « gauche ouvrière et socialiste ». Il s’agit en Argentine de l’équivalent de « l’extrême gauche » française alors que le terme « centre gauche » se réfère à la gauche institutionnelle.
[5] Journées révolutionnaires qui ont secoué l’Argentine et principalement la capitale et sa grande banlieue entre le 19 et le 21 décembre 2001, menant à la chute du président De La Rúa.
[6] Il s’agit de la nouvelle présidente péroniste du pays, épouse de Nestor Kirchner, élu en 2003.
[7] Référendum constitutionnel de début décembre perdu par Chávez.
[8] Parti Socialisme et Liberté (PSOL), dont une des principales dirigeants est Heloísa Helena, dissidente de Démocratie Socialiste (DS, section historique du SUQI au Brésil, courant du PT de Lula).
[9] Mouvement Socialiste des Travailleurs (MST) argentin.
[10] Pino Solanas était déjà l’un des membres fondateurs, avec ce même discours, du Frente Grande, qui a donné naissance au FrePaSo (Front « Pays Solidaire »). Celui-ci essayait de se présenter comme une variante progressiste face au ménémisme, mais avait fini par aider De la Rúa ã arriver à la Présidence - un mandat qui a pris fin il y a six ans avec l’expropriation des petits épargnants par Cavallo et la sanglante répression contre les manifestants de la Place de Mai le 20 décembre 2001. D’importants dirigeants de la CTA, comme De Gennaro (promoteur de Lozano et Solanas) ou Marta Maffei (aujourd’hui « dissidente » de l’ARI) ont appuyé ã cette époque l’Alliance de De la Rúa comme étant une alternative face au ménémisme, en la présentant comme une alternative « réaliste » sur le chemin de « l’humanisation du capitalisme ».
[11] Parti Socialiste Uni du Venezuela impulsé par Chávez lui-même sur une base multi-classiste.
[12] Ayant reçu l’accord de la bourgeoisie argentine et des puissances impérialistes, le coup d’État des militaires argentins de mars 1976 a mis fin au processus social intense ayant commencé avec le soulèvement de Córdoba de 1969 et s’étant poursuivi sous diverses formes et avec divers degrés d’intensité, notamment au mois de juin 1975. La dictature, qui durera jusqu’en 1983, est directement responsable de la mort et de la disparition de plus de 30 000 personnes, les victimes provenant en majorité de l’avant-garde ouvrière.
[13] Il s’agit du mouvement opposé à la construction de deux grands complexes de production de pâte ã papier à la frontière avec l’Uruguay.
[14] La rébellion de 1996 ã Cutral Có dans la province de Neuquén en Patagonie a été l’un des moments fondateurs du mouvement piquetero en Argentine.
[15] Allusion à la semi-insurrection ouvrière et étudiante qui prit le contrôle de la ville de Córdoba en mai 1969.