Francia
S’ancrer dans la classe ouvrière pour être un outil pour la recomposition du mouvement ouvrier
11/12/2014
Une discussion sur l’état actuel du mouvement ouvrier (MO) et notre intervention en son sein est prévue à l’ordre du jour du congrès. C’est une bonne chose. Le gouvernement Hollande et sa capacité ã discipliner les directions traditionnelles de notre classe derrière le programme du patronat, est en effet en train d’accélérer le processus de décomposition qui touche ces mêmes directions. Intervenir dans cette crise pose des questions pratiques et immédiates, comme la nécessité de mener campagne en ce moment pour l’éviction de Lepaon et ses alter-ego et la récupération de la CGT par les travailleur-se-s qui la construisent. Mais pas seulement.
Les implications stratégiques d’une discussion...
Si le NPA a pu compter sur une sympathie réelle de secteurs de notre classe ã ses débuts, il n’a jamais été présenté par la direction majoritaire comme un parti prolétarien, mais plutôt comme celui « des mouvements sociaux ». Dans les contributions qui ont été envoyées sur ce sujet, ou les livres comme celui d’Olivier [1], le prolétariat est décrit comme la majorité de la population, mais une majorité qui aurait perdu sa cohérence et sa capacité ã devenir un sujet historique. Comment veut-on reconstruire la conscience de classe, objectif affiché par certains camarades lors de ce congrès, si l’on n’est pas nous-mêmes convaincus du rôle historique que cette classe pourrait jouer ?
Reconfigurations du tissu productif et des conditions de travail : pas des obstacles insurmontables !
Les camarades qui tendent ã relativiser le rôle central de la classe ouvrière dans la transformation sociale s’appuient souvent sur les transformations objectives que celle-ci a subi pendant les dernières décennies. Nous ne nions pas que depuis le début des années 1970, pour sauvegarder le taux de profit mais aussi pour en finir avec la menace des grands bastions industriels qui avait été ressentie avec force en 1936 ou 1968, les concentrations ouvrières ont été amoindries, disloquées. Dans l’industrie mais aussi plus en général, les procès de travail ont été réagencés, pour favoriser l’isolement, et l’encadrement revu, pour individualiser le rapport entre travailleur-se-s et chefs.
Mais la réflexion ne peut s’arrêter là . Que notre classe ait changé de faciès ne l’empêche pas d’exister, et même d’être le socle de toute la société. Notre tâche doit donc être d’analyser ces transformations, de recenser les secteurs et sites stratégiques, de comprendre les liens de dépendance qui sont au cœur des réseaux productifs. On pourra ainsi redécouvrir que des dizaines de grosses usines organisent chacune plus, voire bien plus, de 10 000 travailleur-se-s, de leur cœur aux sous-traitants en passant par les intérimaires, les services qui leur sont liés, etc. Mais aussi qu’une partie significative des emplois qui ont été détruits dans des secteurs historiquement centraux comme l’automobile, ont été recrées ailleurs, comme dans l’industrie aéronautique ou dans des services tout aussi stratégiques. Ou alors que, toujours plus, les conditions de travail du public s’homogénéisent avec celles du privé, nivellement par le bas qui produit aussi un effacement des barrières qui pouvaient exister au sein de la classe ouvrière hexagonale.
La crise des directions traditionnelles, difficultés et opportunités : comment les saisir ?
Le NPA doit donc reconquérir une connaissance objective du prolétariat d’aujourd’hui. C’est un manque ã notre avis du texte sur le syndicalisme soumis aux débats du congrès. Celui-ci pose néanmoins un enjeu réel quand il évoque les difficultés et les opportunités posées par la crise du MO. Il y a en effet une contradiction entre l’obstacle que constituent la paralysie et la décomposition des appareils existants, et l’émergence de nouvelles couches de travailleur-se-s plus jeunes et combatives, sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour œuvrer ã une recomposition du mouvement ouvrier. Cette dernière ne pourra passer ni par l’occupation des espaces laissés vides par l’effondrement de morceaux de l’appareil réformiste (ce qu’a trop tendance ã faire LO), ni en se désintéressant du « vieux » mouvement ouvrier pour construire à l’extérieur. Ce qui est sur également, c’est que le moteur essentiel de cette recomposition sera la lutte des classes elle-même, et que c’est centralement grâce à l’intervention des révolutionnaires sur ce terrain que des secteurs de la classe, dépassant la confusion qui accompagne souvent leur radicalité, pourront fusionner avec notre programme. Aucun raccourci ã travers la proposition d’une "alternative politique" commune avec les réformistes ne permettra de relever ce défi.
Guillaume (75, CE, CCR-P3) et Manu (31, CCR-P3)
NOTASADICIONALES
[1] La conjuration des inégaux. La lutte des classe au XXIe siècle, paru en 2014 au Cherche midi