TRAFIC D’INFLUENCE…
Une affaire Sarkozy de plus.... est-ce que ce sera l’affaire de trop ?
07/07/2014
L’interview de Sarkozy au « 20h » de TF1, le soir même de sa sortie de garde ã vue, la reprise de ses propos sur quasiment toutes les chaînes TV, les commentaires tous azimuths finissent par totaliser un score époustouflant d’heures d’antenne et d’espace médiatique. Après la campagne virulente et mensongère des médias contre la grève des cheminots, l’interview de Sarko vient opportunément tourner la page. La flambée de colère est étouffée et le projecteur se rallume sur la bonne vieille politique bourgeoise au quotidien.Rappelons que c’est à la demande de Sarko lui-même que cette interview a lieu et qu’Elkabbach, ã qui il répond « les yeux dans les yeux », est un Sarkozyste notoire. Sarkozy, avec toutes ses casseroles, se berluscosnise de plus en plus. Pêle-mêle, il attaque les « juges rouges », la gauche, et se fait passer pour une victime. Comme avec Berlusconi, il y a ceux, ã droite, dont le sort est lié à la personne de l’ex-président qui le défendent bec-et-ongles ; ceux, à l’UMP, qui rêvent de s’en débarrasser ; ceux, « ã gauche », ã commencer par Hollande, qui espèrent qu’en ayant maille ã partir avec la justice, mais sans condamnation, Sarkozy candidat aux présidentielles de 2017, fera office de repoussoir au bénéfice de l’actuel président. Derrière les effets de manche, quel enjeu politique ?
Une affaire ? La belle affaire !
De Cahuzac ã Sarkozy en passant par Woerth, Tapie,Copé et plusieurs autres, les affaires se suivent et se ressemblent au moins sur un point : même si elles continuent ã scandaliser les « honnêtes gens » et surtout la classe ouvrière consciente, elles tendent ã se banaliser, sous l’effet de l’entreprise idéologique de la bourgeoisie. Les« coups » politiques, financiers ou juridiques ne sont que le corollaire du jeu capitaliste où les patrons trichent, les banques aussi, les états renflouent et font rendre gorge aux travailleurs en pillant les fonds publics et en puisant dans les poches des plus pauvres. Et que dire d’un Juppé qui après avoir été condamné ã dix ans d’inéligibilité dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris, fait aujourd’hui figure de présidentiable. Décidément, une chose est sûre : « leur morale n’est pas la nôtre ! »
Des chefs d’accusation qui n’ont rien de "grotesque"
La dernière « affaire Sarkozy » quivaut ã un ancien président de la république une mise en examen pour"trafic d’influence actif", "corruption active" et "recel de violation du secret professionnel"est une situation inédite dans les annales judiciaires.Sarkozy est en effet soupçonné d’avoir promis un poste prestigieux ã un haut magistrat en échange d’informations sur l’avancée de l’enquête Bettencourt. Cette affaire s’était d’ailleurs soldée pour Sarkozy par un non-lieu.
C’est une autre affaire, celle d’un possible financementlibyen de sa campagne électorale en 2007 qui est à l’origine de l’apparition de ces nouveaux chefs d’accusation : en tirant le fil de leurs investigations, autour de cette dernière affaire, les juges ont été amenés ã placer N. Sarkozy sur écoutes. Ils interceptent alors des conversations avec son avocat, Me Thierry Herzog, qui nourrissent leurs soupçons ã propos du comportement de Sarkozy durant l’instruction de l’affaire Bettencourt et entraînent sa mise en examen, ainsi que celles de son avocat et de l’un des deux magistrats concernés.
Au 20h de TF1, Sarkozy réfute en bloc les trois chefs d’accusation cités en les qualifiant de "grotesques". Mais ils sont, bien entendu, gravissimes, y compris du point de vue des institutions bourgeoises.
Un système de défense qui fait pschitt !
En acrobate consommé du sport politique, Sarko tente de retourner la situation ã son avantage via l’interview sur TF1. Il y adopte un système de défense éculé dont il a déjà lui-même usé et abusé:je botte en touche et j’attaque, tout en jouant les victimes. Sa « contre-attaque » est dirigée nonpas contre les trois chefs d’accusation, mais contre les deux magistrates chargées de l’instructionqui l’ont placé en garde ã vue : il incrimine"une volonté d’humilier" et "l’instrumentalisation politique d’unepartie de la justice aujourd’hui".Dommagepour lui, les principaux arguments qu’il avance ne tiennent pas la route, ni aux yeux de l’institution judiciaire, ni aux yeux des travailleurs :
« Est-il normal que je sois placé en garde ã vue pendant 15 heures » ? …dit-il. Des milliers de gens sont tous les jours placés en garde ã vue, et quoi que l’on puisse critiquer des procédures de la justice bourgeoise, elles ne sont pas réservées spécialement ã Sarkozy mais frappent bien plus souvent et plus lourdement les jeunes des banlieues par exemple ou les postiers grévistes du 92.
« Ces deux dames, juges d’instruction (...), m’ont signifié, sans même me poser une question, trois motifs de mise en examen ». C’est l’argument que lui ont soufflé ses avocats. Il vise la juge Claire Thépaud dont il prétend qu’elle veut sa« destruction ».En tout état de cause, serait-il plus normal que les magistrats doivent rendre compte de leur appartenance syndicale pour être en droit d’exercer leur fonction ? Ou, comme le suggère Nadine Morano, qu’il n’aient plus le droit de se syndiquer ?
« Ces deux dames, juges d’instruction (...),m’ont signifié, sans même me poser une question, trois motifs de mise en examen ».Présentée pour justifier le caractère« grotesque »des trois chefs d’accusation, cette pratique relève en fait de la procédure légale et de l’exercice des « droits du prévenu » : le juge d’instruction constate l’identité de la personne et lui fait connaître expressément, en précisant leur qualification juridique, chacun des faits dont il est saisi et pour lesquels la mise en examen est envisagée. Sarkozy n’est donc victime d’aucun acharnement particulier et ce qui « est grotesque » c’est sa propension ã se poser en victime, lui dont les méfaits contre la classe ouvrière ne se comptent plus.
La route vers 2017, une voie royale ou un chemin de croix ?
Sarkozy, rasé de près selon un code signifiant son « retour », a donc voulu pendant 20 minutes s’adresser« aux Français ».Le message était clair, « On m’en veut ; je n’ai rien ã me reprocher, et surtout, je ne renonce pas ã mon projet politique ».
« Les Français » sont-ils prêts à l’entendre ?Selon un sondage publié au lendemain de l’interview,63% des personnes interrogées considèrent que l’ancien chef de l’Etat est"traité comme n’importe quel justiciable". Par ailleurs,52% des français n’ont pas été convaincus par ses explications, (selon un sondageHarris Interactive pour LCP-Assemblée).Dans son propre camp, on estime ã peu près ã 85% le soutien de l’UMP, mais les ténors présidentiables ou non, les Jupé, Fillon, Raffarin co.le soutiennent du bout des lèvres en affirmant une confiance absolue dans la capacité de la justice à « faire son travail ». …Si des fois elle pouvait l’éliminer définitivement du terrain politique…
Quant ã Hollande, il a mis trois jours ã réagir et se cantonne dans des énoncés de principe très généraux : « séparation des pouvoirs »… « respect des droits de la défense »… « présomption d’innocence »… D’indépendance syndicale, d’écoutes, d’implication présidentielle, de soutien à la juge Thépaud ou ã Christiane Taubira… il ne souffle pas mot. On comprend pourquoi. A l’instar du centre-gauche italien qui a tout fait, pendant près de quinze ans, pour que son « meilleur ennemi » Berlusconi ne soit jamais condamné, malgré la kyrielle d’affaires qui lui pendait aux basques, Hollande souhaite simplement que Sarkozy soit écorné par la justice sans que pour autant sa possibilité de se présenter en 2017 en pâtisse ; iI servirait alors de repoussoir et lui permettrait de sortir gagnant des élections grâce à l’appel au « vote utile ». Le président devrait pourtant tirer les leçons de l’expérience italienne et se rappeler que le calcul du centre-gauche s’est avéré perdant.
Tout cela est-il de nature ã changer la donne politique dans la perspective des présidentielles ? Ces joutes médiatiques peuvent-elles entamer encore un peu plus l’image déliquescente du président et du PS ? Cette dernière affaire sera-t-elle l’affaire de trop qui discréditera Sarkozy ?Il faut attendre les prochains déploiements juridiques et politiques pour formuler des hypothèses. Pour l’instant il semble que le plaidoyer de Sarkozy ne l’ait pas véritablementremis en selle. Pour le monde du travail, les classes populaires, la jeunesse, c’est réjouissant d’apprendre de bon matin que Sarkozy se trouve en garde-à-vue. Mais ce qui nous permettra réellement d’en finir avec toute cette caste de politiciens bourgeois, véreux ou complices de véreux, c’est un mouvement d’ensemble, en défense de nos intérêts, contre le système qu’ils défendent et qu’ils servent, et certainement pas l’avancée de tel ou tel dossier dans le bureau d’un juge.
06/07/14