L’un des discours les plus applaudis de l’assemblée du week-end
Avec les travailleur-euse-s, ¡Podemos !
22/10/2014
Les caméras et la presse écrite ont suivi de près les responsables des deux principales plateformes soumises au vote au cours de l’Assemblée Citoyenne de Podemos. Mais un discours en particulier a arraché énormément d’applaudissement et a piqué la curiosité des journalistes : le seul qui faisait explicitement référence à la place et au rôle du monde du travail.
L’intervention de Luis Osorio, en effet, a tranché avec celles des partisans des deux grands projets qui traversent Podemos. Osorio représentait le document « Avec les travailleurs, c’est possible ! » [« Con los trabajadorxs Podemos »], fruit de la fusion des documents ratifiés par les cercles de Podemos de Hortaleza (Madrid) et du cercle ouvrier Podemos de la capitale espagnole, « Trabajadorxs Madrid ».
La plupart des interventions ont été saluées par des applaudissements nourris, mais celle de Juan Osorio a littéralement fait trembler le Palais de Vista Alegre, ã Madrid, ou était réunie l’Assemblée Citoyenne de Podemos.
« Camarades, a commencé Osorio, lors des dernières élections, plus de 1,2 millions d’électeurs nous ont fait passer un message clair : assez de coupes budgétaires, assez d’austéricide, assez de cette politique qui nous tue et qui tue les espoirs de nos enfants ! »
« Mais nous savons pertinemment que cela, ni le PSOE [l’opposition socialiste] ni les dirigeants de Izquierda Unida [coalition de gauche réformiste à laquelle participe le PC espagnol] ne vont le faire, nous n’avons aucune confiance en eux »
« C’est pour cela que nous nous sommes donnés un programme d’urgence sociale. Un programme qui a pour enjeu central l’engagement, vis-à-vis des travailleurs et de la société en général, de revenir sur la Réforme du marché du travail, à la fois celle de Rajoy [actuel chef du gouvernement] comme celle de Zapatero [lorsque les socialistes étaient aux commandes]. C’est pour cela que nous nous engageons à lutter jusqu’au bout pour rétablir les droits démocratiques foulés aux pieds par le gouvernement du grand capital ».
« Bien que cette politique d’austérité soit une folie, elle a une logique interne. Il s’agit de faire peser sur nous, sur le peuple, le poids de la crise capitaliste de façon ã restaurer le taux de profit pour les riches ».
« Nous avons décidé d’intégrer ã notre programme toute une série de revendications démocratiques allant du droit ã décider en Catalogne [où le référendum sur l’autodétermination prévu pour novembre a été jugé illégal par la plus haute instance juridique ã Madrid] et dans toutes les nationalités [comme en Euskadi, en Galice, etc.], jusqu’à la possibilité de dire ‘oui’ à la République contre la monarchie, et d’organiser par conséquent un référendum immédiat en ce sens. Il nous faut également une convocation ã une Assemblée Constituante (…) de façon ã transformer cette démocratie rachitique, cette démocratie formelle, en une démocratie réelle, une démocratie qui soit en capacité de rentrer dans les entreprises et les lieux de travail ».
« Il nous faut tirer une conclusion fondamentale si nous voulons lutter pour les droits démocratiques, si nous voulons lutter contre cette politique : il faut que nous partions de la mobilisation la plus large possible du monde du travail, (…) du mouvement du 15M [des Indignés], et des usines, contre ce gouvernement ».
« Camarades, il faut que l’on s’organise, dans les syndicats, pour récupérer ces organisations qui sont aujourd’hui dans les mains d’escrocs qui les dirigent. Et si nous luttons tous ensemble, si nous nous basons sur la classe ouvrière, alors il est possible de gagner [‘podemos vencer’], il est possible de balayer cette caste économique et politique tout en avançant sur le chemin de la transformation sociale dont nous avons besoin ! ».
Et pour conclure, Osorio a demandé une minute supplémentaire de temps de parole. « Si vous me permettez une dernière phrase, camarades, la plus importante de ce discours : qui d’entre vous n’a pas été ému par la lutte extraordinaire des travailleurs de Panrico [près de Barcelone qui ont mené la grève la plus longue depuis les années de la Transition, en Catalogne] par par celle des Coca-Cola ? Solidarité, par conséquent, camarades, solidarité ! (…) »
Le document « Avec les travailleur-euse-s, ¡Podemos ! », présenté par Osorio « synthétise, selon le résumé présenté lors de l’Assemblée du week-end, les principales lignes programmatiques pour l’Etat espagnol et les principales lignes de forces en termes de mesures démocratiques et d’urgence sociale de Podemos de façon ã accompagner et ã développer les aspirations démocratiques de la majorité sociales du pays ». « Avancer dans cette direction, peut-on lire dans le document, affecterait directement les intérêts des capitalistes, ici comme en Europe. Ils mobiliseraient, par conséquent, toutes leurs forces contre nous. C’est pour cela que nous devons avoir comme perspective la mobilisation et l’auto-organisation des travailleur-euse-s et du peuple, la seule force sociale ã même de changer les choses. C’est pour cela aussi que nous devons en appeler à la solidarité des travailleur-euse-s du reste de l’Europe. L’ennemi, de ce point de vue, ce n’est pas seulement la caste politique mais les pouvoirs réels qui se situent derrière elle, ã savoir le grand patronat et la banque. Une véritable démocratie qui pourrait satisfaire l’ensemble de nos revendications ne peut se conquérir uniquement par la voie électorale mais en développant la mobilisation la plus large des travailleur-euse-s et du peuple ».
Le discours d’Osorio ne représente certainement pas la position majoritaire de Podemos où prime une vision qui repose sur la citoyenneté en général en vue d’un projet politique démocratique sans délimitation de classe entre travail et capital. Cependant, le discours en tant que tel a suscité un réel enthousiasme et une certaine adhésion parmi les militants présents et sur les réseaux sociaux liés ã Podemos. Le discours, son contenu lutte de classe, la réaffirmation de la confiance dans la puissance sociale du monde du travail, tranchait radicalement avec les autres interventions. Il a semblé cependant parfaitement « normal » ã bien des militants présents dans le public, comme s’il s’agissait de la seule façon « rationnelle » pour « partir à l’assaut du ciel ».
21/10/14