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Argentine : politiques d’austérité et répression des travailleurs

Cristina Kirchner réaffirme son tournant ã droite et défend la condamnation des travailleurs de Las Heras

05/03/2014

Cristina Kirchner réaffirme son tournant ã droite et défend la condamnation des travailleurs de Las Heras

La rentrée politique vient de commencer en Argentine et le gouvernement l’engage de la même façon qu’il avait finit l’année dernière : ã droite toute. Cristina Kirchner, dans son allocution d’ouverture des sessions ordinaires du Congrès, n’a même pas essayé de masquer sa politique de droite avec un discours plus ã gauche. Le voile est tombé.

 [1]

Jeudi dernier s’est déroulé une nouvelle journée en soutien des travailleurs du pétrole de Las Heras, condamnés à la prison ã vie. La campagne de dénonciation du procès avance fortement avec des nouveaux soutiens, comme ceux des dirigeants des centrales syndicales. La journée avait commencé très tôt, avec des nombreuses actions dans tout le pays, les plus importantes se déroulant dans la région de Buenos Aires : trois blocages dans les principaux accès à la capitale, ouverture des accès au métro... Mais la police de Cristina Kirchner est rapidement intervenue, n’hésitant pas ã réprimer durement les manifestants et laissant plusieurs blessés et détenus. Trois travailleurs sortent de cette journée avec l’ouverture d’un procès judiciaire. Ils sont accusés, mesdames et messieurs … du vol du portable d’un commissaire ! [2]

Berni, le secrétaire de sécurité national (le Valls argentin [3]) a même accusé le député du FIT Nicolás del Caño, qui accompagnait les travailleurs dans un des blocages de route, de soutenir des actions illégales, et réclamait donc qu’on lui enlève son immunité parlementaire. Pour lui, c’est un crime de bloquer une route, et cela ne l’empêchera pas pour autant de défendre le vice-président accusé de divers faits de corruption et qui lui court toujours en liberté grâce ã son immunité !

Mais à la différence d’Hollande qui, tout en soutenant Valls essaye de se montrer avec un discours plus « neutre », Cristina Kirchner soutient ouvertement les déclarations de Berni. Dans son allocution, c’est elle qui met en avant la proposition d’une loi pour « contrôler » les blocages de rues. C’est la première fois que son discours s’aligne autant avec sa politique.

La présidente soutient la condamnation et attaque l’extrême gauche

Bien plus encore, Cristina Kirchner dans son allocution a ouvertement défendu la condamnation aux pétroliers de Las Heras : « Pourquoi ils protestent ? J’ai demandé et on m’a répondu qu’ils protestent pour l’affaire de Las Heras. Je vais vous raconter, pour ceux qui ne le savent pas, ce qu’il s’est passé ã Las Heras. En 2006, dans un conflit, un policier qui défendait (…) son commissariat est mort ã coups de bâtons. (…) Le temps a passé depuis et la justice a fini par se prononcer, et les responsables de cet horrible assassinat ont été condamnés. (…) Bon, lorsqu’ils protestaient et qu’ils bloquaient l’autoroute, les gendarmes les ont expulsé, sous les applaudissements des gens ». Pour elle peu importe que le jugement soit basé sur des tortures, que l’opposition ã cette condamnation soit si importante. Ce qui compte c’est de soutenir les force répressives. Elle a besoin d’elles pour réprimer les travailleurs qui manifesteront pour leur conditions de vie. Elle a besoin d’elles, et de cette justice au service des riches pour incarcérer et condamner les militants luttes de classe et pour laisser en liberté son ami le vice-président.

Avec son discours elle se rapproche, comme elle a fait lors des derniers élections, du discours de l’opposition de droite. Et maintenant elle commence ã s’affronter au vrai danger. En poursuivant le discours de Berni, elle accuse Nicolás del Caño et le PTS d’être derrière les manifestations.

Ce tournant ã droite vise ã effrayer les travailleurs qui commencent a s’organiser contre la bureaucratie syndicale, qui luttent pour leurs conditions de vie et de travail et qui défendent leurs camarades quand ils sont attaquées par la justice. Elle s’attaque aussi à l’extrême gauche car elle a peur que les travailleurs, qui lui font de moins en moins confiance, ne se tournent vers une politique d’indépendance de classe.

La politique économique

Comme tout le monde pouvait s’y attendre, Cristina Kirchner a défendu les derniers mesures prises par le ministre de l’économie Axel Kicillof : la politique d’ajustement via la dévaluation et l’inflation. Sans surprise, la présidente a accusé les « monopoles et secteurs concentrés », car ils spéculent avec les prix des marchandises et le taux de change du dollar. Ce qu’elle n’a pas dit, c’est que son gouvernement a permis cette spéculation avec toutes ses mesures économiques. Ces groupes économiques que le gouvernement accuse aujourd’hui ont toujours bénéficié de la politique kirchneriste. Les frictions qui ont pu avoir lieu ne sont que le fruit de la bataille pour la répartition d’une partie des profits faits grâce à la dévaluation des salaires opéré depuis des années, sous les trois mandats des Kirchners.

Le pétrole comme exemple

L’exemple de la compagnie pétrolière Repsol (qui contrôlait la compagnie privatisé YPF) est significatif. Repsol a bénéficié pendant des années de la politique kirchneriste, avant même leur arrivée à la présidence, car leurs liens datent de l’époque où Néstor Kirchner était gouverneur de la province de Santa Cruz. Pendant toutes ces années, Repsol a réalisé d’énormes profits sans rien investir. Aujourd’hui YPF est a nouveau sous contrôle de l’État et Repsol devient le « méchant groupe concentré ». Et le gouvernement vient d’arriver a un accord avec Repsol : il va lui reverser pas moins de 5 milliards de dollars. Avec la politique du gouvernement, être le « méchant », ça paye.

Et ce sont le travailleurs qui payent

Pour que sa politique économique soit un minimum crédible, le gouvernement doit faire semblant de resoudre le problème de l’inflation. Jusqu’à présent sa politique consistait tout simplement à la nier en manipulant les statistiques. Mais aujourd’hui, après la forte dévaluation du péso en janvier, l’inflation est trop grande pour la cacher sous le tapis. Le gouvernement a crée un « panier » des produits dont leurs prix sont « contrôlés » et qui permettrait de sauvegarder le portefeuille des travailleurs. Bien sûr ceux qui spéculent avec le prix du « panier » et ceux des autres produits sont les autres « méchants » du film réalisé par la présidente. Mais la seule chose qui l’intéresse c’est de savoir qui va payer aux « méchants » spéculateurs et aux « gentils » patrons nationaux. Ce « panier » ne lui sert qu’à faire baisser le plafond des augmentations de salaires, car en mars se déroulent les discussions paritaires.

Les premiers ã payer, les instits

Très loin de la politique du député du FIT Nicolás del Caño, qui a refusé les augmentations des indemnités parlementaires et propose que tout élu ou haut fonctionnaire gagne autant qu’un instit, le gouvernement essaye de limiter les augmentations de salaires pour ces derniers. La proposition du gouvernement n’est pas suffisante, elle est même insultante : 22%, et pas immédiatement, alors que l’inflation a été de 28% en 2013 et de presque 3,5% en janvier 2014. Mais cette « proposition » vient accompagner de différentes mesures qui visent ã miner la capacité d’action des travailleurs de l’éducation.

Cristina Kirchner veut s’attaquer aux travailleurs

Un des éléments centraux de l’attaque du gouvernement consiste a introduire un « plus » pour le fait d’être présent tous les jours pour les instits. Ainsi, une partie du salaire devient non acquis chaque mois. Il suffit d’être malade un jour pour perdre ce « plus » (qui n’est pas un plus car il ne s’ajoute pas ã un salaire décent mais il serait une partie d’une salaire minable). Mais ce n’est pas pour faire face ã des arrêts maladie trop nombreux que le gouvernement veut mettre en place cette mesure, même si l’épargne en remplaçants peut l’intéresser. C’est surtout pour diminuer l’impact d’un appel à la grève. Un instit qui fait grève perdrait immédiatement une partie de son salaire.

Mais cette mesure n’est pas la seule. Par exemple, ils disent avoir la volonté de décaler la discussion paritaire au mois de juin. Le gouvernement propose même d’améliorer leur proposition en échange de cette mesure. Kirchner a ici un double objectif. D’une part, tout simplement continuer ã ne payer rien de plus pendant quelques mois. C’est la même chose qui avait proposé De Mendiguren, le patron de l’Union Industrielle Argentine (l’équivalent du Medef) pour le privé, sous prétexte d’attendre une supposée stabilisation de l’économie. Mais le report bénéficierait au patronat, qui continuerait ã payer les salaires actuels tout en augmentant les prix. D’autre part, le deuxième objectif est de placer les discussions paritaires au milieu de l’année, quand la grève aurait moins d’impact. Face ã cela, les instits menacent aujourd’hui de reporter la rentrée scolaire.

Cette allocution d’ouverture des sessions ordinaires du congrès montre bien ce que le gouvernement prépare pour cette année : les riches continueront ã gagner des fortunes, les membres du gouvernement ã s’enrichir de façon douteuse, les travailleurs a perdre du pouvoir d’achat, et tous ceux qui veulent s’opposer continueront ã subir des lois de plus en plus dures. En deux mots, austérité et répression.

  • NOTAS
    ADICIONALES
  • [1Cristina Kirchner réprime ouvertement les travailleurs

    [2On peut dire, pour leur défense, qu’après l’ouverture de 5000 procès contre des militants lutte de classe, ils ne savent plus quoi inventer...

    [3La comparaison ne fait pas seulement référence à leur fonction au sein de l’appareil d’Etat. Leurs discours et leurs pratiques les rapprochent. Récemment, lors de l’occupation des terrains vides et même pollués, Berni reprochait devant les caméras aux fonctionnaires judiciaires de n’avoir pas réagi rapidement pour les expulser. Berni, comme Valls, est un fort soutien aux politiques répressives, surtout s’il s’agit des couches populaires.

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