Important rassemblement du syndicalisme de classe en Argentine
Plus de 4 000 personnes ont participé à la Conférence Nationale des Travailleurs organisée à l’appel du PTS
15/07/2012
Plus de 4000 personnes ont participé dimanche 8 juillet à la Conférence Nationale des Travailleurs, organisée à l’appel du Parti des Travailleurs Socialistes (PTS) d’Argentine et des syndicalistes lutte de classes de tout le pays et qui s’est tenue dans l’enceinte du stade couvert de Ferro. En tout et pour tout, 143 syndicats, venant de quatorze provinces, étaient représentés.
La conférence a commencé par l’élection de la présidence. Se sont ainsi succédés à la tribune José Montes, dirigeant de la lutte historique contre la privatisation des chantiers navals Astillero Río Santiago [près de La Plata] ; Raúl Godoy, ouvrier de Zanon sous contrôle des travailleurs et député [provincial de Neuquén] élu sur les listes du Front de Gauche et des Travailleurs (FIT, Frente de Izquierda y de los Trabajadores) ; Claudio Dellecarbonara, dirigeant de l’aile lutte de classes des délégués syndicaux du métro de Buenos Aires et enfin Javier « Poke » Hermosilla, dirigeant de la Commission Interne [1] de la multinationale Kraft ainsi que de l’opposition contre la bureaucratie de Rodolfo Daer dans le syndicat de l’agroalimentaire.
Claudio Dellecarbonara
José Montes
Un cadre représentatif de la progression de la gauche classiste
Chaque présentation des camarades a été accompagnée de chants et de slogans repris en chœur par les milliers de travailleurs présents aux côtés de l’organisation de jeunesse du PTS : « On va en finir avec la bureaucratie syndicale » [2]. La même scène s’est répétée lorsque l’on a présenté les trente autres dirigeants syndicaux qui sont montés à la tribune.
Image de la présidence de la Conférence composée de plusieurs dirigeants ouvriers
En représentation des ouvrières et des ouvriers de l’industrie de l’alimentation et des usines Kraft, PepsiCo, Stani, Felfort [dans la province de Buenos Aires] [3] notamment sont montées à la tribune deux déléguées syndicales et militantes pour le droit des travailleuses, Lorena Gentile et Catalina Balaguer.
Hernán “Bocha” Puddu a représenté les ouvriers de l’industrie automobile de plusieurs entreprises en tant que licencié de FIAT-IVECO et expulsé du syndicat du secteur, le SMATA de la province de Córdoba, pour avoir défendu les intérimaires.
Eduardo Ayala, dirigeant du courant syndical Bordeaux dans l’industrie graphique et de la Commission Interne de Donnelley (anciennement Atlántida), a quant à lui représenté les travailleurs des entreprises Cedinsa, Printpack, World Color, etc.
Sont ensuite montés à la tribune Guillermo Betancourt et Oscar « Chiche » Hernández, deux militants syndicalistes reconnus chez les métallurgistes de Siderca-Campana et Siderar-San Nicolás [au Nord de Buenos Aires] et qui en outre représentaient les camarades de l’UOM (Syndicat des ouvriers métallurgistes) de Villa Constitución, Quilmes, La Plata, La Matanza, Buenos Aires et Mar del Plata qui étaient présents dans le stade.
Ont également été invités ã monter à la tribune Flavio Bustillo et Andrés Padellaro, dirigeants de la lutte contre la flexibilisation du travail sur la ligne de chemins de fer Roca [4]. C’est ã cet instant que les militants de la jeunesse du PTS ont salué les camarades en chantant en hommage ã Mariano Ferreyra, militant du Parti Ouvrier (PO) assassiné [le 20 octobre 2010] par la bureaucratie du syndicat des cheminots : « On vengera Mariano Ferreyra, par la lutte et la grève générale » [5].
Flavio Bustillo
Puis ça a été le tour de Franco Villalba, délégué syndical d’Alicorp (anciennement Jabón Federal) qui a été à la tête de la Liste Bordeaux aux élections du Syndicat des Ouvriers du Savon (chimie) et a obtenu 37% des voix dans les entreprises de Buenos Aires et de la périphérie proche.
Carlos Artacho, délégué de base de FOETRA Buenos Aires, représentait les travailleuses et travailleurs de la multinationale Telefónica, de Telecom et les jeunes travailleurs des centres d’appel.
Carlos « Charly » Platkowsky, délégué syndical de LAN Argentine, est monté à la tribune pour représenter les travailleurs du secteur aérien de LAN, HAS, Aerolíneas Argentinas, Pertenecer et Intercargo.
Au nom de la très importante délégation de travailleurs du secteur public sont montées à la tribune les déléguées de l’INDEC [l’INSEE argentin] Ana Laura Lastra et de l’IOMA [couverture médicale] de La Plata, Luana Simioni.
Puis ça a été au tour des délégations venues des régions les plus éloignées du pays. Le fameux slogan « Ils sont là , les voici, les ouvriers sans patron ! » [6] a accompagné la délégation venue de Neuquén, composée notamment de travailleurs des entreprises céramistes Zanon, Stefani, Del Valle, d’ouvriers industriels d’Aqualic, Papelera Molarsa, de travailleurs du textile, de travailleurs agricoles, des hôpitaux les plus importants de la province ou encore employés des différents services de l’Etat. A la tribune, ils ont été représentés par le secrétaire adjoint du Syndicat Céramiste de Neuquén, Andrés « Chaplin » Blanco, Jorge Medina, dirigeant de la lutte d’Aqualic, Yazmín Muñoz et Graciela Frañol, déléguées d’ATEN (syndicat enseignant de la province de Neuquén) et dirigeantes du courant syndical « Agrupación Negra ».
Carlos Melián de l’industrie de l’agrume, et Verónica Jerez, dirigeante de la lutte des « travailleursautoconvoqués » de la santé, représentaient quant ã eux les camarades venus de la province de Tucumán, notamment de UARTE ainsi que du secteur agroalimentaire.
Depuis la province de Jujuy est arrivée une importante délégation de travailleurs de l’industrie de la canne ã sucre, de la sidérurgie, avec les hauts fourneaux « Altos Hornos Zapla », de fonctionnaires, de travailleurs municipaux, d’enseignants et d’ouvriers du nettoyage. Ils ont été représentés à la tribune par le délégué des travailleurs municipaux, Alejandro Vilca.
Humberto, un jeune camarade bolivien, est monté à la tribune pour représenter les travailleurs immigrés présents à la Conférence, embauchés dans le BTP, dans le travail domestique et dans les ateliers textiles. Pour accompagner le camarade, tout le stade a commencé ã entonner« la classe ouvrière est une et sans frontières ! ». La scène s’est répétée une seconde fois lorsque le dirigeant du textile de l’usine Brukman et membre de l’assemblée Coro Mayta de la communauté bolivienne, Yuri Fernández, est ã son tour monté à la tribune.
En représentation de la province de Mendoza, d’où est venue une délégation de travailleurs de la presse, d’ouvriers du secteur viticole, de fonctionnaires et d’enseignants, il y avait Nora Brucoleri, tête de liste de l’opposition Marron chez les enseignants et qui a obtenu 20% des voix aux dernières élections.
D’autres représentants de différents secteurs des provinces de La Pampa, Entre Ríos, Santa Cruz et de villes de la province de Buenos Aires comme Bahía Blanca, Ingeniero White, Puerto Madryn et Tres Arroyos étaient également présents.
Pour conclure cette première phase, la tribune a proposé de saluer chaleureusement les camarades d’autres régions, également présents, comme les chauffeurs de bus de l’UTA, les travailleurs des ports, des eaux gazeuses, des banques, de la poste, des abattoirs, de l’industrie du verre, du plastique, les transporteurs, des principales entreprises de l’industrie du pneumatique comme FATE et Firestone, de l’emblématique syndicat Luz y Fuerza de Córdoba, jeunes travailleurs de la bière, employés du commerce, de la chimie, travailleurs du lait d’ATILRA, employés des casinos, les ouvriers de l’industrie du papier et les camarades du syndicat des femmes de ménage.
A la fin de la lecture de la liste des participants, la salle a fait résonner des slogans pour l’unité des travailleurs [7]. En outre on a salué la présence de référents des organisations invitées comme María del Carmen Verdú de Correpi (Coordination Contre la Répression Policière et Institutionnelle), des camarades de l’AEDD (Association des Ex Détenus-Disparus pendant la dictature) et de l’Assemblée populaire Carlos Coro Mayta. Avec la participation de militants de 14 provinces qui agissent au sein de 143 syndicats, on inaugurait la Conférence Nationale de Travailleurs convoquée par le PTS.
Les rapports et les discours des dirigeants ouvriers
Raúl Godoy a commencé par soumettre au vote la présidence d’honneur de la Conférence. Il s’agissait des camarades du PTS décédés dernièrement, Polo Denaday et Liliana Parotti, qui ont été des exemples de professionnels (respectivement avocat et comptable) ayant mis leur profession au service de la cause de la classe ouvrière et de la lutte révolutionnaire ; de Mariano Ferreyra, jeune militant du PO assassiné par les « gros bras » de la bureaucratie syndicale de José Pedraza ; les mineurs du charbon dans l’Etat Espagnol ; les masses du Nord de l’Afrique ; et la jeunesse qui lutte contre le capitalisme sur toute la planète. Cette présidence d’honneur a été votée par l’acclamation de toute la salle.
Ensuite, Godoy a fait un rapport sur la situation argentine et mondiale et les tâches du mouvement ouvrier et de la gauche radicale, en déclarant : « il faut dire que la situation de la classe ouvrière commence ã changer ã une grande échelle : ce qui hier encore était une expérience de l’avant-garde, le dénommé « syndicalisme de base », aujourd’hui commence ã être l’expérience de secteurs de masses (…) Nous entrons dans une nouvelle et passionnante phase de l’expérience des travailleurs avec un gouvernement péroniste (…) Notre lutte démarre dans le cadre d’une profonde division des rangs ouvriers. Les syndicats n’en représentent qu’une minorité. Seulement un peu plus de 30% des 11 millions de travailleurs du pays est affilié ã un syndicat. C’est cette minorité seulement qui peut élire, quand on la laisse, les dirigeants syndicaux. Les autres 70%, dont les millions de travailleurs informels, les intérimaires qui sautent d’un emploi à l’autre et les non syndiqués, ne sont que des spectateurs. Et en plus, les bureaucraties syndicales, aussi bien de la CGT que de la CTA, ont divisé les centrales en fonction des luttes internes du péronisme et de l’opposition bourgeoise d’Hermes Binner [8] (…) C’est pour cela qu’il est fondamental ne pas laisser entre les mains de la bureaucratie syndicale les revendications légitimes des travailleurs, et encore moins notre futur.
Sur la banderole : "Que les capitalistes payent la crise, PTS"
En ce sens nous avons été des milliers dans tout le pays ã nous mobiliser le 27 juin dernier [9] malgré le contrôle de la part de la direction d’Hugo Moyano de la CGT. En effet, les luttes que nous menons contre la bureaucratie sur nos lieux de travail et dans les entreprises nous les déplaçons aussi dans les rues en montrant l’alternative du « syndicalisme de base » aux affiliés des syndicats de masse.
(…) Evidemment, nous devons regrouper, avec cette perspective, tous ceux qui retirent les syndicats des mains des bureaucrates. Arrêtons d’ores et déjà une date, avec les camarades du FIT, pour une grande Assemblée Nationale de Travailleurs, de tous les regroupements et courants antibureaucratiques et combatifs, pour qu’ensemble nous organisions une vraie alternative qui ait la force d’affronter la bureaucratie syndicale dans toutes ses variantes.
(…) aujourd’hui les différentes bureaucraties de la CGT et de la CTA sont divisées par rapport ã des projets politiques bourgeois. « Les gros » suivent Christina Kirchner, qui passe ses week-ends dans sa villa dans le Calafate alors que les travailleurs endurent la misère. D’autres, comme Hugo Moyano, veulent nous aligner derrière Daniel Scioli [10]. Pour qu’ils n’utilisent pas nos luttes pour renforcer tel ou tel projet politique bourgeois, il faut commencer ã faire progresser l’idée d’un parti de la classe ouvrière.
(…) C’est pour cela que nous voulons débattre dans cette Conférence la proposition de discuter avec les milliers de travailleurs présents sur nos lieux de travail de deux grandes idées : la lutte pour des syndicats sans bureaucrates, pour un parti de travailleurs sans patrons, parallèlement à l’exigence d’élaborer un plan de lutte pour un programme pour l’ensemble du prolétariat ».
Ensuite ça a été le tour de Claudio Dellecarbonara de prendre la parole. Celui-ci s’est exclamé : « Nous les travailleurs, nous créons tout et faisons tout bouger (…) En Argentine nous sommes 11 millions de salariés, il n’y a pas de classe sociale plus nombreuse que la nôtre. Si l’on rajoute nos familles, nous représentons la grande majorité du pays. (…) Au cours des dernières décennies, nous les travailleurs des services avons pris une grande importance, non seulement parce que dans les grandes concentrations urbaines le transport des marchandises et les communications deviennent de plus en plus stratégiques, mais parce que nous transportons tous les jours le bien le plus précieux pour le capitalisme : la force de travail. C’est pour cela qu’à chaque grève dans les services on perçoit une grande inquiétude et on voit des attaques furieuses de la part des capitalistes et de l’Etat qui les représente. (…) Nous voulons mettre les syndicats au service des nécessités de l’ensemble des travailleurs, des exploités, pour lutter, coordonner les efforts et diriger les secteurs opprimés, ce que la bureaucratie syndicale ignore complètement ».
Plus tard il a expliqué que « nous, les délégués ou activistes honnêtes, même si nous sommes très bons pour défendre les revendications de nos camarades, nous ne voyons pas la nécessité de construire une alternative, nous laisserions sans défense ces mêmes camarades face à la bureaucratie syndicale qui met les syndicats au service des projets capitalistes, nos ennemis ».
De son côté, José Montes a parlé des traditions de la classe ouvrière, qui ne se limitent pas simplement à la lutte syndicale : « les travailleurs sont quotidiennement victimes du vol d’une partie de ce qu’ils produisent avec leurs efforts. Mais comme si cela n’était pas assez, les idéologues du régime veulent nous voler aussi notre propre histoire. Ils veulent effacer de l’histoire une classe qui lutte depuis 180 ans pour ses revendications. Les travailleurs se sont montrés comme la classe la plus créative de l’humanité. Ils ont créé leurs propres organisations, les syndicats. Ils ont fondé les grands partis socialistes de masse et ont réussi ã arracher les premiers acquis. Tout cela ã travers la lutte. Au début du XXe siècle, la classe ouvrière a fait la Révolution Russe ; et les travailleurs ont organisé leur propre Etat qui a conquis les plus grands acquis de l’histoire de l’humanité. (…) Ensuite, la classe ouvrière a construit des Etats où les patrons ont été expropriés, dans un tiers de la planète, depuis la Chine jusqu’à Cuba en Amérique latine. Mais notre classe a été aussi capable d’attirer vers elle les meilleurs intellectuels du XIXe et XXe siècle : Marx, Engels, Lénine, Trotsky, Rosa Luxembourg et Antonio Gramsci. Aujourd’hui, quand après tant de défaites, la classe ouvrière se remet debout, nous devons lutter pour notre histoire, car c’est lutter pour notre avenir ».
L’intervention des organisations invitées
Ont également été invités ã monter à la tribune pour nous adresser quelques mots, les dirigeants du Partido Obrero et ceux d’Izquirda Socialista, qui forment avec le PTS le FIT.
Néstor Pitrola, dirigeant du PO, a pris la parole et a appelé ã « renforcer le FIT en intervenant dans chaque épisode de la crise politique pour amener les exploités avec la gauche radicale vers la seule issue possible ». Il a ajouté en outre que « le 6 août commence le procès des assassins de Mariano Ferreyra (…) on appelle ã se mobiliser, tous ensemble, massivement dans tout le pays ».
Une camarade a lu un communiqué de la direction nationale d’Izquierda Socialista, de Rubén “Pollo” Sobrero, d’Angélica Lagunas et de Liliana Olivero. La salutation des camarades disait, entre autres, combien est “importante l’unité des dirigeants antibureaucratiques et de la gauche classiste pour que les luttes soient victorieuses. C’est pour cela que nous donnons beaucoup d’importance au débat, dans cet évènement du PTS ou dans l’Assemblée Nationale Classiste que l’on veut mettre en place (…) On salue cette initiative (…) Lors de cette Assemblée Nationale Classiste nous proposons de construire une vraie coordination des commissions internes, des délégués, avec tous ceux qui se revendiquent antibureaucratiques et combatifs. Une coordination beaucoup plus large que le FIT car de jour en jour chaque fois plus de travailleurs rejoignent la lutte contre la bureaucratie ».
Puis la parole a été donnée ã Omar Villablanca, Secrétaire Général du Syndicat Céramiste de Neuquén et membre du secteur indépendant du courant syndical « Agrupación Marrón » : « pour nous il était important de venir ici (…) car on se considère classistes aux côtés des camarades qui nous ont soutenu historiquement ». En évoquant l’importance d’avoir participé au sein du FIT aux dernières élections, il a déclaré : « nous pouvons être les meilleurs activistes ouvriers, mais au moment des élections on ne nous offre que des alternatives bourgeoises. Nous avons décidé d’avoir notre propre alternative ; ainsi on a obtenu les premiers résultats ». Il a revendiqué en plus son appartenance au courant qui anime le journal « Nuestra Lucha » avec des travailleurs d’autres secteurs et syndicats.
La crise et la nécessité d’offrir une issue politique
Christian Castillo
Christian Castillo, dirigeant national du PTS, s’est lui aussi exprimé : « nous réalisons cette Conférence en pleine crise capitaliste mondiale qui constitue l’évènement marquant la période historique que nous traversons. La crise a ouvert un bras de fer entre, d’une part, les banquiers, les grands monopoles et les gouvernements qui les représentent, et d’autre part, les travailleurs et les peuples opprimés dans le monde. L’un des grands protagonistes est la jeunesse, qui est en train d’ouvrir les yeux face ã ce qu’est vraiment le capitalisme. Il y a aussi une crise politique des directions du mouvement ouvrier. Dans notre pays, bien que les rythmes de la crise aient pour le moment été différents, nous voyons déjà le début de conflits entre des secteurs de la base ouvrière et le gouvernement de Christina Kirchner. C’est une expérience qui commence ã se développer ».
Castillo a ajouté que le PTS « a proposé aux camarades avec qui il a constitué le FIT d’ouvrir les discussions ã propos d’un parti commun. Mais même si cela venait ã voir le jour, nous serions une petite minorité. C’est pour cela que l’une des idées que l’on veut mettre clairement en avant c’est de dire aux travailleurs qu’il n’y a de tâche plus importante que de construire un parti de travailleurs sans patrons. Nous voulons avoir une influence dans le processus de rupture des travailleurs avec le gouvernement et que les frictions entre ceux d’en haut ne soient pas canalisées par des options bourgeoises. C’est une force que de se mettre en route, et aucun appareil d’aucun Etat capitaliste ne pourra l’arrêter. C’est pour cela qu’en plus de la participation dans les luttes, les prises de position face aux grands évènements, la proposition de mettre en place une Assemblée Nationale Classiste, nous disons aux camarades du FIT que nous devons défendre tous ensemble, dans les quartiers et dans les usines, l’idée qu’il faut construire un grand parti des travailleurs ».
Unifier la classe ouvrière en lutte aux côtés des plus exploités !
L’un des points centraux de la Conférence a été la discussion sur l’unité des rangs ouvriers et de comment organiser les secteurs les plus exploités.
Javier "Poke" Hermosilla
Javier “Poke” Hermosilla a pris la parole et a déclaré : « des milliers de travailleurs se sont mobilisés et se sont prononcés contre le gouvernement et sa politique anti-ouvrière. Une des tâches que nous avons dans ce cadre c’est de nous renforcer là où l’on est présent, de continuer ã reprendre des mains des bureaucrates les commissions internes, dans les grands syndicats de l’industrie ». Il a expliqué qu’ « avec la liste Bordeaux, des centaines de camarades étions en première ligne pour nous affronter à la bureaucratie de Rodolfo Daer. Maintenant il y a un courant pour l’affronter avec le soutien et la participation de camarades indépendants, et de la jeunesse aussi. C’est pour cela qu’ils nous mènent de procès en procès ». Il a conclu en disant qu’il reste une grande tâche pour le futur : continuer à lutter pour les droits des précaires, les sous-traitants, pour avancer vers l’unité des rangs ouvriers.
L’un des discours les plus applaudis a été celui de Lorena Gentile, déléguée de la commission interne de la multinationale Kraft : « nous voulons mettre en place une grande campagne pour les droits des travailleuses. C. Kirchner parle cyniquement des droits des travailleurs, alors qu’elle garantit depuis des années les profits des patrons en écrasant nos droits, en détruisant notre santé et en approfondissant la précarité. La bureaucratie maintient la division des travailleurs et l’oppression des femmes dans les usines ».
Elle a ajouté ensuite : « il est fondamental de discuter comment défendre les revendications des secteurs les plus opprimés, notamment ceux des travailleuses et de la jeunesse. Mais aussi ceux des minorités sexuelles. Des milliers de femmes en ont marre des conditions d’exploitation et de discrimination, elles en ont marre de la violence. C’est pour cela que chez Kraft nous avons dit stop et nous avons arrêté la production quand un chef d’équipe a harcelé sexuellement une camarade ». Quand elle a évoqué cet arrêt de travail contre le harcèlement sexuel, la salle a réagit en entonnant à l’unisson : « Oui on le peut, si une femme avance, aucun homme ne recule » [11].
Lorena a conclu en disant que « c’est une tâche de la gauche classiste d’organiser les travailleurs pour que nous soyons une force dévastatrice pour la bureaucratie syndicale et pour ceux qui nous oppriment. Certains disent que ‘derrière un grand homme il y a une grande femme’. Mais les femmes qui sont ici ne sont derrière personne : nous sommes en première ligne ! ».
L’un des discours les plus émouvants de cette après-midi-là a été celui d’Humberto, un jeune immigré bolivien, qui a parlé des millions de jeunes (aussi bien immigrés qu’argentins) qui subissent les pires conditions de travail : précarisés et semi-esclaves dans des usines où ils doivent travailler 12, 14 ou 16 heures par jour pour gagner de quoi payer un loyer dans un foyer ou un hôtel. Mais malgré toutes ces souffrances, « je me sens fier de faire partie de cette jeunesse qui se révolte dans le monde entier ». Il a ensuite proposé de « construire une grande jeunesse travailleuse aux côtés des communautés indigènes, les étudiants, pour en finir avec ce système d’exploitation et d’oppression ».
Finalement, Alejandro Vilca, délégué des éboueurs d’Alto Comedero dans la province de Jujuy, a parlé des grèves dans les raffineries de sucre que l’on a connues ces derniers mois, et aussi du rejet grandissant de Carlos Blaquier qui a collaboré avec la dernière dictature génocidaire en Argentine et qui est le patron de milliers d’ouvriers du sucre.
Alors que nous arrivions à la fin de la conférence, deux camarades nous ont surpris et émus : un dirigeant expérimenté des ouvriers de la raffinerie de sucre La Esperanza a dit que « ce sont les travailleurs qui maintiennent debout le pays, la santé et l’éducation, et non pas ce gouvernement qui administre mal l’argent et fait du business avec ses amis. Pour que cela cesse il faut se débarrasser des traitres qui sont dans les syndicats et nous vendent pour des miettes. Je pars d’ici avec la volonté immense de continuer ã me battre, ã vos côtés ! ».
Segundina, activiste de la Commission de Femmes de La Esperanza
A ses côtés il y avait une activiste de la Commission de Femmes de La Esperanza. Segundina a provoqué les applaudissements très émus de tous quand elle a dit qu’elle « voulait saluer en ma langue parce que l’on nous a toujours discriminés. Je suis fière d’être bolivienne ». Segundina a salué en quechua les présents dans la salle qui ont ensuite scandé : « la classe ouvrière est une et n’a pas de frontières ».
La camarade a déclaré : « les patrons nous volent. Nous n’avons pas besoin de patrons, de capitalistes. Les camarades savent comment fabriquer le sucre, comment labourer les champs. Certains entrent dans le syndicat et retournent leur veste. C’est pour cela que nous voulons le contrôle ouvrier, parce qu’entre camarades nous pouvons avancer ».Avec des chants pour l’unité des travailleurs, qui ont duré plusieurs minutes, s’achevait une journée intense de débats et de propositions. Des milliers de travailleurs, de jeunes et de militants partaient avec le compromis de continuer à lutter pour faire avancer la gauche classiste au sein du mouvement ouvrier.
Avant de donner la parole ã Raúl Godoy pour le discours de clôture, ont pris la parole des camarades de la jeunesse du PTS qui ont parlé du besoin de l’unité entre les ouvriers et les étudiants, comme lors de la lutte des ouvriers et ouvrières de Kraft. On a également évoqué les résolutions discutées dans les 16 commissions qui ont eu lieu durant la journée.
Raul Godoy
Enfin, Raúl Godoy a clos la Conférence avec une intervention très émouvante en reprenant l’idée proposée par les commissions d’éditer des milliers de stickers avec les deux consignes centrales de la Conférence pour distribuer et coller dans les différents lieux de travail et usines, afin d’ouvrir un large débat et d’approfondir l’intervention dans la lutte de classes ; un terrain sur lequel nous voulons nous former en tant que dirigeants et activistes de la classe ouvrière pour offrir une réponse aux souffrances et à la misère que nous impose le système capitaliste.
8/7/2012.
Vidéo résumant la Conférence (audio en espagnol)
NOTASADICIONALES
[1] La Commission Interne est la structure dirigeante au niveau de chaque entreprise du syndicat unique de branche qui existe. A chaque élection, les travailleurs peuvent officiellement présenter des listes qui portent une couleur (ici, dans l’article, « liste bordeaux », « liste marron », pour les listes d’opposition à la bureaucratie syndicale). La bureaucratie syndicale fait bien évidemment tout pour empêcher que des oppositions se structurent au sein des syndicats, ã commencer par la récupération des Commission Internes. Les deux syndicats en Argentine sont la CGT, surtout présente dans l’industrie et le privé, et la CTA, plus présente dans le secteur public.
[2] “Se va a acabar / se va a acabar / la burocracia sindical”.
[3] Voir L. Varlet, « Syndicalisme de classe en Argentine. Une victoire des travailleurs contre la bureaucratie syndicale dans l’industrie agroalimentaire »,14/05/12, www.ccr4.org/Une-victoire-pour-les-camarades
[4] Voir ã ce propos F. Bustillo, « Ferrocarril Roca, Argentine : 1500 travailleurs titularisés. Retour sur une grande victoire contre la précarité », 8/06/11, www.ccr4.org/1500-travailleurs-titularises
[5] “A Mariano Ferreyra lo vamos a vengar / con la lucha y la huelga general”.
[6] “Aquí están, estos son / los obreros sin patrón”
[7] “Unidad de los trabajadores, y al que no le gusta, se jode”.
[8] Ex gouverneur « socialiste » de la province de Santa Fe de 2007 ã 2011 et ancien candidat à la présidentielle en 2011 pour le Frente Amplio Progresista.
[9] Manifestation des camionneurs pour des revendications salariales convoquée par la bureaucratie de la CGT, ancien allié du gouvernement de Christina Kirchner, qui marque peut-être une première fissure entre le gouvernement et une partie de sa base ouvrière.
[10] Ex vice-président argentin et gouverneur de la province de Buenos Aires depuis 2007. Il fait partie de l’opposition péroniste.
[11] “Si se puede, si una mujer / si una mujer avanza ningún hombre retrocede”.