Alive and well...
Ferguson : l’acquittement de Darren Wislon, un verdict raciste hautement explosif
28/11/2014
Le 24 novembre, le grand jury a décidé de ne pas retenir les charges portées contre le policier blanc Darren Wilson qui avait impitoyablement assassiné Mike Brown, un jeune Noir sans arme, ã Ferguson en août dernier. A la suite de ce verdict, des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour condamner son caractère ouvertement raciste. La répression policière et militaire, la rapidité de la réponse d’Obama, l’inefficacité des appels au calme des leaders historiques du mouvement noir, ainsi que la multiplication des manifestations ã travers le pays témoignent à la fois de la portée nationale et de la profondeur politique de la lutte contre le racisme dans une société états-unienne dont l’illusion « post-raciale » s’effondre.
Un permis de tuer : le racisme, la police et la fin des illusions « post-raciales »
Cette décision révoltante du grand jury populaire n’a guère étonné personne, mais révèle encore une fois et de manière exemplaire la profondeur et la violence du racisme sur lequel la société capitaliste états-unienne repose. Le racisme constitue effectivement l’un des piliers sur lequel s’est développé le capitalisme aux États-Unis, servant ã maintenir la classe ouvrière blanche divisée et raciste. Il joue un rôle fondamental dans le développement et maintien du système capitaliste auquel la police est au service. On estime que celle-ci assassine au moins un Noir sans arme toutes les 28 heures et ces assassins ne sont que trop peu souvent sinon condamnés, du moins poursuivis. La police bénéficie d’un permis de tuer, notamment lorsque l’éventuelle victime est noire.
Obama n’a pas attendu plus que quelques minutes avant de répondre ã ce verdict ã contenu hautement explosif. Affirmant que « nous sommes une nation bâtie sur le respect de la loi » et qu’ « il faut accepter la décision du grand jury », il a demandé à la jeunesse et à la population noire de se résigner devant l’impunité. Il est allé jusqu’à leur rappeler que « nous avons fait d’énormes progrès sur le plan des relations raciales dans les dernières décennies », tentant d’entretenir les illusions « post-raciales » qui commencent ã fissurer. Renforcée par l’avènement d’un Noir à la Maison Blanche en 2008, la construction politique de cette illusion confond en effet l’expansion des droits, les discours politiquement corrects et la cooptation d’une minorité noire faisant partie de la classe dominante avec l’élimination du racisme.
Au pays d’Obama, le racisme en pleine forme
Or le racisme est loin d’être éliminé au pays d’Obama. La communauté noire est la minorité raciale la plus importante du pays, soit environ 13 % de la population totale. Avec la communauté latina, ils sont surreprésentés dans les couches les plus pauvres de la société, souffrent d’importants taux de chômage (double de celui pour la population blanche, soit 14%) et d’incarcération (40 % de la population incarcérée). En termes de droits civiques, des progrès ont certes été faits avec la fin de la ségrégation légale et l’instauration des programmes de « discrimination positive », mais la discrimination raciale sur les plans économique, social et politique continue ã constituer un élément fondamental de division sociale et agit en tant que frein à l’unité des secteurs opprimés de la société états-unienne.
Et Ferguson en est devenue un cas emblématique. Bien que les Noirs constituent 70 % de la population de la ville, le maire, le chef de police et cinq des six représentants du Conseil municipal sont blancs. Cela est certainement corrélé avec l’attitude raciste de la police qui, en 2013, sur un total de 521 arrestations, 483 étaient des Noirs (92%). Les manifestations ã Ferguson remettent ainsi en question le caractère utopique de la société « post-raciale » incarnée par Obama, mais surtout la validité du racisme comme un outil de domination sociale.
Des milliers dans la rue pour la justice
Des milliers de personnes sont descendues dans les rues pour protester contre ce verdict ouvertement raciste, mais aussi pour exprimer leur colère contre cette situation de discrimination et d’oppression systématique. Les manifestants ont rapidement rencontré une répression policière violente. La police n’a pas hésité à lancer des bombes lacrymogènes et des grenades incapacitantes sur les manifestants. Comme en août dernier, la ville a été rapidement militarisée avec la présence d’au moins 2 000 soldats de la Garde nationale. Une répression militarisée brutale qui n’est pas loin de nous rappeler celle que rencontrent celles et ceux qui manifestent ici en France...
Dans les 24 heures suivantes le verdict, les manifestations se sont multipliées ã travers le pays, notamment ã Chicago, Oakland, New York et Los Angeles. A travers ces mobilisations, on voit émerger un jeune militantisme noir après deux décennies de sommeil. Cette décision vient confirmer la colère déclenchée après la mort de Mike Brown et la méfiance à l’égard de la justice chez les jeunes noirs exprimée par le slogan « Pas de justice, pas de paix ». Par-delà l’éventuelle évolution des mobilisations ã travers le pays dans les jours, voire les semaines ã venir, celles-ci montrent aujourd’hui qu’une mécontentement profond perdure au sein de cette minorité historiquement opprimée et risque d’exploser ã tout moment.
26/11/2014.